L’histoire du New York Times sur Rosenstein est une tentative pour faire chuter Trump


Par Moon of Alabama – Le 22 septembre 2018

L’élection de mi-mandat du 6 novembre décidera si la Chambre et/ou le Sénat passeront de la majorité républicaine actuelle à une majorité démocrate. Bien que ces deux partis ne soient pas très différents l’un de l’autre, quelques questions politiques importantes (et leurs conséquences financières) sont en jeu. La plus importante actuellement est la confirmation par le Sénat de l’archi-conservateur Brett Kavanaugh à la Cour suprême. Les Démocrates font tout ce qui est en leur pouvoir pour retarder le processus de confirmation dans l’espoir de le retarder jusqu’après les élections qui pourraient leur donner une majorité, majorité qui pourrait même donner aux Démocrates une chance de destituer Trump.

À l’exception de Kavanaugh, qui d’ici là aura probablement été confirmé par le sénat, les Démocrates n’ont pas grand-chose pour eux. L’enquête Mueller n’a pas donné de résultats sérieux, jusqu’à présent. L’économie fonctionne encore relativement bien, sauf pour les pauvres. Une flambée des prix du pétrole en raison des sanctions de Trump contre l’Iran ne surviendra qu’après les élections. Les taux de sondage pour Trump ne sont pas très hauts, mais pas au point d’avoir un impact sérieux sur ces élections. Les Démocrates auraient donc besoin de quelque chose de plus important dans leur manche.

C’est dans ce contexte qu’est publié un article à sensations dans le New York Times – Rod Rosenstein Suggested Secretly Recording Trump and Discussed 25th Amendment [Rod Rosenstein a suggéré d’enregistrer secrètement Trump et discuté du 25eme amendement], [Celui qui permet de destituer un président, NdT] – qui semble avoir été conçu pour donner à Trump une raison de congédier Rod Rosenstein, le sous-procureur général en place [C’est-à-dire un fonctionnaire qui devrait travailler sous ses ordres et non pas chercher à le destituer, NdT].

Andrew Prokop de Vox résume ainsi la situation :

« Le sous-procureur général Rod Rosenstein a-t-il sérieusement suggéré aux hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, l’an dernier, que quelqu’un enregistre en secret le président Donald Trump ?

Ou bien n’était-ce qu’un commentaire manifestement sarcastique qu’il n’a jamais voulu que personne ne prenne au sérieux ?

Un nouveau rapport d’Adam Goldman et Michael Schmidt du New York Times prétend que la première hypothèse est la bonne – et ajoute que Rosenstein a également parlé d’invoquer le 25e amendement pour destituer Trump. Les sources des journalistes sont des personnes anonymes ‘informées soit sur les événements eux-mêmes, soit par des notes de service’ rédigées par l’ancien directeur adjoint du FBI Andrew McCabe ou d’autres personnes.

Mais un autre article, écrit par Devlin Barrett et Matt Zapotosky du Washington Post, cite une source anonyme qui était dans la salle et conteste le récit donné au Times. Selon cette source, Rosenstein réfutait une suggestion de McCabe proposant que le ministère de la Justice ouvre une enquête sur Trump, et a dit quelque chose du genre : ‘Qu’est-ce que tu veux faire, Andy, espionner le président ?’

Qui a raison ? Les conséquences pourraient être énormes. C’est Rosenstein qui a nommé Mueller comme procureur spécial, en mai 2017, et c’est lui qui continue de superviser l’enquête de Mueller sur la Russie. Bien avant ces nouvelles histoires, le président Trump envisageait déjà en privé à la possibilité de virer Rosenstein (ou Sessions, ou Mueller), afin de pouvoir confier à quelqu’un qu’il considère plus loyal la responsabilité de l’enquête sur l’ingérence russe. »

Marcy Wheeler, d’Emptywheel, reproche au NYT d’avoir publié cet article : Le New York Times donne à Trump une excuse pour congédier Rod Rosenstein.

