Par le Saker Francophone – Le 30 avril 2018
Acte XXIV et discours du 25 avril.
Si le Ministère de l’Intérieur a décompté ce samedi 23 600 manifestants, Le Nombre jaune a évoqué plus de 60 000 participants, répartis sur toute la France.
Il y a de grandes chances que ce nombre en baisse soit dû au fait qu’ils se gardent pour le 1er mai.
Un groupe de Gjs s’est particulièrement concentré sur sur les médias : «C’est pourquoi nous allons marcher de la Maison de la Radio à TF1, de CNEWS à LCI, de France Télévision à BFM TV. Cette manifestation se clôturera devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel afin que son président, M. Roch-Olivier Maistre, reçoive une délégation de Gilets Jaunes dans les jours prochains ».
- Marseille
- Toulouse
- Convergence Gjs et CGT à Paris.
Tous les Gjs attendent beaucoup des traditionnelles manifestations du 1er Mai.
Violence policières
Un des cameramen NFCA MÉDIA a été arrêté alors qu’il filmait les forces de l’ordre. Toutes les images tournées avant 16h30 ont été perdues.
Le Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’Onu a réclamé une enquête sur « l’usage excessif de la force » lors du mouvement des Gilets jaunes et le gouvernement lui répond « À aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal », explique ainsi le document, rappelant que « les policiers ont recours au LBD lorsqu’il est nécessaire de dissuader ou de stopper une personne violente ou dangereuse ». Pourtant les nombreuses vidéos de violences policières tournées lors des manifestations montrent que c’est un mensonge. Peu de chance que l’ONU soit dupe.
Le préfet de Paris, Didier Lallement, a ordonné de démuseler les chiens d’attaque lors des manifestations des Gilets jaunes prévues le samedi 27 avril, selon le Canard enchaîné. L’hebdomadaire ajoute également qu’il a été demandé d’augmenter le nombre de policiers à moto.
Selon Paris Match, « L’acte XXIII n’est donc qu’un épisode de plus. Mais, cette fois, black blocs et ultras ont promis d’être là. Cachés derrière un surnom, Emmanuel Macron et Christophe Castaner ont pris l’habitude d’espionner leurs échanges sur les réseaux. Au petit déjeuner, le second fait venir ceux qu’il appelle dans un sourire ses ‘Avengers’, les patrons de la police, de la gendarmerie, du renseignement, etc. »
Il semble que la patience des Gjs commence à porter ses fruits car, selon Ouest France, « La compagnie de CRS 51 devait assurer ce jeudi 25 avril le déplacement à Tours de Laurent Nunez et de l’autre secrétaire d’État Marlène Schiappa. 48 des 61 CRS sont en arrêt de travail depuis ce matin…La colère gronde dans les rangs des compagnies de CRS. Ce mouvement va-t-il faire tache d’huile ? Je le crains fortement. Si l’emploi reste aussi intensif et que la direction centrale ne veut pas en mettre en place les solutions que nous leur proposons, le mouvement pourrait s’étendre à d’autres compagnies. »
Le Canard enchaîné révèle que la réglementation internationale contraint la France à classer les LBD qu’elle achète comme des « armes de guerre ». Les LBD sont des lanceurs de balles de défense responsables de nombreuses et graves blessures lors des manifestations.
Face à des médias qui disent que les manifestants insultent les policiers, voici quelques paroles de flics, vidéos à l’appui, pour montrer qu’ils sont loin de montrer l’exemple.
Attaque contre la liberté d’information
Comment instrumentaliser la justice pour censurer l’information sur les Gjs. Gaspard Glanz, le journaliste indépendant arrêté pendant le dernier acte, sera jugé le 18 octobre pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ». le parquet de Paris a également requis à son encontre une interdiction de paraître dans la capitale les samedis et le 1er mai jusqu’à son procès. Il est ainsi clairement empêché de travailler.
