Par Brandon Smith – Le 20 avril 2016 – Source alt-market
La plupart des gens ne sont pas des adeptes avides de nouvelles économiques, et je ne les blâme pas. L’analyse financière est, la plupart du temps, ennuyeuse et fastidieuse, et vous seriez une sorte de fou pour y consacrer une grosse tranche de votre vie.
Toutefois, ceux d’entre nous qui sont ces fous faisant ce que nous faisons (et pour le faire de façon indépendante), le font car sous toutes ces données, ces graphiques et ces nouvelles, jour après jour, nous voyons des clés de compréhension pour des événements futurs. Et si nous sommes assez attentifs, nous pourrions même être en mesure d’avertir les gens qui ne possèdent pas les mêmes inclinaisons, mais qui méritent de connaître la réalité du monde autour d’eux.
La plupart des Américains et une grande partie du reste de la planète, n’ont probablement pas été mis au courant de la réunion des producteurs de pétrole récemment à Doha, au Qatar ce dimanche passé [17 avril, NdT], et n’en auront pas de compte rendu. Un groupe de riches personnes en robes blanches parlant de niveaux de production du pétrole n’excite pas vraiment l’imagination. Ce que les masses ont manqué, cependant, est un événement qui pourrait les affecter profondément et économiquement pendant de nombreux mois à venir.
Petit retour en arrière très résumé…
Après la crise des dérivés et du crédit de 2007/2008, la Réserve fédérale a répondu à des niveaux désastreux de déflation par une folle émission de monnaie fiduciaire. Tout le monde le sait. Le problème est que les banquiers centraux n’ont jamais eu l’intention d’utiliser effectivement tout ce cash pour soutenir Main Street [La rue par rapport à Wall Street, le monde financier, NdT] ou les fondamentaux économique.
Au lieu de cela, ils ont utilisé leur planche à billets et les transferts de prêts numériques, pour regonfler artificiellement les coffres des banques et des grandes entreprises. C’était une transfusion de sang pour les vampires, si vous voulez.
Grâce à l’utilisation du TARP (Troubled Asset Relief Program), de l’assouplissement quantitatif, des taux d’intérêt artificiellement bas et probablement une foule d’actions secrètes dont nous n’entendrons jamais parler, un flux régulier de capital (ou de dette, pour être plus précis) a été pompé à travers des outils financiers des grandes firmes. Le but? Sauver les États-Unis de la faillite immédiate par le biais d’achats d’obligations du Trésor, pour stimuler le crédit bancaire et pour permettre aux entreprises d’instituer un programme sans précédent de rachats d’actions (une méthode par laquelle une société rachète ses propres actions pour en réduire la quantité sur le marché, ce qui manipule la valeur des actions restantes à la hausse).
Comme l’ancien chef de la branche de la Réserve fédérale de Dallas, Richard Fisher l’a admis, dans une interview à CNBC:
«Ce que la Fed a fait – et je faisais partie de ce groupe – c’est que nous avant lancé un énorme rallye sur les marchés, à partir de 2009.
C’est en quelque sorte ce que j’appelle le facteur inverse Whimpy – donne moi deux hamburgers aujourd’hui pour un demain.»
Pourquoi la Fed aurait-elle voulu concevoir un rallye dissimulé dans les marchés boursiers? Comme je l’ai déjà dit, ils ont fait cela parce qu’ils savent que l’Américain moyen regarde environ 15 minutes de nouvelles à la télévision par jour et mesure la santé de l’économie à la couleur du Dow Jones, verte ou rouge. De 2009 à 2015, la Fed a jugé nécessaire de soutenir les marchés par le biais de monnaie fiduciaire pour garder le public apaisé et apathique.
Les actions et les obligations ne sont pas les seuls actifs soutenus par la Fed, cependant. Parallèlement, les marchés pétroliers ont été artificiellement gonflés.
Le prix du pétrole a subi un pic historique en 2008, puis il s’est effondré à un prix proche de 40 $ (WTI). À partir de 2009 et du début des grandes mesures de relance par la Fed, les prix du pétrole sont revenus se venger; presque comme si le pic de 2008 n’était qu’une mesure pour préparer psychologiquement le public à ce qui allait venir. En 2010, les prix ont grimpé près des $ 90, puis en 2011, ils ont atteint un sommet à environ 115 $ le baril.
