Ouverture libre
Note du Saker Francophone Nous ouvrons aujourd'hui notre antenne à Laurent Schiaparelli, un ancien diplomate français expatrié qui se propose d'apporter régulièrement des traductions et des analyses avec une touche décalée sur des sujets qu'il souhaite approfondir ou enrichir. On commence aujourd'hui par un sujet sensible et d'actualité, celui de la binationalité, traité du point de vue de la souveraineté.
L’ouverture récente du débat sur la binationalité en France est intéressante à plusieurs égards. Le premier est le rôle de contre-feu que ce débat joue à l’avantage de François Hollande et du gouvernement Valls, à la suite des attentats du 13 novembre, réplique tellurique de ceux du 11 janvier 2015.
Dix mois pendant lesquels rien n’a été fait, ou visiblement pas assez pour prévenir cette seconde tragédie. Deux attentats, l’un ciblé et chirurgical, l’autre aveugle et super-létal, suite auxquels personne dans le gouvernement n’a été désigné, ou ne s’est désigné (ne rêvons pas) responsable. Pas de démission, pas de remaniement ministériel, aucun responsable.
Il s’agirait de méfaits de déséquilibrés, des fils de France (binationaux ?) qui auraient échoué sur les rivages du takfir-isme. La vérité est évidemment ailleurs, mais ne prêtons pas tout de suite le flanc à la critique du front anti-complotiste.
Le débat sur la déchéance de nationalité des terroristes binationaux, que les élus français discutent déjà d’étendre, dans un souci tout à fait hypocrite de non-discrimination, «à tout citoyen qui prendrait les armes contre l’État», s’apparente à l’instauration d’une nouvelle mesure liberticide, la Mère de toutes : la déchéance de nationalité de citoyens indigènes. La question de l’apatridie rend bien sûr cette mesure tout à fait inapplicable dans l’état actuel de la Constitution française.
Ne nous y trompons pas : ce n’est pas L’État qui a été attaqué à deux reprises en 2015, c’est la Nation et le peuple français. L’État profite cependant de ces attaques sur la Nation pour se protéger un peu plus, car il se sait en danger, seul responsable qu’il est de la politique étrangère suicidaire de la France au Moyen-Orient, et de l’incapacité des forces de l’ordre à maintenir l’ordre, et les terroristes hors d’état de nuire. L’État craint que des citoyens français, sans distinction de religion, ne se retournent contre lui. Alors il instaure l’état d’urgence, modifie la Constitution à son avantage, désarme les honnêtes citoyens au lieu de désarmer les terroristes, et prépare maintenant la déchéance de nationalité de tout citoyen qui se retournerait violemment contre l’État. Ce débat sur la déchéance de nationalité des binationaux a un avantage, celui de permettre de poser la question : pourquoi a-t-on permis la binationalité?
En France, en Europe, aux États-Unis, en Afrique, en Amérique du sud, une petite caste de privilégiés se livre depuis trop longtemps à une tentative d’enfumage du public à l’aide de déclarations telle que «j’ai deux nationalités, je ne peux pas choisir, car j’aime les deux pays comme j’aime mon père et ma mère».
Une fois passé l’émerveillement face à cette manifestation de piété filiale aux deux pays qui ont délivré des passeports, il convient de désamorcer le booby-trap intellectuel :
Le lien de parenté est biologique, et nous impose l’existence d’un père et d’une mère : il nous est imposé par la Nature, il est donc définitif.
La nationalité, elle, est une construction intellectuelle, qu’on est en droit d’accepter ou de rejeter. On peut naître dans un pays et décider de changer de nationalité au cours de sa vie, pour des raisons affectives, d’affinité culturelle ou pratiques (économiques et fiscales). En aucun cas n’avons-nous besoin de deux nationalités pour exister et prospérer.
