Le Kurdistan et son voile de mensonges


Par Gordon Duff – Le 20 septembre 2017 – Source New Eastern Outlook

Avec le futur référendum kurde, certaines choses sont claires, « aussi claires que de la boue » comme dit le dicton. Après tout, tout le monde aime les Kurdes, les personnes les plus chaleureuses et aimables de la terre. Est-ce pour cela que les Turcs les abattent, que Bagdad est en panique, ou que, lorsque nous remontons un peu le temps, le président américain George Herbert Walker Bush a permis à un Saddam Hussein vaincu de gazer 30 000 Kurdes avec l’approbation étasunienne tacite ?

Peut-être que ce ne sont pas les Kurdes eux mêmes, mais d’autres facteurs. Nous allons jeter un coup d’œil au vote à venir et à ceux qui sont impliqués dans les coulisses. Commençons donc.

Le référendum kurde est peut-être l’événement le plus mal expliqué et présenté de ces derniers temps. Pour le consommateur d’informations bidons, les Kurdes cherchent à créer leur propre gouvernement, ne plus être dirigés par Bagdad. Ceci est bien sûr exact, bien que mélangé à des faits mal représentés, montés de toutes pièces ou de simples conjectures. En réalité, l’escroquerie du siècle se poursuit.

Allons-y directement et ne perdons plus de temps. La nouvelle nation kurde sera l’« « homme à tout faire » des clients qui utilisent les Kurdes comme des marionnettes en passant des accords avec leurs dirigeants oligarchiques. Oui, nous parlons d’énormes comptes bancaires en Suisse et de nombreuses années de collaboration avec les agences de renseignement israéliennes, américaines, turques et saoudiennes.

Le peuple kurde lui-même, peut-être parmi les gens les plus décents et les plus indulgents, vit dans un des pays ayant le plus de ressources sur terre. Il s’assoit sur, ou tout près, d’énormes réserves de pétrole et de gaz, est traversé de gazoducs et, peut-être plus important encore, pourrait être assemblé en une nation qui ressemblerait à un serpent partant de la Méditerranée, traversant la Syrie, s’étendant jusqu’en Irak, en Iran et jusqu’à la mer Caspienne.

Les Kurdes, dont la diaspora se disperse dans le monde entier, et qui désireraient rentrer chez eux dans la sécurité et la stabilité, se retrouveront encore une fois dans « dans le potage ». Voyez-vous, il n’y aurait pas eu d’État islamique en Irak sans l’accord passé entre les anciens baathistes de Saddam et l’armée construite par le général Petraeus, combinée à l’argent saoudien, à la formation de la CIA et à une armée de conseillers israéliens.

Les hôtels d’Erbil, aussi excellents soient-ils, servent depuis plusieurs années de quartiers généraux aux équipes ISR (Intelligence / Reconnaissance et Surveillance) qui ont permis à État islamique d’être une force qu’il faut craindre.

Erbil, avec son aéroport international, était le véritable siège d’EI. Des « hommes d’affaires » travaillant pour des compagnies pétrolières imaginaires y ont fait des allers et retours, des agences de sécurité les escortant jusqu’au « front », avec leur expertise, leur équipement de haute technologie, leurs yeux, leurs oreilles et une planification stratégique pour État islamique, al-Nusra, l’Armée syrienne libre et une douzaine d’autres groupes.

L’équipement lourd, celui qui n’a pas été fourni par des traîtres des armées irakienne et syrienne payés par la CIA et qui ont transféré des milliards de matériel militaire à des terroristes, a suivi des chemins clandestins venant d’Aqaba en Jordanie, d’Israël, d’Arabie saoudite mais surtout la route des Balkans à travers la Turquie, tout un matériel allant du gaz toxique jusqu’aux missiles de pointe TOW.

Derrière cette histoire, pas seulement de 20 ans mais de plus de 1000 ans, pendant que différents empires façonnait le Moyen-Orient, des acteurs majeurs comme l’Égypte, l’Empire perse ou les Ottomans, puis les Français, les Britanniques et maintenant les Américains. Le Kurdistan était Sumer et la Chaldée, Ur et Ninive, 6000 ans d’histoire avant les récits bibliques juifs, qui sont venus bien plus tard.

