Par Pepe Escobar – Le 29 septembre 2016 – Source Strategic-Culture
Nous y revoilà encore. Lors d’une nouvelle frappe de précision du Pentagone, un immeuble résidentiel du quartier Achin, dans la province de Nangarhar, a été touché au moment où la foule accueillait un chef tribal de retour du Hajj [pélerinage à la Mecque].
Au moins treize civils ont été transformés en dommages collatéraux. Le Pentagone, bien sûr, ne «discute pas les détails des opérations de contre-terrorisme», mais il est «en train d’examiner tous les documents relatifs à cette frappe».
Évidemment rien n’en sortira, ajoutant simplement ces morts civils au tribut croissant de l’éternelle opération Enduring Freedom.
Par contre, quelqu’un qui supporte très bien la liberté dans toute sa splendeur est l’ancien chef de guerre, chef du Hezb-i-Islami et boucher de Kaboul, Gulbuddin Hekmatyar.
Le Pentagone ne détient pas le monopole des bombardements de civils en Afghanistan. Hekmatyar en a également fait sa délectation au début des années 1990 – en plus de l’entretien d’une prison de torture souterraine au Pakistan voisin.
À Kaboul sous le régime taliban, à la fin des années 1990, j’ai parlé à de nombreux résidents pendant la guerre civile, qui étaient alliés au commandant tadjik, le Lion du Panshir, Ahmad Shah Massoud – assassiné deux jours avant le 9/11 – et qui ont rappelé les bombardements sans relâche des quartiers civils par les forces d’Hekmatyar.
Hekmatyar s’est caché pendant près de deux décennies – depuis 1997. Il n’est pas encore retourné à Kaboul. En 2002, dans la province de Kunar en Afghanistan, j’essayais de le pister – ainsi que Oussama ben Laden – avec mon intermédiaire Peshawar, et nous tombions continuellement sur des Marines américains qui nous demandaient des informations. Après la disparition de Oussama, Hekmatyar est rapidement devenu la cible numéro un «mort ou vif» de Bush II en Afghanistan, marqué comme «terroriste mondial» par Washington et sur la liste noire de l’ONU en 2003.
Maintenant, il est prêt à amasser le pouvoir politique, après avoir été gracié par le gouvernement du président Ashraf Ghani. Son équipage, le Hezb-i-Islami, est une force militaire épuisée depuis des années. Sur le plan politique, c’est une autre histoire. Après l’accord intervenu avec les États-Unis, les militants du Hezb vont maintenant être en mesure de concourir pour les prébendes.
Cela a été difficile à résoudre. Hekmatyar a toujours refusé de signer tout accord tant que les troupes US / OTAN occupaient de facto l’Afghanistan. L’accord final établit que le Hezb et l’US / OTAN sont d’accord pour être en désaccord – du moment que Hekmatyar refuse de soutenir le terrorisme. Et les supporters de Ghani ont fait la paperasse nécessaire pour effacer le Hezb-i-Islami de la liste des organisations terroristes de l’ONU.
Le fait que l’incorporation du Hezb dans le fragile gouvernement de Kaboul puisse intimider les talibans reste une question ouverte.
Suivez les lignes d’exfiltration de l’héroïne de la CIA
L’Afghanistan à toutes fins utiles continue d’être occupé par des étrangers ; dans ce contexte, la logique de Hekmatyar arrive à refléter la logique des talibans – même si les successeurs du mollah Omar ne seront pas admis à la table du pouvoir à Kaboul.
Un agent de renseignement occidental connaissant la façon dont l’Afghanistan a été traité au plus haut niveau à Washington annonce la couleur :
«Oussama ben Laden était un atout de la CIA qui a échoué. Il a été utilisé comme prétexte pour envahir l’Afghanistan et relancer le commerce de l’héroïne, qui est une affaire de milliers de milliards de dollars. Mullah Omar était notre allié contre les Soviétiques, et un homme très honorable, il a fermé tous les laboratoires d’héroïne d’Afghanistan, après que les talibans ont pris le contrôle, car il considérait immorale la mort de plus de 300 000 personnes par an suite à une surdose d’héroïne. Nous nous sommes retournés contre lui et l’avons trahi. Oussama était un invité du mollah Omar qui a simplement demandé des preuves de l’implication de ce dernier dans le 9/11. Comme il n’y en avait pas, car il n’était pas impliqué, la preuve ne pouvait être fournie. Bush II avait ridiculisé à la télévision l’idée même qu’il serait nécessaire de donner des preuves à un primitif comme le mollah Omar.»
Cela devient beaucoup plus savoureux lorsque l’agent a donné les détails que peu ont eu le courage de préciser ; le véritable agenda de la CIA en Afghanistan :
«La CIA utilisait l’argent de l’héroïne pour ses opérations extérieures et ainsi leurs revenus avaient été coupés lorsque les talibans ont pris le pouvoir. De cette façon, ils pouvaient toujours contourner le Congrès américain. L’héroïne, voilà pourquoi nous sommes toujours là. Le terrorisme est conçu à travers des Opérations Gladio [fausse bannière, NdT] car c’est utilisé pour justifier les interventions. La plupart des agences de renseignement occidentales sont connectées à ce commerce ; 93% de l’héroïne mondiale vient d’Afghanistan. Après l’invasion américaine, la production de l’héroïne a immédiatement été relancée. Les convois militaires en provenance des ports du Pakistan vers l’Afghanistan transportaient au retour l’héroïne pour la distribution mondiale. Les talibans et Oussama n’avaient absolument rien à voir avec le 9/11».
À propos, Hekmatyar n’a jamais été lié au commerce de l’héroïne.
Kaboul sous sa forme actuelle reste en contrôle des grands centres de population et d’environ 70% du pays. Le reste est le Talibanistan. Kaboul n’a aucune chance de gagner la guerre. Selon les chiffres avancés par le général du Corps des Marines, Joseph Dunford, président du Joint Chiefs of Staff [état-major interarmes, NdT], le Pentagone et ses alliés ont 14 000 soldats en Afghanistan. Le contingent américain – 9 800 – sera ramené à 8 400 d’ici la fin de l’année 2016.
Tout le monde se souvient de l’OTAN «cédant le contrôle» – après avoir été ignominieusement battue par les talibans – en 2014. Les États-Unis gardent des troupes sur le terrain pour fournir – euphémisme – formation et soutien aérien à l’armée afghane, qui sont elles-mêmes épaulées par des hordes d’entreprises travaillant sous contrat avec l’armée US. En parallèle, enfouis dans l’ombre, ces entrepreneurs continuent de transporter à l’Ouest l’héroïne de la CIA.
Le duo US / OTAN vient de promettre «pour aider les forces de sécurité afghanes, des fonds à hauteur d’environ $1 milliard par an, au cours des trois prochaines années». Peu de gens seront conscients que cela offre de plantureuses incitations supplémentaire aux commerçants exploitant l’héroïne de la CIA qui sillonnent l’UE avec leurs marchandises.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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