Puis, quelque chose de magique est arrivé – en décembre 2013, la Fed a annoncé le fin du QE3, ce que très peu de gens avaient prédit (vous pouvez lire cet article expliquant pourquoi j’avais prédit que cela arriverait).
La fin du QE a impliqué un lent arrêt des achats de la Fed, mois après mois. À la mi-2014, l’arrêt était presque total. Tout à coup, les marchés pétroliers ont commencé à couler. En octobre, 2014, la Fed a totalement terminé le QE, et les prix du pétrole se sont effondrés, passant de 95 $ le baril à un creux de moins de 30 $ le baril au début de 2016. La corrélation entre la fin du QE de la Fed et la baisse écrasante des prix du pétrole est indéniable. De toute évidence, les prix élevés du pétrole étaient principalement dépendants du QE de la Fed.
Bien que les actions aient fluctué fortement après la fin de QE3, elles étaient toujours prises en charge par un autre pilier de la Fed – les taux d’intérêt proches de zéro. Le NIRP a permis à la Fed de continuer à fournir de l’argent pas cher ou gratuit aux banques et aux sociétés, afin qu’elles puissent continuer leur roulement de rachat d’actions, mais ce n’a pas été le cas pour le pétrole.
Maintenant, jusqu’à récemment, les marchés pétroliers ne reflétaient pas le véritable état de l’économie mondiale. Tous les autres indicateurs fondamentaux sont en baisse depuis le krach de 2008, y compris les exportations mondiales, les importations, le Baltic Dry Index, la production, les salaires, le nombre réel d’emplois, etc. La consommation de pétrole aux États-Unis, selon le Forum économique mondial, a baissé à des niveaux jamais vus depuis 1997. Les niveaux actuels de consommation de pétrole sont bien en deçà des projections faites en 2003 par l’Energy Information Administration (EIA). Selon les mesures les plus fiables, on n’a jamais quitté la crise de 2008.
La demande de pétrole a continué de baisser, mais les prix sont restés élevés en raison de l’intervention de la Fed. Ma théorie : comme avec les actions, la Fed a eu, a un certain moment, besoin de faire monter le seul autre indicateur dont les médias dominants auraient pu assimiler la baisse à un dangereux signe de déflation – les prix de l’énergie. La diminution de la demande est le vrai problème qui est caché dans le chaos des arguments autour de la production. L’establishment préfère nous voir nous concentrer entièrement sur l’offre, tout en ignorant les avertissements de baisse de la demande.
Le QE a été le premier pilier à être retiré après la fausse reprise, et les marchés du pétrole ont plongé. À la fin de 2015, la Fed a enlevé le deuxième pilier, le NIRP, et a augmenté les taux d’intérêt. Les membres de l’OPEP se sont réunis pour discuter d’un éventuel accord de gel de la production, mais la conférence a échoué à produire quoi que ce soit de légitime. Il en a résulté que les marchés boursiers ont fortement baissé, avec une extrême volatilité, pour se retrouver au niveau du pétrole.
Puis quelque chose de magique est arrivé une fois de plus. À la mi-février, les membres de l’OPEP et les non-membres ont organisé encore une autre réunion, cette fois avec beaucoup de fanfare et des rumeurs insistantes faisant allusion à un accord garantissant le gel de la production. Le pétrole a commencé à remonter du bord du gouffre, et les actions ont augmenté pendant six semaines. Tous les yeux étaient fixés sur Doha au Qatar, et sur l’accord pétrolier qui allait sauver les marchés.
Je soulève cette histoire récente des marchés du pétrole, parce que je veux donner une certaine perspective à ceux qui souffrent d’une maladie que j’appelle le suivi boursier. Cette maladie provoque des problèmes extrêmes à soutenir son attention, et des pertes de mémoire à long terme. La dépendance à la dopamine du suivi boursier rend les gens oublieux des tendances à long terme et de leur relation avec les événements d’aujourd’hui, au point qu’ils ignorent tous les fondamentaux, du simple fait de regarder les petites lignes rouges et vertes jour après jour.