Un de ses témoignages à la sortie de prison montre qu’en interne, la police est divisée face au mouvement Gj : « J’ai eu affaire à une sorte de conflit entre des policiers qui voulaient m’en faire baver, et d’autres qui se demandaient vraiment ce que je faisais ici. Ils changent toutes les huit heures. Un des policiers a tenu à me rassurer en me montrant des vidéos de la mobilisation dehors. Par contre, lorsque ceux qui sont clairement anti-Gilets Jaunes étaient de service, on m’a carrément privé d’eau. On a craché dans ma nourriture. Depuis mon arrestation samedi jusqu’à dimanche midi, j’ai pu boire moins de 25 cl d’eau. »
Le témoignage sur la vie d’une journaliste indépendante de nos jours. Édifiant.
« Je m’appelle Eloïse, j’ai 38 ans et je suis journaliste. J’ai décidé très vite de rejoindre la petite famille de l’indépendance, de quitter le monde des médias mainstream. C’est un choix qu’en France, il m’a été permis de faire. On a même pu créer notre coopérative et embaucher, former, monter des projets. On défendait la liberté de la presse, et j’étais fière de faire partie de ceux qui apportent un témoignage dissonant.
Aujourd’hui, même fière, je commence à me dire qu’il faudrait que j’aie peur. Qu’il est de plus en plus difficile de dire d’écrire des propos qui gênent. Depuis quelques années, les coups de pression ont été nombreux, et mes camarades pourraient témoigner de toutes les fois où ils ont dû me raccompagner jusqu’à ma voiture, de peur qu’il ne m’arrive quelque chose. Ma famille pourrait raconter les soirs où je vérifiais dix fois mes pneus avant de monter dans ma voiture ou encore si la porte était bien fermée à clef. Parfois, avec mon amoureux, il nous est arrivé de nous disputer grandement parce qu’il trouvait que je prenais trop de risques, que je m’attaquais aux cons et que par définition, ils pouvaient réagir connement. Que je m’en prenais à plus puissants et qu’il fallait que je fasse gaffe. Mon avocate a parfois haussé les sourcils quand je lui racontais les menaces de mort, les pneus crevés, les cambriolages…
Mais j’ai pu poursuivre mon métier. Épaulée par de nombreuses personnes.
Ce soir, je me dis que je pourrais être Gaspard. Déjà voilà quelques semaines, on m’a reproché un article en me signifiant que si je recommençais certains de nos contrats d’ateliers d’éducation aux médias seraient suspendus sur ordre de plus puissants. Ensuite, on a appris que le nom de notre média était blacklisté dans certaines institutions publiques. Alors que nous étions invités, et que notre nom a été donné par l’organisateur d’un compte rendu, la préfecture a oublié de nous envoyer le communiqué de presse ainsi que l‘invitation…Plusieurs fois, nous avons dû négocier longuement afin de rentrer dans un tribunal pour des comparutions immédiates pourtant publiques.
Alors, oui, je pourrais être Gaspard, au point que je commence à me faire à l’idée que faire ma profession pourrait m’amener derrière les barreaux, et que je me demande s’il faut que je prépare mes enfants à cette éventualité.
Je pourrais être Gaspard, et nous pourrions tous l’être, dès lors que nous avons un discours qui ne correspond en rien à la communication actuelle d’un gouvernement qui préfère taire les violences policières, la misère, les injustices et les reculées sociales, et qui organise une réelle répression dans la peur et l’intimidation ordonnées aux forces de l’ordre.
Alors je devrais avoir peur, et vous tous aussi.
Mais nous ne céderons pas à l’angoisse.
Nous resterons conscients, et éveillés.
Et j’en appelle à un réveil collectif. Mes amis, quand un journaliste est emprisonné, privé de pouvoir se rendre où il veut, interdit de séjour sur son lieu de travail, cela s’appelle de la censure, et c’est d’une gravité sans nom pour la liberté d’expression et d’information.
Je pourrais être Gaspard, et je le dis ici, je ne suis pas une criminelle. Je suis une parole dissidente. Je n’aime pas la violence, j’ai peur du sang, je n’ai jamais mis un coup de pied, encore moins un coup de poing, j’ai dû blesser le cœur de certains, mais pour m’en protéger.