« Le NYT a publié un article incendiaire prétendant que Rod Rosenstein a enregistré le Président et/ou invoqué le 25e amendement dans les jours qui ont suivi le renvoi de Jim Comey par Trump. …

L’insinuation est claire : dans une tentative d’accuser Rosenstein de choses connues pour faire enrager le président (notamment, être enregistrées), quelqu’un a pris les notes de service que McCabe a écrites et les a lues à des gens qui les ont ensuite divulguées au NYT. »

Si la version du NYT de l’incident est vraie, cela donnerait en effet à Trump de nombreuses raisons de virer Rosenstein (et Mueller et Sessions) Plusieurs partisans importants de Trump le poussent à le faire :

« La présentatrice de Fox News, Laura Ingraham, a tweeté que Rosenstein ‘doit s’en aller. Dès aujourd’hui.’

Le fils du président, Donald Trump Jr., a tweeté : ‘Personne n’est choqué que ces types fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour saper’ le Président.

Eric Bolling, un ancien animateur de Fox News qui est en contact avec le président, a déclaré que ‘si l’allégation est vraie, il faut absolument renvoyer Rosenstein. Personne ne pourra plus trouver de faute à cette décision maintenant.’ »

Mais virer Rosenstein maintenant serait une énorme erreur. Ce serait perçu comme un « Massacre du Samedi Soir » :

Le Massacre du Samedi Soir est une série d’événements qui ont eu lieu aux États-Unis dans la soirée du samedi 20 octobre 1973, pendant le scandale du Watergate. Le président américain Richard Nixon a ordonné au procureur général Elliot Richardson de congédier le procureur spécial indépendant Archibald Cox ; Richardson a refusé et démissionné immédiatement. Nixon a alors ordonné au sous-procureur général William Ruckelshaus de congédier Cox ; Ruckelshaus a refusé et démissionné également. Nixon a ensuite ordonné au troisième plus haut fonctionnaire du ministère de la Justice, le solliciteur général Robert Bork, de congédier Cox. Bork a envisagé de démissionner, mais a finalement fait ce que Nixon lui a demandé. 

Savoir à qui servirait par un tel « massacre » est évident. Cela n’aiderait ni Trump ni les Républicains. Ce serait un énorme cadeau pour les Démocrates qui se sont préparés depuis longtemps à une telle éventualité. Des dizaines de groupes alignés sur les Démocrates ont préparé une campagne qui sera lancée au moment même où Trump annoncera le licenciement de Mueller, Sessions ou Rosenstein :

Nous nous préparons à organiser des rassemblements d’urgence intitulés « Personne n’est au-dessus de la loi » dans tout le pays au cas où cela serait nécessaire, plus de 900 et ce, dans chaque État, avec 400 000 volontaires à ce jour !

Joignez-vous à nous.

Une telle campagne serait utilisée pour collecter des votes pour le 6 novembre. Elle serait extrêmement utile aux Démocrates et augmenterait leurs chances de s’emparer de la Chambre et/ou du Sénat.

Pour défendre la publication de l’article, le rédacteur en chef adjoint du NYT, Matt Purdy, a déclaré :

 « … cette histoire est basée sur des mois de reportages. »

Alors pourquoi ne sort elle que maintenant ? La réponse semble évidente. Cet article du NYT est un piège, programmé pour les prochaines élections. Ce n’est pas une attaque dirigée contre Rod Rosenstein, mais contre Trump. Il est censé l’inciter à avoir une réaction impulsive et à commettre son propre massacre du samedi soir. Le « massacre » de Nixon s’est avéré très négatif pour lui et a contribué à sa chute.