Comparer lien biologique et nationalité est donc une facétie, destinée à tromper le public en déplaçant le débat sur le plan émotionnel, alors qu’il est exclusivement fonctionnel. Les détenteurs de la double-nationalité rétorquent à leurs détracteurs que c’est un droit ouvert à tous, comme pour tenter de nous corrompre : «Au lieu de me critiquer, ne préférerais-tu pas jouir du même privilège?»
Cette tentative de subversion est évidemment malhonnête : sauf à avoir des parents de deux nationalités différentes (seule une minorité est concernée dans le monde), dont les deux pays accepteraient la double nationalité (ce qui est loin d’être le cas), on ne peut acquérir de double nationalité, sauf à en faire la demande, et à pouvoir l’acheter. Effectivement, les critères de sélection, dans tous les pays qui choisissent leur immigration, sont de plus en plus drastiques, et principalement d’ordre économique (investissement). Par ailleurs, la double nationalité des immigrés maghrébins, africains, syriens, afghans, sud-asiatiques, n’offre, à l’heure actuelle, aucun avantage économique notable. A l‘opposé, la double nationalité que recherchent les élites candidates au nomadisme de luxe, est différente : elle s’oriente vers des paradis fiscaux, et/ou (pourquoi pas trois nationalités?!) vers les pays les plus développés de l’Empire : États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie/Nouvelle-Zélande, etc.
La double nationalité est activement recherchée, dans tous les pays, par les élites économiques et politiques, en quête d’un ticket de sortie, d’une alternative, pour raisons fiscales (on déclare ses revenus au mieux-offrant fiscal), ou sécuritaires («J’ai un passeport étranger et serai donc facilement ex-filtrable si un jour ça chauffe pour les gens comme moi dans ce pays»). La binationalité est un permis de nomadisme de luxe, et un passe-droit donnant accès au shopping fiscal.
La motivation n’est évidemment pas émotionnelle, mais relève bien d’un calcul, d’une volonté de jouer sur deux tableaux, de ne pas avoir à déclarer sa loyauté à qui que ce soit, et à en tirer des avantages des deux côtés. C’est un privilège de rang, auquel le peuple n’a bien sûr pas accès par choix. Maximiser ses privilèges est un comportement humain. Vouloir le beurre et l’argent du beurre, qui ne l’a jamais désiré? Mais dans le cas des élites, ce privilège est destructeur, et doit être corrigé.
Pourquoi destructeur ?
La binationalité héritée d’une migration peut poser problème sur des questions de fiscalité, d’accès aux services sociaux, de droit de garde en cas de divorce, etc. Mais ces aspects techniques, concernant des citoyens lambdas, ne mettent pas à mal la Nation. Là où la binationalité doit être remise en question est lorsqu’elle est le privilège de personnes qui détiennent des postes de pouvoir et d’influence.
La binationalité sape la souveraineté lorsqu’elle aboutit à des situations où des postes de pouvoir dans le gouvernement, la haute administration, la justice, la finance, les médias, parfois même l’armée, sont accaparés par des personnes dont on ignore où se situent patriotisme et loyauté.
Un ministre ou un parlementaire à double-passeport1 est-il crédible, et travaille-t-il réellement et inconditionnellement pour le bien du pays dans lequel il réside et travaille?
Quoiqu’en disent certains parlementaires concernés par ce problème de loyauté, ils sont forcément suspects. Dans le meilleur des cas, dans un soucis d’équité, la loyauté du binational oscillera une fois pour l’un, une fois pour l’autre. Dans le pire des cas, il travaillera pour le pays qui est le plus proche de son cœur ou de son intérêt économique. Dans les deux cas, cela n’est pas tolérable dans un système politique tel que la Nation, dont l’objectif premier est de préserver la communauté nationale, avant de la faire prospérer.