Par exemple, le fait que la réunion de Doha ait échoué, et n’ait pas abouti à une baisse immédiate et massive du prix du pétrole et des marchés actions, a incité les suiveurs boursiers à chanter que les marchés «ne seront jamais autorisés à chuter». Leur affliction les empêche de se rendre compte que les effets de Doha, comme tout autre événement financier majeur par le passé, prend seulement le temps de se mettre en place. Sans parler du fait qu’ils semblent inconscients des conséquences de la lutte pour placer le prix du pétrole au-delà du seuil de 40 $ le baril.
Rappelez-vous, le pétrole était à environ 60 $ (WTI) il y a six mois, et à plus de 100 $ (WTI) les années précédentes. Le krach des marchés pétroliers s’est déjà produit, les gars. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont les derniers vestiges de cet accident, se jouant dans une volatilité extrême. Maintenant, nous attendons que les marchés boursiers tombent aussi et suivent la trajectoire du prix du pétrole, comme ils l’ont fait au début de 2016, et comme ils le feront sans doute à nouveau.
Est-ce que les marchés boursiers suivent le prix du pétrole? Cela pourrait ne pas être une corrélation absolue, et ils ont tendance à se découpler parfois, mais la tendance générale a été constante; lorsque le pétrole tombe, les marchés boursiers suivent doucement mais sûrement.
La réunion de Doha aura été une farce; c’était évident avant même qu’elle ne se tienne. Bloomberg ainsi que d’autres médias ont communiqué sur des rumeurs de marchandages en coulisses, sur le gel de la production, entre la Russie et l’Arabie saoudite, avant la réunion de Doha. De nombreux experts officiels avaient affirmé qu’un accord était quasiment fait. Même certains sceptiques au sein du mouvement de la liberté, avaient des doutes qu’un accord puisse être certain, parce que «les internationalistes ne permettraient jamais que les prix du pétrole continuent de baisser, pour la perception du public sur l’économie».
Tout d’abord, je ne suis pas un croyant dans l’idée que les décisions économiques mondiales sont vraiment prises lors de ces réunions. Toute nation qui a une banque centrale liée à la Banque des règlements internationaux et au Fonds monétaire international est une nation contrôlée. Point. Les arrangements économiques sont transmis d’en haut, et non débattus spontanément dans des forums ouverts. Lisez l’article de Harper en 1983 sur la BRI, intitulé Réglementer le monde de l’argent, pour avoir plus d’informations sur la façon dont les globalistes contrôlent les politiques économiques des nations.
Deuxièmement, même si une personne croit que de telles décisions économiques vitales, comme un gel de la production mondiale de pétrole, sont décidées à huis clos alors que la presse attend à l’extérieur, pourquoi aurait-on dû croire qu’il sortirait un résultat de cette réunion à Doha?
Je ne suis pas bien sûr de comprendre pourquoi certaines personnes sont assez crédules pour penser que, après 15 ans où les producteurs de pétrole ont refusé de se mettre d’accord ensemble sur toute forme d’accord significatif, ils se serreraient subitement la main cette année. Le seul espoir des marchés était la possibilité que la réunion de Doha entraînerait un accord vide, qu’ils pourraient faire tourner dans les médias comme un gel de principe de la production. Apparemment, ils ne l’ont même pas obtenu.
Les négociations de Doha ont échoué. Tous les signes ont montré que cela n’arriverait pas. Comme je l’ai écrit dans mon article Perte de confiance dans les banques centrales et fin du jeu économique :
Pour toute personne qui a parié que les marchés pétroliers poursuivraient leur croissance pour passer la barre des 40 $ le baril, il y eu beaucoup de mauvaises nouvelles. L’Arabie saoudite a douché l’optimisme en annonçant qu’elle ne s’amuserait pas avec une proposition de gel de la production, à moins que tous les autres pays producteurs de pétrole, y compris l’Iran, ne s’y associent.
L’Iran a alors doublement douché l’optimisme en annonçant une augmentation de sa production plutôt que de prévoir un gel.
La Russie a administré alors le coup final, en libérant des données montrant que sa production de pétrole avait atteint des niveaux historiques, ce qui indique qu’elle n’était pas prête à conclure un quelconque accord sur un gel de la production.
Outre une récente nouvelle, manifestement trop optimiste (et plutôt suspecte), sur les inventaires des stocks de pétrole, qui a provoqué un rebond à court terme, tous les indicateurs montrent que le prix du pétrole va se diriger vers les bas observés au début de l’année.
