Par Alexander Mercouris – Le 9 mars 2015 – Source thesaker.is
Depuis que la Grèce a obtenu un délai de quatre mois, il y a eu de nombreuses tentatives, à la fois en Grèce et dans le monde anglophone, pour affirmer que c’est Syriza, plutôt que les durs de l’Union européenne, qui l’a emporté aux points. C’est la vision de Tsipras mais aussi celle de commentateurs en langue anglaise, qui vont de Jack Rasmus à l’extrême-gauche et Paul Krugman à la gauche libérale jusqu’à Ambrose Evans-Pritchard, à droite.
Syriza a soi-disant obtenu une certaine souplesse sur la prétendue question clé de la taille du déficit primaire de la Grèce, ce qui constitue une victoire modeste, mais significative, sur les partisans de la ligne dure de l’UE.
Permettez-moi de dire clairement que compte tenu des circonstances dans lesquelles s’est retrouvé Syriza, je ne pense pas qu’il avait d’autre solution réaliste que de négocier la prolongation de quatre mois dans les termes où il l’a fait. L’alternative aurait très probablement fait courir le risque d’un Grexit [sortie de l’euro, NdT] et d’un effondrement total du système bancaire grec, auxquels les Grecs n’étaient tout simplement pas préparés au moment de la prolongation du délai.
Je pense toutefois que proclamer que c’est une victoire de Syriza est excessif. C’est tout à fait évident que Syriza a scié la proposition insane de Schäuble et des tenants de la ligne dure de ne pas dévier d’un poil du plan de sauvetage existant. Mais ce que les gens qui parlent de victoire négligent est le fait qu’une plus grande souplesse sur le montant de l’excédent du budget primaire n’était pas ce que Syriza avait promis au peuple grec avant son élection. Ce que Syriza a promis aux Grecs, c’est une réduction du montant total de la dette de la Grèce. Et il est très probable que le gouvernement sortant d’Antonios Samaras aurait aussi négocié une plus grande souplesse pour le déficit du budget primaire sans tout le drame et le malaise que nous avons observés ces dernières semaines.
Le point à comprendre est que, sauf s’il y a une restructuration de la dette de la Grèce, par un allongement des modalités de remboursement ou par une véritable annulation de la dette (certainement l’option la plus logique), alors la souplesse sur la taille de l’excédent du budget primaire est limitée, puisque le but de la cible ridicule de 4,5% du PIB est de générer un surplus suffisant pour commencer à rembourser la dette. Inutile de dire, étant donné le montant de celle-ci, qu’aux conditions actuelles de remboursement, cela nécessiterait de parvenir à cet excédent pendant des décennies, ce qui, si c’était le cas, dévasterait totalement ce qui reste de l’économie, et qui, bien sûr, ne se fera pas.
Vu la manière dont cela se passe, je pense qu’il est très peu probable que la Grèce parvienne à dégager un quelconque excédent à son budget primaire. La production semble avoir fortement baissé au dernier trimestre de 2014 (la chute a commencé avant l’annonce des élections) tandis que les recettes fiscales semblent être tombées d’une falaise depuis le début de l’année. Si jamais la Grèce était parvenue à dégager un excédent de son budget primaire à un moment donné en 2014 (et à en croire mon frère ces affirmations ont été de la poudre aux yeux), je pense qu’il est très peu probable que cela arrive maintenant. Compte tenu de l’état de l’économie, je pense que tout plan pour parvenir à un excédent budgétaire primaire permettant à la Grèce de rester dans l’eurozone et de rembourser sa dette relève du fantastique. Je suis sûr que Varoufakis, au moins, est assez intelligent pour le comprendre.
A mon avis, la seule manière réaliste d’avancer pour Syriza est d’utiliser la période de grâce qu’il a obtenue, quelle qu’elle soit, (et cela pourrait se révéler beaucoup moins que quatre mois) pour préparer l’économie grecque et le peuple grec à faire défaut et (puisque les autorités européennes, dans leur grande folie, ont décidé qu’un défaut est incompatible avec le statut de membre de l’eurozone) à un Grexit, une sortie de l’euro.
J’espère et je prie pour que Syriza le comprenne, car il me semble que c’est l’unique manière d’avancer. Les informations que je recueille auprès de gens en Grèce (y compris mes parents) sont désespérément sombres, les gens sont à court d’argent pour payer même leurs besoins de base et l’économie est essentiellement en panne. Le soutien à Syriza reste exceptionnellement fort, mais cela ne peut pas continuer très longtemps.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone