Par Andrew Korybko – Le 27 octobre 2018 – Source orientalreview.org
Mike Pompeo, secrétaire d’État des USA, était en déplacement en Amérique Centrale en fin de semaine dernière, d’où il a critiqué l’influence croissante de la Chine en s’interrogeant sur les intentions derrières les activités d’investissements du pays. Les médias chinois lui ont répondu cette semaine sur le ton de la colère, mettant les USA au pilori pour leurs tentatives de « semer l’opprobre » dans les relations entre l’empire du milieu et l’Amérique latine.
Washington s’inquiète du glissement progressif en cours de l’Amérique centrale hors de son contrôle hégémonique, après que le petit État du Salvador a rompu ses liens avec Taïwan au mois d’août 2018, et reconnu Pékin comme gouvernement légitime de Chine, en échange d’un soutien économique, dont certains craignent qu’il ne déclenche une réaction en chaîne dans cette partie du monde où l’État auto-proclamé compte un certain nombre de soutiens – dont le total est en déclin.
Du point de vue des USA, l’influence économique chinoise qui monte présente des conséquences politiques claires, qui pourraient un jour se manifester dans ces pays qui se détournent peu à peu de Washington, comme le révèle la position de quelques-uns d’entre eux sur Taïwan. Les USA pourraient perdre leur contrôle unipolaire sur la zone, que jusqu’alors ils ont considéré avec condescendance comme leur « arrière-cour ». On a vu jusqu’à Juan Orlando Hernandez, président du Honduras, souligner ce qu’il considère comme l’« occasion » que le rôle diplomatique chinois en croissance dans la région pouvait représenter, malgré le fait qu’il ait lui-même pu rester au pouvoir jusqu’à présent lors d’élections contestées mais reconnues par les USA, ce qui avait ouvert des polémiques.
Et c’est bien une nouvelle opportunité qui vient de s’ouvrir : suite aux menaces de Trump de suspendre les aides que son gouvernement verse aux trois pays du « Triangle du Nord » que constituent le Honduras, le Guatemala et le Salvador dans le cadre de la dénommée « Alliance pour la prospérité », sur fond du fait que ces pays n’avaient pas empêché des milliers de leurs ressortissants de prendre part à la dernière crise de la Caravane, la voie est royalement ouverte à la Chine d’intervenir économiquement et de soutenir ces pays à la condition que les deux autres suivent la voie ouverte par San Salvador dans la reconnaissance de Pékin à la place de Taipei. Ce basculement potentiel offrirait à la Chine un levier de contrôle indirect sur la sécurité aux frontières américaines, rendant la Chine responsable de la stabilité de ces pays en remplaçant le pourvoyeur d’aides américain.
Il est déjà reconnu que pour nombre de ces migrants, les raisons de l’exil relèvent de poussées au départ puissantes, telles qu’une mauvaise gestion systématique, la corruption, les drogues, le chômage, et les gangs violents, sujets que l’« Alliance pour la prospérité » américaine devait au départ traiter. Il se pourrait bien que ce soit en fin de compte la Chine qui adresse ces problèmes, si Trump se retire de ces programmes comme il semble être sur la voie de le faire, et si Pékin s’avance pour prendre sa place. Tout aussi perturbateur pour les USA que ce scénario, la possibilité que ces événements aient comme répercussion une augmentation de l’influence chinoise au Mexique, après l’investiture d’AMLO, président de gauche qui prendre ses fonctions début décembre 2018… Cela constituerait un défi sans précédent pour la dominance politique des USA sur l’ensemble de l’hémisphère occidental.
La spirale sans fin dans laquelle les USA se retrouvent réside en ceci : s’ils voulaient répondre par leurs leviers de guerre hybride à cette situation, cela ne ferait qu’aggraver les crises de migrants ; il est impossible de prédire ce que l’Amérique pourrait faire pour maintenir son hégémonie sur la région.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 26 octobre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone
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