C’est aux États-Unis que la guerre des taxes douanières de Trump fera le plus grand tort


Par Moon of Alabama – Le 6 mars 2025

Le président Donald Trump semble croire qu’appliquer des droits de douane pourra contribuer à ramener l’industrie manufacturière aux États-Unis.

Jusqu’à présent, les droits de douane de Trump ont visé quatre cibles : les pays voisins des États-Unis, à savoir le Canada et le Mexique, la Chine et, bientôt, l’Union européenne.

Au cours de son premier mandat, Trump avait négocié l’U.S.M.C.A. avec le Mexique et le Canada, une zone de libre-échange couvrant les États-Unis et leurs voisins. Il tente aujourd’hui d’en changer les règles. Mais la manière dont il le fait est incohérente.

Le 21 janvier, Trump a promis d’appliquer des droits de douane sur le Canada et le Mexique. Le 1er février, il les a annoncés. Trois jours plus tard, il a retardé la mise en œuvre de ces droits de douane. Le 27 février, il déclarait que les droits de douane entreraient en vigueur le 4 mars. Le 5 mars, il a de nouveau été contraint à faire marche arrière (archivé) :

Le président Trump a déclaré mercredi qu’il suspendrait pendant un mois les droits de douane sur les voitures entrant aux États-Unis, en provenance du Canada et du Mexique, après que les droits de douane de 25 % qu’il avait imposés la veille aux partenaires commerciaux les plus proches des États-Unis ont ébranlé les marchés boursiers et suscité une forte résistance de la part de l’industrie.

Karoline Leavitt, la secrétaire de presse de la Maison Blanche, a lu une déclaration de Trump, mercredi, indiquant que la Maison Blanche s’était entretenue avec les trois plus grands constructeurs automobiles et qu’une exemption d’un mois serait accordée aux voitures entrant aux États-Unis par le biais de l’accord États-Unis-Mexique-Canada.

Une exemption d’un mois est une plaisanterie. Il faut des années pour transférer la production de pièces d’un pays à l’autre. Des centaines d’entreprises au Mexique, au Canada et aux États-Unis fabriquent la myriade de pièces qui entrent dans la composition d’une voiture. Il s’agit d’une industrie totalement intégrée dont la mise en place a pris des années.

Les constructeurs automobiles américains étaient convaincus que l’U.S.M.C.A. tiendrait bon. Si les droits de douane sont appliqués prochainement, ils devront augmenter leurs prix dans des proportions considérables ou arrêter leur production.

Les droits de douane imposés par Trump en Amérique du Nord peuvent en grande partie être considérés comme une méthode de pression visant à obtenir de précieuses concessions de la part des pays voisins. Ils font partie d’un plan de négociation et il est peu probable qu’ils constituent un problème à long terme.

En revanche, les droits de douane imposés par Trump à la Chine sont d’une autre nature. L’administration Trump considère la Chine comme un ennemi stratégique et aimerait lui nuire gravement. Mais la Chine est capable de riposter (archivé) :

Quelques minutes après l’entrée en vigueur des derniers droits de douane du président Trump, le gouvernement chinois a déclaré mardi qu’il imposait ses propres droits de douane sur les produits alimentaires importés des États-Unis, et arrêtera de vendre à 15 entreprises américaines.

Le ministère chinois des finances a imposé des droits de douane de 15 % sur les importations de poulet, de blé, de maïs et de coton américains et des droits de douane de 10 % sur d’autres produits alimentaires, allant du soja aux produits laitiers. En outre, le ministère du commerce a déclaré que 15 entreprises américaines ne seraient plus autorisées à acheter des produits en provenance de Chine, sauf autorisation spéciale, notamment Skydio, le plus grand fabricant américain de drones et un fournisseur de l’armée américaine.

Lou Qinjian, porte-parole de l’Assemblée populaire nationale de Chine, a reproché aux États-Unis de violer les règles de libre-échange de l’Organisation mondiale du commerce. « En imposant des droits de douane unilatéraux, les États-Unis ont violé les règles de l’OMC et perturbé la sécurité et la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales », a-t-il déclaré.

Trump affirme que les droits de douane imposés à la Chine sont nécessaires pour mettre fin à l’importation illégale de fentanyl, un opioïde synthétique qui crée une forte dépendance et qui est largement utilisé aux États-Unis.