Je ne suis pas une criminelle, je suis une journaliste, et je veux continuer mon métier, comme je l’entends, en dénonçant parfois, en tendant mon micro aux sans-voix, en prenant position en toute honnêteté, et avec conviction. Être indépendante, et pouvoir écrire, raconter, filmer, dans la limite de la charte de Munich et de la loi, ce que bon me semble. Mais aujourd’hui, cette loi ne me protège plus, ni même mon statut de journaliste.
Gaspard n’est pas un criminel, il est journaliste. Je pourrais être Gaspard, et nous tous aussi.
Agissons pour la liberté de la presse, le pluralisme de l’information…Demain, il sera trop tard…
J’appelle tous mes confrères à s’organiser pour défendre notre métier… »
Eloïse Lebourg, journaliste, et co-fondatrice de Mediacoop.
De nouveau, Reporters sans frontières/Reporters Without Borders RSF, le SNJ (Syndicat national des journalistes) et le barreau de Paris dénoncent les violences et les arrestations dont ont été victimes de nombreux journalistes lors de leur couverture de la journée de mobilisation des Gilets jaunes le samedi 20 avril. À lire sur Mediapart.
Selon Bruno Gaccio ex-auteur et producteur des guignols de l’info sur Çanal + « … Il y a une dérive grave du pouvoir, on ne met pas un journaliste en garde à vue pour un doigt d’honneur… ».
Vingt-et-une sociétés de rédacteurs et journalistes apportent leur soutien au journaliste Gaspard Glanz de Taranis News, mais certains poids lourds médiatiques manquent toujours à l’appel ce mardi soir à 23 heures. TF1, LCI et TMC, détenus par la famille Bouygues, CANAL+ et CNEWS, propriétés de Vincent Bolloré, Slate.fr, possession d’Ariane et Benjamin de Rothschild, ou encore Le Point de François Pinault, n’apparaissent pas parmi les signataires.
Deux journalistes de Disclose.ngo sont convoqués mi-mai dans le cadre d’une enquête pour « compromission du secret de la défense nationale » suite à une plainte du ministère des Armées. Malgré l’importance des informations révélées par l’enquête « Made in France » sur les armes françaises utilisées contre le Yémen, ces journalistes sont considérés comme pénalement responsables d’avoir fait leur métier : informer le public sur un sujet relevant de l’intérêt général.
Jean-Baptiste Rivoire, rédacteur en chef de Canal+ explique la pression et les douteuses méthodes de Bolloré pour faire pression sur les journalistes. Édifiant et courageux de sa part.
Une justice aux ordres
Selon un article du Parisien, « la magistrate chargée d’éclaircir les circonstances de la mort de Zineb Redouane, atteinte par une grenade tirée par la police début décembre à Marseille en marge d’une manifestation des Gilets jaunes, a demandé aux experts de déterminer l’incapacité totale de travail de la victime…La rédaction de cette question n’est cependant pas nécessairement une maladresse. Il pourrait s’agir, dans l’esprit de la magistrate, d’évaluer les conséquences de ce tir de grenade dans l’hypothèse où l’enquête conclurait à un décès consécutif à une autre cause. » En bref que cette dame ne serait pas morte à cause de la grenade mais d’un décès survenu « au cours de l’induction d’anesthésie pour intervention médicale en urgence ». Intervention due au tir de grenade. Mais sa famille se bat pour que justice soit faite.
Selon Arrêt sur Images, « On bloque la possibilité pour des victimes graves, qui ont perdu un œil, qui ont perdu une main, de pouvoir utiliser la justice pénale, alors que d’autres peuvent l’utiliser ».
Le fichage des Gj hospitalisés
La direction des hôpitaux d’Île-de-France a finalement reconnu, ce mercredi 24 avril, les dérapages occasionnés par l’activation du dispositif de fichage des blessés SI-VIC lors des manifestations des gilets jaunes.
Malgré les dénégations du gouvernement, le répertoire SI-VIC (pour « système d’information pour le suivi des victimes »), initialement mis en place en 2016 pour les victimes d’attentat, semble bel et bien avoir servi à collecter des informations sur des manifestants, parfois en dépit du secret médical.
