Par Reinhard Lauterbach – Le 30 avril 2015 – Source junge Welt
Hommage aux victimes
Pas de violence, pas d’incendie criminel : le Ministère public ukrainien fait des constatations intéressantes sur le massacre perpétré à Odessa il y a un an.
Le calme a longtemps régné autour de l’enquête sur le pogrom d’Odessa du 2 mai 2014. Pour rappel : au moins 49 opposants au changement de pouvoir à Kiev sont morts dans l’incendie de la maison des syndicats ou ont été battus à mort devant le bâtiment par des fascistes, plus de 200 personnes ont été blessées. Il y a quelques jours, le substitut du procureur général ukrainien, Wolodymyr Gusyr, a tenu une conférence de presse sur l’avancement de l’enquête qu’il détenait.
Comme l’a rapporté le journal Vesti Ukraina, les autorités ne voient aucun indice d’une mort violente des victimes. Aucun des décédés ne présente de marques de violence physique. Il n’y a pas non plus d’éléments de preuve d’un incendie criminel, selon le Ministère publique ukrainien. La cause du feu serait plutôt due à l’usage de mélanges inflammables par des participants aux désordres. Le fonctionnaire n’a pas été plus concret. Mais la déclaration du procureur est légèrement contraire à la logique, qui soutient que les personnes qui s’étaient réfugiées à l’intérieur de la maison des syndicats pour se protéger des attaques des nazis ont encore renforcé l’effet de l’incendie en barricadant les portes. Cela aurait provoqué un effet cheminée. Or toute personne qui a allumé une fois une cheminée sait évidemment que le feu est étouffé par la fermeture du volet d’aération, et non attisé.
Les informations de Guzyr contredisent les déclarations de témoins des événements et les propres impressions de l’auteur qui a assisté, quelques jours après le pogrom, à l’enterrement d’un antifasciste de 26 ans, Andrei Brazhewski. Le jeune homme, selon ce qu’en dit sa mère, qui a tout vu, avait sauté depuis le premier étage de la maison en flammes et avait été battu à mort avec des barres de fer alors qu’il gisait, les jambes brisées, devant le bâtiment. Sa dépouille, dans le cercueil ouvert, ne montrait en tout cas pas de traces visibles de brûlures, mais une suture au front, qui devait refermer des blessures à la tête.
Il n’en demeure pas moins que le Ministère public a des suspects : 22 instigateurs présumés des troubles attendent leur procès, selon les déclarations de Gusyr, et on en recherche encore 13 autres. Ils auraient échappé aux enquêteurs en fuyant à l’étranger. Le procureur n’a pas dit quand la procédure sera ouverte. La situation actuelle est en fin de compte la plus pratique pour Kiev : on peut tout faire porter aux absents et laisser discrètement l’herbe pousser sur la participation de ses propres partisans. Le gouvernement ukrainien avait développé la théorie des provocateurs qui se seraient échappés en Russie après qu’une première version, selon laquelle ces instigateurs infiltrés depuis la Russie et la Transnistrie seraient morts dans les flammes, n’avait pu être maintenue : toutes les victimes ont été identifiées comme des habitants d’Odessa et de ses environs, la police locale n’avait pas encore été mise au pas.
L’attaque contre le village de tentes, pas particulièrement grand, des partisans de l’anti-Maïdan avait été bien organisée et bien coordonnée du côté pro-ukrainien. Il s’agissait, d’un point de vue stratégique, d’empêcher une contagion de la rébellion du Donbass à la ville d’Odessa, russophone et traditionnellement multiculturelle. Mille cinq cent supporters de foot hooligans et fascistes de Kharkiv étaient arrivés à Odessa, sous le prétexte d’un match de première ligue et, après quelques échauffourées initiales avec des antifascistes dans le centre de la ville, avaient investi la place devant la maison des syndicats, en association avec des membres du Secteur Droit [néonazi, NdT] local. Devant la supériorité des attaquants, les militants de gauche s’étaient réfugiés dans la maison des syndicats ; d’après des vidéos qui circulent sur Youtube, les cocktails Molotov utilisés lors de l’attaque avaient été préparés au centre de la ville par des volontaires, dont des écolières au gai sourire, et aux épaules recouvertes de drapeaux bleu et jaune. La police locale a assisté au pogrom sans intervenir ; elle avait été concentrée autour de l’hôtel de police pour prévenir une attaque des autorités. Les pompiers ont été empêchés d’intervenir par les manifestants d’extrême-onction.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone