Par Tom Luongo – Le 19 juillet 2021 – Source Gold’n Goats
Depuis qu’il est devenu évident que Joe Biden allait être certifié en tant que président élu, il était clair que la Pologne allait devenir un sujet majeur. La Pologne est l’un des mauvais élèves de l’Union européenne et avec le retour de l’Américain préféré du forum de Davos, Barack Obama, à la Maison Blanche, tous les problèmes de la Pologne au sein de l’UE s’intensifieraient.
Avec le Nordstream 2 presque terminé, le temps presse pour Andrzej Duda et son parti Droit et Justice (PiS).
La semaine dernière, j’ai discuté de la Hongrie et de la question de savoir si le Premier ministre Viktor Orban avait des atouts à faire valoir pour résister à la pression de l’UE dans son pays. Orban est un joueur habile qui s’est admirablement comporté face à l’intransigeance de l’UE à l’égard de son programme souverainiste. M. Orban a toujours su qu’il devait trouver un équilibre entre les grandes puissances qui l’entourent tout en manœuvrant la Hongrie là où il savait qu’elle devait aller.
La Pologne n’a pas fait aussi bien. Andrew Korybko a mis le doigt sur le problème dans un article récent :
Cela place également le leader d’Europe centrale dans une position désavantageuse après avoir formulé de manière irresponsable sa politique étrangère dans l’attente que l’ancien président américain Trump soit réélu et continue à remodeler la géopolitique européenne d’une manière qui s’aligne étroitement sur les intérêts polonais.
Pendant que Trump était au pouvoir, la Pologne est devenue de plus en plus véhémente dans son opposition à l’Allemagne et à la Russie en pensant que la politique américaine se poursuivrait longtemps dans le futur. C’était un mauvais pari. Si quelqu’un parmi les dirigeants polonais avait réellement parlé avec Vladimir Poutine de temps en temps, ne serait-ce qu’autour d’une tasse de thé, celui-ci leur aurait rappelé que les États-Unis sont “incapables de tenir un accord.”
Ce n’est pas seulement l’expérience qui parle. Tout cela a été dit pendant la présidence de Trump. Les dirigeants polonais ont essayé d’avoir le beurre et l’argent du beurre. En pensant que Trump les soutenait, ils pouvaient céder à leur russophobie tout en s’opposant à Nordstream 2 et en faisant jouer leur souveraineté contre l’Allemagne, voire, comme la Hongrie, en invitant l’UE à appliquer l’article 7.
L’approche la plus prudente, que moi-même et d’autres avons évoquée à l’époque, aurait été d’imiter Orban, en trouvant des moyens de contrarier l’UE, mais seulement jusqu’à un certain point, tout en ouvrant des relations avec Poutine et Trump. Orban a fait preuve de bien plus de vision stratégique que Duda à cet égard. Il a bien compris sa position en étayant les positions énergétiques et commerciales de la Hongrie.
Malheureusement, sans une Pologne alignée, la Hongrie ne peut pas faire grand-chose.
La Pologne, en revanche, à cause de Nordstream 2, est désormais à la merci des Allemands qui contrôleront désormais les flux de gaz qui en proviennent dans tout le réseau européen de gazoducs. J’en ai déjà parlé en 2017 :
L’Allemagne obtient ce qu’elle veut. Et elle veut pouvoir utiliser le gaz livré par Nordstream 2 pour exercer une pression politique sur la Pologne et le reste des nations du Visegrad.
C’est le véritable nœud du problème pour la Pologne. Et elle est libre d’accepter les offres de Trump d’acheter du GNL en provenance des États-Unis pour trois fois le prix du gaz russe acheminé par gazoduc. La Pologne peut se rendre utile en prenant le parti de la Russie contre les séparatistes du Donbass, mais elle ne le fera pas parce que le parti Droit et Justice est une filiale à part entière des intérêts néolibéraux et néoconservateurs américains.
Bien sûr, les Polonais ont obtenu une petite victoire récemment lorsque la Cour européenne de justice kangourou a statué en leur faveur concernant l’utilisation par Gazprom du gazoduc Opal, mais c’est, au mieux, une maigre consolation.
Le jeu de la Pologne a toujours été de tendre la main à la Russie plutôt que de continuer à penser qu’elle peut tenir tête à l’Allemagne au sein même de la structure politique mise en place pour renforcer le pouvoir et l’influence de l’Allemagne dans tous les domaines, l’UE. Ils ont accueilli favorablement les promesses de Trump concernant le GNL américain coûteux et ont résisté à la solidarité du Visegrad. En raison de leur opposition à Nordstream 2, ils ont été facilement manipulés pour aider l’OTAN à déstabiliser l’Ukraine et la Biélorussie tout en se préparant à être massacrés au moment où le Davos s’est débarrassé de Trump et a rétabli le lien entre Washington D.C. et Bruxelles.
