L’idiotie globaliste de Hillary face à «America First» de Trump
Par Justin Raimondo – le 28 Septembre 2016 – Source antiwar
Fidèle à sa réputation d’accro à la politique, la performance de Hillary Clinton, lors du débat, a consisté presque entièrement en attaques personnelles. Et tandis que nos médias s’étalent partout en proclamant la «victoire» de Clinton, leur évaluation montre simplement à quel point ils sont éloignés des Américains ordinaires, qui ne se délectent pas de la méchanceté.
[Il s’agit d’une analyse du 1er débat. Pour le second qui a eu lieu hier soir, premier commentaire à chaud sur dedefensa, NdT]
Trump, d’autre part, bien qu’il se laisse parfois distraire par le fiel de Clinton, a mis l’accent sur les vrais problèmes, et au cours de la soirée, il a fait trois proposition importantes intéressant mes lecteurs.
1. La question la plus importante de notre temps, et de tous temps, les armes nucléaires et la possibilité imminente d’une guerre nucléaire :
«Le seul grand problème du monde est l’armement nucléaire, les armes nucléaires, et non pas le réchauffement climatique, comme vous le pensez et votre président aussi. Le nucléaire est la plus grande menace […]
Je voudrais que tout le monde arrête cette menace, il suffit de se débarrasser d’elle. Mais je ne voudrais certainement pas faire la première frappe. Je pense qu’une fois que l’alternative nucléaire est engagée, c’est foutu.»
C’est moment du débat le plus ignoré – et le plus important. Bien que, assurément, cela ait été immédiatement noté par les gars de The Intercept, qui ont donné leur avis :
«Cela peut sembler être du bon sens, mais c’est en fait un engagement que le président Obama a été réticent à prendre. Le Pentagone fait valoir que si les États-Unis ne sont pas en mesure de menacer d’une frappe nucléaire, ils seront moins susceptibles de décourager l’agression russe et chinoise.
Les partisans du contrôle des armes ont poussé le président Obama à promettre de ne pas frapper en premier, ironiquement, en partie pour essayer d’engager le futur président.»
À l’autre extrémité du spectre, le néocon chroniqueur républicain pour Bush, Marc Thiessen a déclaré que c’était une «gaffe» notant à juste titre qu’aucun président n’avait jamais pris cette position, à savoir s’engager à abjurer l’anéantissement nucléaire de l’humanité. Il est intéressant de noter ce qui est considéré comme une «gaffe» dans le monde des initiés de Washington.
Comme d’habitude, BuzzFeed obscurcit la question, et la réponse de Trump, avec la rédactrice politique Katherine Miller feignant la confusion sur ce que le porte-étendard du GOP [Grand Old Party – le parti républicain] a réellement dit. Elle l’a cité comme ayant dit :
«Je pense qu’une fois l’alternative nucléaire engagée, c’est foutu. En même temps, nous devons être prêts. Je ne peux retirer aucune option de la table.» [C’est moi qui souligne]
Elle a commodément laissé de côté le reste de la citation :
«Parce que si vous regardez certains de ces pays, regardez la Corée du Nord, nous ne faisons rien là-bas. La Chine devrait résoudre ce problème pour nous. La Chine devrait aller en Corée du Nord. La Chine est tout à fait puissante en ce qui concerne la Corée du Nord.»
Ce dont Trump voulait parler avec «Je ne peux retirer aucune option de la table» est le caractère imprévisible des dirigeants cinglés de la Corée du Nord : eux pourraient bien lancer une première frappe nucléaire s’ils se sentaient assez menacés. Bien que Trump ne soit pas l’orateur le plus limpide, lorsque vous êtes la rédactrice politique de BuzzFeed, mal interpréter le candidat du GOP est une obligation.
