La science et l’ingénierie russes obtiennent des résultats étonnants pour une fraction du coût des armes américaines
Par F. William Engdahl – Le 31 octobre 2016 – Source Russia Insider
Plus de boum ! boum ! dans le bastringue pour moins de thunes, voilà la description la plus appropriée lorsque nous comparons les dépenses du gouvernement des États-Unis avec celles du gouvernement de la Fédération de Russie, dans le secteur de la défense et dans le développement de la technologie militaire. Un examen plus approfondi des deux budgets révèle l’énorme faille qui touche aujourd’hui l’ensemble de l’économie américaine. Elle reflète également l’effondrement réel de l’hégémonie américaine en tant que puissance mondiale. Ce n’était pas inéluctable.
Au cours de l’exercice officiel 2017, le ministère de la Défense des États-Unis a officiellement demandé 523,9 milliards de dollars pour ce qu’il appelle le «financement discrétionnaire», comme qui dirait «nous l’utilisons comme bon nous semble». Il a obtenu $58.8 Mds de plus pour les Opérations contingentes outre-mer ; en jargon typique du Pentagone, il s’agit de guerres partout en Afghanistan, en Syrie, jusqu’aux opérations militaires autour de la mer de Chine méridionale. Cela fait un total officiel de $583 Mds de dollars demandés et accordés par un Congrès docile.
Le 13 octobre, l’agence russe Tass.ru a annoncé que le gouvernement russe allait dépenser 948,59 milliards de roubles pour sa défense nationale en 2017, selon le projet affiché de budget fédéral. Cela semble beaucoup, presque mille milliards de roubles. Si nous convertissons cette somme, au taux de change actuel du dollar, cela se traduit par un simple $15 Mds. Sur ce total, 793,79 milliards de roubles, soit $12,7 Mds, sont prévus pour les forces armées russes. En 2015, la Fédération de Russie a dépensé $26 Mds dans le programme de développement du complexe militaro-industriel de l’État, soit 1 670 milliards de roubles.
Ce total pour les investissements de l’industrie militaire et le maintien des forces armées russes, quelque $49 Mds, équivaut à 8,4% du montant avec lequel joue le département de la Défense des États-Unis chaque année. À cela il faut ajouter le montant distinct de $400 Mds pour la modernisation des capacités militaires des forces armées russes d’ici 2020. Cela représente environ $80 Mds par an.
Maintenant, la question pertinente est de savoir comment obtenir une meilleure défense ou de meilleures capacités militaires pour chaque dollar dépensé, au moment où les forces de l’Otan, dirigées par Washington, se déplacent agressivement aux frontières de la Fédération de Russie, et où les forces américaines spéciales du Pentagone et des mercenaires comme Blackwater [c.-à-d. Academi] pataugent autour de l’Ukraine en causant méfaits, destruction et assassinats.
Des performances étonnantes
La réponse est venue après le 30 septembre 2015, date à laquelle la Russie avait annoncé qu’elle acceptait de répondre militairement à l’appel du gouvernement légitime de la Syrie. Ce que les efforts militaires russes ont accompli avec de maigres ressources, a étonné la plupart des experts militaires occidentaux.
Loin d’être l’armée de l’époque soviétique, délabrée et technologiquement obsolète, considérée ainsi par beaucoup de planificateurs américains, les forces armées russes ont bénéficié d’une modernisation tranquille et impressionnante depuis qu’il est devenu clair, autour de 2007, que Washington avait l’intention de pousser l’Otan à la porte de Moscou, en Ukraine et en Géorgie, et menaçait d’installer des missiles en Pologne, en République tchèque et maintenant aussi en Bulgarie, en Roumanie et en Turquie. Le ministre russe de la Défense Sergueï Shoïgu est un organisateur remarquable, il est connu pour avoir réorganisé de grands ministères russes. Avant de devenir ministre de la Défense, il dirigeait le grand ministère russe des Situations d’urgence, responsable des situations telles que les inondations, les tremblements de terre et les actes de terrorisme.
Le résultat de la modernisation militaire de la Russie, en partie démontré par l’intervention militaire en Syrie, a été un changement stratégique dans l’équilibre militaire mondial que les néocons de Washington, dont aucun n’a servi dans les théâtres militaires actifs, ne veut prendre acte. La science et l’ingénierie russes ont accompli des résultats étonnants avec un minimum d’investissement. Un simple coup d’œil sur ce qui est développé est instructif.