Et maintenant, comme le souligne astucieusement Korybko, le PiS est confronté à une concurrence de plus en plus rude de la part de nul autre que l’ancien président Donald Tusk, dont le bilan, en tant que président du Conseil européen, est un échec cuisant. Le Davos tente de réaffirmer sa domination sur la Pologne.
Le PiS se retrouve donc dans la position politique peu enviable consistant à ne disposer d’aucune option valable. La solution de Korybko est un pacte de non-agression avec la Russie pour apaiser les craintes d’avancées militaires russes, car à ce stade, la Pologne est rapidement à court d’options.
On ne sait pas exactement à quoi ressembleraient les termes d’un “pacte de non-agression” informel polono-russe en Biélorussie et en Ukraine, mais il pourrait s’inspirer de celui, beaucoup plus large, que les États-Unis et la Russie tentent également de négocier de manière informelle après le sommet Biden-Poutine du mois dernier. Le plus important est que leurs évaluations mutuelles de la menace, influencées comme elles le sont par leurs soupçons sur les motifs stratégiques de l’autre, diminuent progressivement jusqu’au point où une “nouvelle normalité” puisse s’installer pour réguler de manière plus responsable leur concurrence régionale.
Le principal problème de la Pologne à l’heure actuelle est la perte du transit du gaz par l’Ukraine. Leurs craintes à ce sujet et les déclarations régulières faites récemment par la Russie sur les relations historiques entre l’Ukraine et la Russie rendent cette menace de plus en plus probable dans les années à venir. Le gouvernement de Kiev est désespéré. La rencontre du président Zelensky avec la chancelière allemande Angela Merkel est axée sur le versement par l’Allemagne de réparations à l’Ukraine pour Nordstream 2.
Je suis enclin à être d’accord avec une partie de cette idée, puisque Merkel faisait partie du groupe qui a déclenché les problèmes de l’Ukraine avec l’accord d’adhésion à l’UE, qui a été bloqué par Poutine et a déclenché toutes ces absurdités au cours des huit dernières années. Et après avoir brisé l’Ukraine, Merkel n’a montré aucun intérêt à essayer de l’aider à se remettre sur pied.
Ainsi, l’Ukraine n’obtiendra probablement rien de substantiel de la part de l’incompétente Merkel maintenant qu’elle s’est, à toutes fins utiles, débarrassée du pays. Tout cela n’est que du théâtre à ce stade. L’Ukraine sera une zone de transit en Europe de l’Est pour lancer des révolutions de couleur dans toute la région, y compris en Pologne, et poursuivre l’agression contre le Belarus. Cela a toujours été la position de repli du Davos et des néoconservateurs américains.
Pour moi, la véritable solution consiste à s’asseoir avec Zelensky et Poutine et à élaborer un avenir qui garantisse le transit et la livraison du gaz entre les trois. D’après tout ce qu’il a dit et laissé entendre, Poutine serait plus qu’heureux de conclure cet accord. Une Europe de l’Est forte et dynamique est le tampon parfait entre l’UE et la Russie.
Ainsi, à l’instar de Viktor Orban en Hongrie, les dirigeants polonais ont un choix réel à faire : vont-ils enfin voir à quel point la position de leur conseil d’administration est faible, tendre la main à des alliés potentiels (Hongrie, République tchèque) et à des non-combattants (Russie) et commencer à renforcer leur position ?
Ou vont-ils continuer à se précipiter dans un tourbillon qu’ils ont eux-mêmes créé, en choisissant de se complaire dans leurs griefs passés (certes justifiés) envers leurs voisins plutôt que de déterminer lequel d’entre eux est le plus susceptible de les détruire. Un indice pour Duda…. : ce n’est pas Poutine.
L’ironie est que la Pologne s’inquiète toujours des communistes de l’Est alors que les vrais communistes se lèvent à l’Ouest.
Comme la Hongrie et les Tchèques, la Pologne a toujours sa propre monnaie. Ils ont récemment acheté de l’or pour soutenir le Zloty. Il existe une réelle opportunité pour tous ces pays, ainsi que pour la Serbie, de former un bloc économique fort, ce qui en ferait une destination pour les capitaux plutôt que d’être considérés comme de la chair à canon dans la guerre éternelle de l’UE avec la Russie, une guerre qui n’est pas terminée mais qui est juste en suspens pour le moment.
Parce que s’ils ne comprennent pas ce point bientôt, la fenêtre d’opportunité pour toute l’Europe de l’Est de briser l’UE se refermera.
Tom Luongo
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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