Dans un monde rationnel, cet engagement à ne pas lancer la première frappe aurait dû occuper la première page des médias pour rendre compte du débat. Mais dans notre monde, les médias de masse – qui fonctionnent comme un Comité d’action politique non enregistré travaillant pour le compte de Hillary – ont ignoré cette première historique, remplacée par ce que Trump a dit au sujet de certaines candidates d’un concours de beauté en 1996. 1
2. Sur la question des interventions et le coût de la sécurité collective, Trump a mis en avant sa politique étrangère de «America First». Quand Hillary a essayé de se moquer de sa réticence à payer pour la défense de la Corée, du Japon et des pays de l’OTAN, Trump a répondu :
«Je veux aider tous nos alliés, mais nous sommes en train de perdre des milliards et des milliards de dollars. Nous ne pouvons pas être les gendarmes du monde. Nous ne pouvons pas protéger les pays du monde entier.»
Et dans le contexte du discours sur la désindustrialisation, Trump a affirmé :
«Donc, la pire de toutes les choses s’est produite. Nous devons $20 000 milliards et nous sommes un gâchis. Nous n’avons même pas commencé [à rembourser]. Et nous avons dépensé $6 000 milliards au Moyen-Orient, selon un rapport que je viens de voir. Que ce soit 5 ou 6, peu importe, mais il semble que ce soit 6, $6 mille milliards au Moyen-Orient, nous aurions pu reconstruire notre pays deux fois. C’est vraiment une honte.»
C’est un argument puissant, quoique la classe politique ne le trouve pas irrésistible. Il parle aux frustrations des Américains ordinaires, qui se demandent pourquoi nous pouvons construire des écoles et des ponts en Afghanistan alors que les nôtres s’écroulent. En effet, la foule de Washington déteste Trump pour son «approche nationaliste» – à savoir le bon sens – des affaires du monde, et la façon dont il rapproche la question du spectre du déclin industriel. Après tout, il n’y a pas d’argent là-dedans pour leurs amis du complexe militaro-industriel, et cela contredit l’idée préférée de Washington, reprise par la voix de Hillary, quand elle déclame :
«Allons-nous conduire le monde avec force et conformément à nos valeurs ? Voilà ce que je compte faire.»
Traduction : les États-Unis vont imposer leurs valeurs au reste du monde – et peu importe ce que cela coûte, en sang et en argent. Ce n’est qu’une autre variante de l’ancien projet néo-conservateur, peut-être rhabillé dans le costume du politiquement correct pour le rendre plus acceptable aux progressistes.
Une autre première dans ce débat était la dénonciation, par Trump, des Saoudiens, longtemps une vache sacrée bipartite :
«Je veux dire, pouvez-vous imaginer que nous défendons l’Arabie saoudite ? Et malgré tout l’argent qu’ils ont, nous les défendons, et ils ne paient pas ?»
Comme Michael Tracey l’écrit dans le New York Daily News : «Cela pourrait bien être le premier exemple d’un candidat critiquant le gouvernement saoudien dans la chaleur d’un débat présidentiel télévisé à l’échelle nationale – un écart clair par rapport aux normes bipartites – la Fondation Clinton a reçu $25 millions des despotes royalistes saoudiens.»
3. La troisième étape de cette triade trumpienne est sa contestation au sujet de la très importante question russe, qui est devenue l’un des principaux thèmes de la campagne Clinton. Selon eux, Trump est une «marionnette du Kremlin» qui est là pour subvertir les fondements mêmes de la démocratie américaine, rétablir l’ancien empire soviétique et hisser le drapeau rouge sur le Capitole. Mme Clinton a élaboré sur ce thème farfelu au cours du débat, entamant sa chanson et sa danse sur la façon dont Trump est «très élogieux» envers Vladimir Poutine et affirmant : «Il ne fait aucun doute maintenant que la Russie a utilisé les cyber-attaques contre toutes les organisations de notre pays», et mentionnant explicitement le piratage du Comité national démocratique qui a exposé la façon dont les hauts responsables du parti l’ont favorisée par rapport à Bernie Sanders.