Regardons comment procèdent les pays de la région qui tire la croissance mondiale depuis deux décennies, et qui est aussi la région la plus rétive aux avancées du mondialisme : l’Asie. Dans les trois puissances régionales que sont la Chine, l’Inde et le Japon, la mention de l’existence de fonctionnaires, décideurs politiques, propriétaires d’empires médiatiques, militaires, membres d’une chambre législative d’origine étrangère, même de deuxième ou troisième génération, déclenche l’incrédulité, voire l’hilarité.
Il est inconcevable, même pour le citoyen le moins sensibilisé aux questions politiques, d’autoriser des personnes détentrices d’une autre nationalité d’atteindre une position de pouvoir ou d’influence.
Certains souligneront, un peu hors sujet, que d’autres pays de la région tels la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie, sont dominés économiquement par des citoyens d’origine chinoise, et que ces derniers se sont intégré de façon remarquable. Nous leur rétorquerons que d’une part, ils ne peuvent pas acquérir la nationalité chinoise, sauf à abandonner leur première nationalité, que d’autre part, ils ont été contraints d’indigéniser leur patronyme pour tenter de passer inaperçu, et qu’en dernier lieu, les fonctions politiques, judiciaires, d’administration et de défense leur restent définitivement inaccessibles.
On peut anticiper les cris d’orfraie de nos démocrates, toujours prompts à qualifier d’autoritaires les régimes politiques asiatiques, ou à traiter de raciste toute personne qui n’adhère pas au mondialisme-droitdelhommisme ambiant. Mais les attaques ad hominem qu’ils affectionnent tant, les procès d’intention, les réductions ad hitlerum ne changent rien au bon sens qui veut que la gestion d’une nation soit confiée à ceux issus de cette communauté nationale, et dont la loyauté est au-dessus de tout soupçon.
La détention de deux nationalités brouille naturellement cette perception de loyauté. Binationalité n’équivaut pas systématiquement à duplicité, mais la binationalité est génératrice, par ordre croissant, d’indécision, de conflits d’intérêts et au stade terminal, de trahison. Gouvernements, parlements, administrations, finance, médias, tout centre de pouvoir devrait être sanctuarisé de toute influence extra-nationale, et donc interdits d’accès à toute personne détenant une double nationalité, et, si on suit le raisonnement jusqu’au bout, dont les parents ou enfants ont, ou ont eu, une nationalité étrangère.
Chine, Inde, Japon, qui observent cette élémentaire règle de prudence et d’auto-préservation, sont étonnamment mieux lotis que l’Europe et les États-Unis en terme de cohésion sociale et de paix civile. A nous d’en tirer les enseignements, et d’exiger de nos élus, municipaux, régionaux, nationaux, de déclarer sur l’honneur ne détenir aucune nationalité autre que française avant de pouvoir se présenter à une élection. A nous d’exiger d’eux qu’ils modifient la Constitution pour que la double nationalité soit, non pas illégale, mais qu’elle soit une condition rédhibitoire à tout exercice de fonction officielle.
Une fois que nos assemblées régionales et nationale, que notre Sénat seront revenus sous le contrôle de citoyens exclusivement uni-nationaux, nous serons en position d’exiger la même loyauté de nos administrations. De là, naturellement, nous serons en mesure de reprendre le contrôle de notre économie, en nous assurant que tout dirigeant de société implantée sur le territoire national ne mène pas d’activité dommageable (optimisation fiscale, vente de données personnelles, espionnage, et autres) à la Nation, à son économie et donc à son peuple.
Laurent Schiaparelli
Ancien diplomate français, aujourd’hui conseiller d’entreprises européennes sur des questions de commerce extérieur
- Ils seraient quelques dizaines au Sénat et à l’Assemblée nationale en France, selon les dires d’un élu. Au Congrès américain, ce serait dans des proportions encore plus inquiétantes. ↩
Ping : Une candidate de l’opposition au Japon impliquée dans un scandale sur sa citoyenneté taïwanaise | wordpress-26412-59669-159686.cloudwaysapps.com