Le pillage des biens nationaux
La Cour des comptes a dénoncé jeudi les accords passés par l’État pour allonger les concessions des sociétés exploitant le réseau d’autoroutes en échange de la réalisation de certains travaux, qualifiant ces décisions de « solution de facilité ». Selon les calculs de la Cour, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) devraient tirer quelque 15 milliards d’euros de la prolongation de leur concession qui leur a été accordée en 2015, tandis que le montant des travaux réalisés en échange ne représente que 3,2 milliards d’euros.
La justice confirme l’annulation du redressement fiscal de Google de 1,15 milliard d’euros.
L’Élysée devait, presque en catimini, céder les Aéroports de Paris (ADP) à Vinci. Raté.
Le discours de Macron
Le 25 avril Macron fait finalement un discours, suivi d’une conférence de presse pour présenter ses mesures après son Grand débat.
Il commence par s’exprimer sur le mouvement des Gilets jaunes : « un mouvement inédit, qui a exprimé son impatience sur les changements. Mais ce mouvement a été récupéré par les violences de la société. Antisémitisme, homophobie, attaque contre les institutions… ». Très mauvais départ qui montre qu’il reste coincé dans cette image médiatique faussée du mouvement.
Puis il rajoute « Est-ce qu’on a fait fausse route ? Je crois tout le contraire, les transformations en cours ne doivent pas être arrêtées ». Alors là tout est dit.
Puis, au lieu de parler de mesures à prendre il commence par renier celle avancée par les Gj, « je refuse le vote obligatoire ou un vote blanc comptabilisé comme un vote exprimé », puis le RIC, « tel qu’il est proposé me semble remettre en cause la démocratie représentative mais je souhaite que nous puissions aller plus loin sur le référendum d’initiative partagée en en simplifiant les règles, qu’il puisse venir d’une initiative citoyenne ». Pas de retour sur la suppression de l’ISF non plus.
Puis des propositions, rien que des propositions, de mesurettes sont lancées à la volée. Des citoyens tirés au sort au Conseil économique social et environnemental, Une maison « France service » pour permettre aux Français de régler leurs problèmes administratifs dans un seul bâtiment de leur canton, la réindexations des retraites inférieures à 2000 euros « à partir de l’année 2021 », supprimer l’ENA, peut être un référendum sur les questions climatiques (sujet trop large pour rentrer dans le cadre d’un référendum). Il promet même, comme pour sa campagne électorale, de « faire disparaître le chômage à l’horizon 2025 ». Une baisse de l’impôt sur le revenu, sans préciser plus. Il veut modifier la politique migratoire, sans dire comment.
Rien qui ne correspond, même de près, aux revendications des Gjs. Le mouvement n’est donc pas prêt de s’arrêter. Il risque même d’amplifier la colère des Gjs. Comme l’a commenté l’un de ceux-ci, « Macron a réussi une chose aujourd’hui, remotiver tout le monde, tous dans les rues, on lâchera rien ».
Dans un sondage fait dans la foulée du discours, 65% des sondés disent que les mesures annoncées ne répondent pas à leurs attentes. Surtout, ils sont 80% à juger que ces annonces ne vont pas mettre fin au mouvement des gilets jaunes.
Francois Boulo, un des porte-parole du mouvement, explique ce qu’il pense de ce discours.
Pour la réindexation des retraites inférieures à 2000 euros, Le Figaro nous explique « Comment Macron travestit la réalité à son avantage ».
Après sa femme il y a quinze jours, c’est Macron lui-même qui se fait huer en plein Stade de France.
Les initiatives Gjs
Les manifestants mutilés par la police ont décidé de se regrouper dans le cadre d’une association nommée « les mutilés pour l’exemple ». C’est le cas de 22 personnes depuis le début des manifestations. Un de ces mutilés témoigne.
Dans le besoin de se structurer, les Gjs ont créé une plate-forme de rencontre et de synchronisation des initiatives nommée la Ligne jaune.
Pour finir sur une note esthétique, voici une série de très belles photos pour imager le mouvement et ses combattants.
Le Saker Francophone
Ping : Rapport de situation sur le mouvement Gilets Jaunes. Acte XXIV | Réseau International