Bien sûr, il y a un doute considérable sur l’origine du piratage de la DNC, mais vous ne le saurez jamais à la lecture des médias de masse. Bien que la position officielle du FBI soit qu’ils étudient et ne sont pas prêts à blâmer quelqu’un, on est arrivé au point où les journalistes attribuent simplement tous les incidents de piratage aux Russes par défaut. Trump a contesté cette absurdité :
«Je ne pense pas que quelqu’un sache si c’est la Russie qui a piraté la DNC. Elle [Hillary] dit la Russie, la Russie, la Russie, mais pas moi – peut-être que ce sont eux. Je veux dire que cela pourrait être la Russie, mais aussi la Chine. Cela pourrait aussi être beaucoup d’autres personnes. Cela pourrait aussi être quelqu’un assis sur son lit qui pèse 200 kilos, OK ?»
Trump, se tournant vers elle, la regarda dans les yeux et dit : «Vous ne savez pas qui a piraté la DNC.» Hillary n’avait pas de réponse, autre que de rester là et de regarder, béate.
Ce qui est important à ce sujet est que quelqu’un avec une voix nationale s’élève contre ce consensus médiatique – accepté sans question ni analyse – qui attribue ces incidents de piratage récents aux Russes. Le fait est qu’il est presque impossible d’attribuer les cyberattaques en se basant sur une analyse purement technique : cela ne dit rien au sujet du responsable si quelques expressions ou caractères russes sont intégrés dans le code informatique ou si les programmes utilisés par les pirates sont vaguement associés à des pirates informatiques russes. Comme l’expert en cyberguerre Jeffrey Carr le souligne, c’est comme l’attribution d’un assassinat aux Russes si l’arme était une kalachnikov. [Ou peut être un missile BUK, NdT]
Les outils utilisés par les pirates pour pénétrer les systèmes informatiques sont des logiciels que l’on trouve partout et que tout le monde peut utiliser. La seule chose que font ces analystes qui affirment que c’est le travail des Russes est de se demander : qui en profite ? Mais si c’est la norme par laquelle on juge, alors toutes sortes de préjugés entrent en jeu – comme certainement dans ce cas. En s’affublant du masque de la science, ces attributions sont en réalité presque totalement subjectives et sans fondement dans la science telle que nous la connaissons.
Cette hystérie sur la cyberguerre soi-disant russe est partie intégrante de la nouvelle campagne de guerre froide menée par une coalition de néocons et rhétoriciens progressistes. Hillary, dans son dernier discours de politique étrangère, est allée jusqu’à menacer les Russes d’une action militaire en représailles à ces cyberattaques – prétendument russes. Pensez à ce que cela signifie : nous pourrions être engagés dans une impasse nucléaire avec les Russes sur la base de renseignements à côté desquels les «preuves» concoctées par les néocons qui ont menti dans la guerre en Irak sembleraient dures comme fer.
Cela souligne l’insouciance totale de la quête de Hillary Clinton pour le pouvoir : elle est prête à risquer la troisième guerre mondiale avec les Russes pour se faciliter la route vers la Maison Blanche. Quant à savoir si elle croit réellement sa propre rhétorique est une question ouverte : si elle pense vraiment que le Kremlin essaie de bloquer sa route au pouvoir, sa victoire électorale donnerait une réponse à son caractère vindicatif légendaire.
Ce débat a défini les paramètres de l’élection, et nous a montré les enjeux. D’un côté, un défenseur, quelque peu inconsistant mais pourtant sincère, du changement fondamental de notre politique étrangère d’intervention mondiale. La principale préoccupation de Trump est d’arriver à «rendre l’Amérique grande à nouveau» au sein de ses propres frontières. Hillary Clinton veut continuer la même vieille absurdité impérialiste qui nous a coûté si cher et nous conduit au bord de la faillite. Elle veut rendre l’empire américain grand à nouveau – attaquer la Syrie, affronter les Russes, et laisser nos alliés nous sucer le sang.
Quel chemin les Américains vont-il choisir ?
Justin Raimondo
Note du Saker Francophone Ce texte est issu d'une analyse de dedefensa.org autour du contenu du débat Clinton / Trump du 26 Septembre 2016
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
- Trump a fait sa première incursion à la télévision en 1996, en devenant co-propriétaire du concours de beauté Miss Univers, diffusé depuis 2003 sur NBC. Wikipédia ↩