Trump n’est pas devenu président tout en étant stupide. Je ne pense pas qu’il tombera dans le panneau.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

Chronique de « Washington DC la folle » Mise à jour 

Le piège a été éventé – Rosenstein est toujours là, ni renvoyé ni démissionné

Moon of Alabama

Par Moon of Alabama − Le 26 septembre 2018 −Source MoonOfAlabam

Vendredi dernier, le New York Times a publié un article qui dénigrait la loyauté du sous-procureur général Rod Rosenstein envers le président Trump [Rosenstein est adjoint du Ministre de la Justice et supervise l’enquête du procureur Mueller contre Trump  au sujet du Russiagate ]. Rosenstein, selon le NYT, a suggéré de mettre Trump sur écoute et de demander sa destitution en utilisant le 25ème amendement [incapacité du Président]. D’autres informations ont contredit la revendication et Rosenstein lui-même l’a niée

Cette action du NYT était un piège pour pousser Trump à une réaction impulsive contre le numéro deux du ministère de la Justice, une répétition du massacre du samedi soir de Nixon. Les démocrates auraient profité d’une telle «surprise d’octobre» lors des élections de mi-mandat du 6 novembre. Une campagne visant à exploiter un tel scandale pour obtenir un vote était déjà bien préparée.

Le piège n’a pas fonctionné. Le seul qui a paniqué était Rosenstein. Il craignait pour sa réputation s’il devait être congédié. Pour éviter de tels dommages, il a proposé de démissionner à l’amiable. Il a essayé au moins trois fois :

Vendredi soir, inquiet de devoir témoigner au Congrès des révélations selon lesquelles il avait discuté de la mise en place d’une écoute au bureau ovale et de du déclenchement d’une procédure constitutionnelle de destitution pour priver M. Trump de ses fonctions, M. Rosenstein était convaincu qu’il devrait démissionner avant, selon des personnes dans son entourage. Lors d’une visite à la Maison-Blanche, il a proposé de démissionner, selon une personne familière présente à la rencontre, mais John F. Kelly, le chef de cabinet de la Maison-Blanche, s’y est opposé. … Toujours en fin de semaine, M. Rosenstein a de nouveau déclaré à M. Kelly qu’il envisageait de démissionner. Dimanche, M. Rosenstein a répété l’affirmation dans une conversation téléphonique avec Donald F. McGahn II, le conseil de la Maison Blanche. M. McGahn – […] – a demandé à M. Rosenstein de reporter leur discussion à lundi. … Vers 9 heures lundi, M. Rosenstein était dans son bureau au quatrième étage du Département de la justice lorsque les journalistes ont commencé à l’appeler. Était-ce vrai que M. Rosenstein prévoyait de démissionner, ont-ils demandé. … À la Maison-Blanche, le procureur général adjoint s’est faufilé par une entrée latérale de l’aile ouest et s’est rendu au bureau du conseil de la Maison-Blanche pour rencontrer M. McGahn, à qui M. Kelly avait entretemps dit que M. Rosenstein était déterminé et voulait démissionner.

McGhan a renvoyé le problème à Kelly et finalement Rosenstein a parlé avec Trump. Trump ne l’a pas congédié ni démissionné. On s’attend maintenant à ce qu’il reste jusqu’à la fin de l’année ou même plus longtemps :

Le président Trump a déclaré à ses conseillers qu’il était prêt à garder le sous-procureur général Rod Rosenstein dans sa fonction, et les alliés de celui-ci au ministère de la Justice ont dit mardi qu’il ne leur a pas donné l’impression d’envisager une démission.

Le piège n’a pas fonctionné. Trump n’a pas non plus paniqué, pas plus que la Maison Blanche n’a permis à Rod Rosenstein, pris de panique, d’appuyer sur la gâchette. Les personnes qui ont mis en place cette manigance en divulguant un mémo douteux du FBI au NYT n’ont pas atteint leur objectif.

Il ne reste que six semaines avant les élections de mi-mandat. Quelles autres surprises d’Octobre pourraient être planifiées par l’une ou l’autre des parties ?

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par wayan pour le Saker Francophone

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