Missile nucléaire hypersonique
Le 25 octobre, le Makeyev Rocket Design Bureau a publié la première image du missile balistique intercontinental le plus récent, le RS-28 Sarmat, connu par l’Otan sous le nom SS-X-30. Il remplacera son prédécesseur, le R36M2 Voyevoda dénommé SS-18 Satan par l’Otan . Il est maintenant en phase de test et entrera en service à la fin de 2018. Le SS-X-30 remplacera le missile stratégique le plus puissant du monde, le SS-18 Satan. L’une des raisons pour lesquelles Washington a poursuivi le traité de réduction des armements stratégiques Start-1 avec Moscou, est que le Pentagone a estimé que le SS-18, avec son ogive multiple constituée de dix véhicules de rentrée indépendants ayant un rendement de 750 kilotonnes était une menace sérieuse. Maintenant, le nouveau successeur, SS-X-30 est beaucoup plus menaçant, selon l’analyste militaire Tass, Viktor Litovkin.
Alors que les détails spécifiques sont top secret, selon Litovkin, le nouvel ICBM échappera à toute arme de défense antimissile que Washington pourrait installer. Il a une masse au décollage beaucoup plus petite et une plus grande portée, jusqu’à 17 000 kilomètres, capable d’atteindre pratiquement n’importe quelle cible sur le continent des États-Unis. Il est conçu pour suivre des trajectoires de vol passant par le Pôle Sud, où il est le moins attendu et où n’existe aucun bouclier anti-missiles. Chaque missile portera entre dix et quinze ogives nucléaires indépendantes, dans une grappe capable de séparer les ogives une par une, quand un programme préchargé émet l’ordre d’attaquer la cible sélectionnée, ajoute Litovkin.
Il dit que le véhicule réentrant du SS-X-30 [lors de sa descente], appelé par les médias russes Yu-71, et par son développeur ‘Object 4202’, ou Aero-ballistic Hypersonic Warhead, volera à des vitesses hypersoniques de Mach 17 (7 km/s), l’altitude et la trajectoire de vol changeant constamment, ce qui l’immunise contre les défenses antimissiles que le Pentagone a déployées en Pologne ou en Corée du Sud, même celles qui s’appuient sur des éléments spatiaux. «Pour le SS-X-30, il n’y a aucune différence s’il y a une défense antimissile ou s’il n’y en a pas. Il passera inaperçu», dit Litovkin.
Le nouveau missile est capable d’effacer un pays de la taille de la France avec des explosions nucléaires 2 000 fois plus puissantes que la bombe utilisée à Hiroshima en 1945 par Washington.
Les dollars perdus du Pentagone – pas pour tout le monde
Le développement des SS-X-30 n’est qu’une des nombreuses technologies d’armes qui changent la donne du jeu et que la Russie a testé au combat en Syrie. Un autre est le char russe d’avant-garde, le T-14 Armata, qui n’a aucun concurrent occidental. Les chasseurs russes et les anti-missiles ont démontré leur valeur en Syrie. Comparez cela avec le gaspillage colossal des dépenses du budget de défense des États-Unis. Washington mène ses guerres comme le petit caïd de la classe, intimidant et attaquant les plus faibles, désarmés, dans la cour de récréation, comme Saddam Hussein ou Kadhafi en Libye.
Les géants américains de la défense comme Boeing ou Lockheed Martin travaillent sur des jets hypersoniques et d’autres armes secrètes [alors que le F-35 est tellement furtif qu’on ne l’a jamais vu au combat, après vingt ans de développement, NdT].
Cependant, l’efficacité de chaque dollar dépensé sur le matériel militaire américain est éclipsé par l’efficacité des dépenses militaires russes.
Un récent rapport du Département américain de la Défense a déclaré que les contrôles budgétaires du Pentagone sont inexistants. Rien que le Département américain de l’Armée de terre est incapable de justifier un montant cumulatif de $6,5 Mds de dollars de dépenses.
Il y a des raisons culturelles et historiques profondes, pour lesquelles la Russie a répondu aux actions de Washington et de l’Otan depuis 2007 comme elle l’a fait. Ils sont mortellement sérieux au sujet de la défense de la patrie russe, comme ils l’appellent. Les politiciens de Washington, quel que soit le président, feraient bien de prendre cela en compte dans leurs calculs, quand ils poussent imprudemment leurs partenaires européens de l’Otan à provoquer la Russie de toutes les manières imaginables. Les Européens feraient également mieux de reconsidérer si le fait d’être la ligne de front de Washington à l’Otan vaut le prix d’une possible pulvérisation nucléaire. Personnellement, je ne le pense pas.
F. William Engdahl
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Article original paru sur New Eastern Outlook
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone.
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