Les Kurdes seront reconnus comme une ethnie à part dès le XVe siècle, lorsque leur difficile relation avec les Turcs ottomans a commencé, du genre de celle que l’on voit aujourd’hui sur les champs de bataille du nord de la Syrie, 500 ans plus tard.

Quand l’Occident a divisé le Moyen-Orient, à la fin de la Grande Guerre, créant des entités telles que la Turquie moderne et le Royaume saoudien, il n’y a pas eu de maison pour les Kurdes, un peuple à la dérive de l’histoire, tout comme pour les Palestiniens après la seconde Guerre mondiale. Lorsque les Palestiniens ont été expulsés et marginalisés, les Kurdes n’étaient plus qu’une épine dans le pied du géant turc jusqu’à ce qu’il soit temps pour la CIA de les utiliser contre Saddam.

Jusqu’alors, la CIA n’avait encore infiltré que les régions kurdes d’Iran, pour fomenter la discorde à la suite de la révolution islamique de 1979, qui allait contre les intérêts américains.

Israël a utilisé les Kurdes pour infiltrer l’Irak, espionner les programmes d’armements de Saddam et acheter leur place dans les tribus dissidentes qui joueraient un rôle clé quand Saddam serait parti. Était-ce Israël qui a manœuvré Saddam, en lui faisant passer l’approbation américaine pour son incursion au Koweït apparemment entièrement soutenue par Bush, tout au moins au début?

Était-ce l’un des événements annonciateurs où le serpent saoudien-israélien de pure manipulation a levé sa tête si laide ? Cela signifierait-il que la pénétration du Département d’État américain et de la CIA par l’alliance saoudienne-israélienne et turque a détourné la politique étrangère américaine ? Est-ce que la montée des néocons à la fin des années 1990 en était une autre ? Qu’en est-il du 11 septembre ?

La « situation » kurde d’aujourd’hui pourrait bien être simplement une « position de repli » avec la défaite imminente d’EI. Si Trump devait être contrôlé par une agence de renseignement étrangère, ne serait-ce pas plutôt celle d’Israël que celle de la Russie ? L’initiative étasunienne de pousser les Kurdes sur Deir Ezzor, en confrontation directe avec l’armée arabe syrienne et la Russie, n’est elle pas pour servir les intérêts israéliens ? Est-ce que l’effort de l’Arabie saoudite qui offre ses « bons offices » pour régler la fracture d’Erbil / Bagdad n’est pas aussi trop évident ?

Si les États-Unis de Trump sont, comme beaucoup l’estiment, un État client israélien-saoudien, un effort élargi de l’Arabie saoudite, d’Israël et des États-Unis pour utiliser un État kurde comme plate-forme pour des engagements contre l’Iran et une nouvelle forme de terrorisme dans toute la région n’est-il pas une certitude ?

La Turquie d’Erdogan insistera-t-elle pour son adhésion bloquée avec une Union européenne diminuée ou une alliance rivale sera-t-elle formée ? Est-ce qu’un Pakistan maintenant en conflit avec les États-Unis finira par rompre avec l’Arabie saoudite, reconnaissant le rôle de cette nation en Afghanistan et son impact négatif sur la sécurité pakistanaise ?

Lorsqu’on examine les intérêts nationaux et le contexte historique, ignorons-nous trop souvent la simple corruption, le chantage et le rôle que ces tactiques jouent maintenant sur la scène mondiale ?

Une grande partie de la « magie » derrière les succès d’État islamique est exactement cela, la corruption et le chantage, des commandants irakiens et syriens ou même des gouvernements entiers à Washington, Erbil et Ankara. Sans une plus grande « boîte à outils », le prochain référendum pourrait bien provoquer encore des massacres pour une génération, la dernière chose que les Kurdes veulent.

Gordon Duff

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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