La Chine rétorque qu’elle a déjà mis en place des contrôles stricts sur le fentanyl et ses précurseurs chimiques. Elle ne peut être tenue pour responsable d’un problème qui n’existe qu’aux États-Unis :

La raison pour laquelle le problème du fentanyl est si grave aux États-Unis n’a jamais été externe ; elle n’a rien à voir avec la Chine, qui interdit strictement les drogues. Le fentanyl illicite a commencé à pénétrer le marché américain dès les années 1980. Plus tard, les médias ont révélé que les sociétés pharmaceutiques américaines avaient dissimulé les propriétés addictives des opioïdes synthétiques et que les médecins prescrivaient trop d’analgésiques, ce qui a entraîné une dépendance généralisée chez les patients. Les statistiques montrent qu’avec 5 % de la population mondiale, les États-Unis consomment 80 % des opioïdes du monde, mais qu’ils n’ont toujours pas inscrit les substances apparentées au fentanyl dans une liste permanente. La demande presque anormale a stimulé le développement du marché illégal du fentanyl, contribuant fondamentalement à la prolifération du fentanyl aux États-Unis.

Le Global Times souligne les causes sociales de la toxicomanie :

L’absence de gouvernance sociale aux États-Unis a exacerbé le problème de la drogue. Le vice-président américain JD Vance a décrit une situation similaire dans son autobiographie. De nombreuses familles à faibles revenus vivent dans des environnements communautaires chaotiques, avec un manque d’éducation et de supervision. De ce fait, de nombreux enfants vivent dans des conditions défavorables de toxicomanie et de trafic, formant un cercle vicieux difficile à briser.

Le porte-parole du gouvernement chinois promet de riposter :

L’intimidation ne nous fait pas peur. La pression, la coercition ou les menaces ne sont pas la bonne façon de traiter avec la Chine. Quiconque exerce une pression maximale sur la Chine choisit la mauvaise personne et fait un mauvais calcul. Si les États-Unis veulent vraiment résoudre le problème du fentanyl, la bonne chose à faire est de consulter la Chine en la traitant d’égal à égal.

Si les États-Unis veulent la guerre, qu’il s’agisse d’une guerre tarifaire, d’une guerre commerciale ou de tout autre type de guerre, nous sommes prêts à nous battre jusqu’au bout.

Un tel langage de la part de la Chine est loin d’être habituel. Il semble donc peu probable qu’un compromis soit bientôt trouvé entre les États-Unis et la Chine.

En ce qui concerne l’Europe, les États-Unis affirment qu’ils importent plus de biens de l’Europe qu’ils ne peuvent en exporter. C’est vrai, mais cela ne couvre pas toute l’étendue des relations économiques. Les États-Unis exportent beaucoup plus de services (par exemple des logiciels) vers l’Europe que l’Europe n’en exporte vers les États-Unis. Si les États-Unis insistent pour imposer des droits de douane sur les produits européens, l’UE peut riposter en ajoutant un droit de douane sur tous les services américains. Le résultat serait, en théorie, un match nul.

Les droits de douane sont toutefois dangereux. Ils faussent les marchés et entraînent des coûts importants pour tous les participants. Ce sont les consommateurs américains qui en pâtiront le plus :

Tous les droits de douane prévus porteront le taux des droits de douane américains à plus de 20 % en quelques semaines seulement, soit le taux le plus élevé depuis l’avant-Première Guerre mondiale. Comme le souligne Joseph Politano, le coût de ces mesures est énorme, puisqu’il couvre 1 300 milliards de dollars d’importations américaines, soit environ 42 % de l’ensemble des marchandises importées aux États-Unis, ce qui représente la plus forte augmentation des droits de douane depuis la tristement célèbre loi Smoot-Hawley d’il y a près d’un siècle.

Le coût total de ces droits de douane s’élèverait à 160 milliards de dollars, les consommateurs et les entreprises américaines payant davantage pour leurs achats de produits importés, et ce n’est pas fini. Les mesures prises mardi par Trump ne représentent que 40 % des mesures qu’il a proposées. Si la prochaine série de mesures est mise en œuvre, le coût des importations s’élèvera à plus de 600 milliards de dollars, soit 1,6 % du PIB.

La Chambre de commerce internationale des États-Unis est si inquiète qu’elle estime que l’économie mondiale pourrait être confrontée à un krach similaire à la Grande Dépression des années 1930, à moins que Trump ne revienne sur ses projets. « Notre profonde inquiétude est que cela pourrait être le début d’une spirale descendante qui nous placerait en situation de guerre commerciale digne des années 1930 », a déclaré Andrew Wilson, secrétaire général adjoint de la CCI. Les mesures de Trump pourraient donc aller bien au-delà d’une « petite perturbation ».

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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