Les effets de l’échec de Doha ont été retardés par une grève du travail très opportune au Koweït, qui a permis aux algorithmes des ordinateurs de trading d’acheter en masse, malgré les nouvelles négatives. Comme je l’ai souligné lundi, cependant, la situation du Koweït sera de très courte durée. Maintenant, il est temps de regarder et d’attendre que l’Arabie saoudite et l’Iran commencent à se battre pour des parts de marché et augmentent la production encore plus. Ces choses prennent un peu de temps pour se développer.
Actuellement le pétrole a chuté en dessous de 40 $ (WTI) et les marchés sont extrêmement volatils. Je ne crois pas que l’échec de la seule réunion de Doha se traduira par une baisse fantastique sur les marchés actions. Mais je crois que c’est une paille ajoutée sur le dos d’un chameau déjà bien chargé, et il y a une tendance négative en développement sous nos yeux, qui apparaîtra dans les prochains mois.
Comme je l’ai dit dans le passé, un marché entièrement soutenu par des rumeurs et des ouï-dire peut monter rapidement, mais aussi perdre tous ses gains d’un coup. Est-ce que la débâcle de Doha représente un signal que l’establishment est progressivement en train d’abandonner le soutien au système des marchés ? Cela se traduira par une perte de confiance dans les banques centrales et les grandes institutions financières.
En plus de cela, regardez la quantité incroyable de désinformation et de fausses pistes qui a accompagné cette réunion à Doha, qui est maintenant complètement exposée. La vérité est cristalline; les médias ont menti et obscurci, aidant l’establishment à faire monter les prix du pétrole et les marchés, le tout pour garantir à peine six à huit semaines de sécurité des marchés. Dès que ces mensonges ont été révélés, la volatilité a commencé à revenir.
Si la bulle du marché pétrolier peut imploser (comme elle l’a déjà fait) de cette manière en raison de la rupture des fondamentaux, alors les marchés actions peuvent également être déstabilisés. Cela va se passer, et je crois que 2016 est l’année où cela se produira.
Il y a ceux qui ont imaginé, à tort, comment la réunion de Doha prendrait fin parce qu’ils ont été aveuglés par un biais particulièrement dangereux; ils ont supposé que les banques centrales et les internationalistes veulent ou ont besoin de continuer à étayer les marchés indéfiniment. Ce n’est pas forcément vrai. En fait, j’ai souligné à maintes et maintes reprises la preuve montrant qu’ils prévoient le contraire. Autrement dit, ils envisagent de mettre délibérément les marchés à terre d’une manière contrôlée.
Le pétrole était le système le plus récent à être sapé, et les actions vont probablement suivre avant la fin de l’année. La chute du pétrole et le cirque à Doha signale un changement de stratégie par les globalistes. Il signale un changement vers la démolition contrôlée de notre économie et la centralisation du pouvoir fiscal en une seule entité administrative mondiale. L’ordre après le chaos.
Il y a un flux constant d’événements à venir au cours des prochains mois, qui peuvent être utilisés comme soupape de sécurité pour enfoncer les marchés mondiaux. Regardez la réunion d’avril de la Fed attentivement. La Fed a récemment tenu deux réunions d’urgence, puis une troisième réunion, surprise, entre le président Barack Obama et la présidente de la Fed Janet Yellen. La dernière fois qu’une telle réunion a eu lieu, la Fed a relevé ses taux moins d’un mois plus tard. Je pense que la Fed va relever ses taux une fois de plus, soit ce mois-ci, soit en Juin.
Surveillez aussi le Brexit (la sortie britannique de l’UE), le référendum anglais en juin. Un tel développement devrait fortement secouer une Europe déjà instable, ainsi que le reste de l’Occident.
Et, bien sûr, surveillez les tendances en matière de pétrole et sur les marchés, mais ne vous laissez pas prendre dans un suivi boursier stérile au jour le jour. Il est inutile et cela ne va pas vous aider à comprendre ce qui se passe sur le plan économique. En toute crise économique, les actions sont le dernier indicateur à baisser et une analyse journalière en elle-même n’est en aucun cas une boule de cristal.
Les deux prochains mois devrait être très intéressants. Restez vigilants.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone
Ping : Revue de presse internat. | Pearltrees