L’hypocrisie des antifas

OPINION | The hypocrisy of antifa


Par Jonathan Turley – Le 29 août 2017 – Source thehill

L’Université de Californie à Berkeley a été à nouveau le lieu de scènes violentes récemment, alors que les manifestants réclamaient le droit de réduire au silence ceux avec lesquels ils ne sont pas d’accord. Leur lutte contre le fascisme a pris la forme non seulement d’une interruption de discours, mais aussi celle d’un assaut contre ceux qui sont venus l’écouter.

Pour ceux d’entre nous qui sont dans les universités et les collèges, ces contre-manifestants, et en particulier les manifestants antifas masqués, sont une présence perturbatrice, et en croissance, sur nos campus. Ils agressent les gens et bloquent les discours depuis des années avec relativement peu de condamnations. Ils prospèrent dans un environnement où toute critique est dénoncée comme reflétant des sentiments racistes ou fascistes.

Cependant, comme le montrent abondamment les dernières violences de Berkeley, il n’y a pas de distinction entre ces manifestants et les fascistes auxquels ils prétendent résister. Ils sont tous fascistes dans leur utilisation de la peur et de la violence pour faire taire les autres. Ce qui fait particulièrement froid dans le dos, c’est la façon dont certains universitaires ont donné une légitimité à ces atteintes à la liberté d’expression, à travers des rationalisations pseudo-philosophiques.

À Berkeley et dans d’autres universités, les manifestants ont brandi des slogans disant « Fuck Free Speech » [enc…lons la liberté d’expression] et menacé de frapper n’importe qui prenant leurs photos, y compris les journalistes. Ils semblent ignorer béatement la contradiction consistant à utiliser des tactiques fascistes en tant que manifestants antifascistes. Après tout, une définition dominante du fascisme est «une tendance au – ou un exercice réel du – contrôle autocratique ou dictatorial fort».

CNN a récemment interviewé des manifestants antifas qui prétendent que la violence est simplement la seule langue que leurs adversaires comprennent. L’organisateur de gauche Scott Crow a assumé des actions illégales et a déclaré que les militants antifas couvraient leur visage pour « éviter les conséquences de l’application de la loi ». Une telle logique violente est soutenue par certains professeurs.

La semaine dernière, le professeur Bart Knijnenburg de l’Université de Clemson a lancé, sur Facebook, une diatribe qualifiant les partisans de Trump et les membres du parti républicain  d’« escrocs racistes ». Il a ajouté : « J’admire quiconque se lève contre la suprématie blanche, violente ou non violente. Celle-ci doit cesser, par tous les moyens nécessaires. #PunchNazis ». Il n’est pas seul. Le professeur Johnny Williams, qui enseigne des cours sur la race, à Trinity College a posté des attaques contre les fanatiques sectaires et a appelé les gens à « les laisser crever ».

Ces voix vont au-delà du nombre troublant d’universitaires soutenant les discours politiquement corrects et la réduction de la liberté d’expression. Ce sont des chercheurs qui ont adopté l’antithèse de la vie et des valeurs du milieu universitaire. Ils justifient la violence pour faire taire ceux qui ne sont pas dignes d’être entendus. Le professeur Mark Bray, à Dartmouth, est l’auteur d’un livre intitulé Antifa: Le Manuel Antifasciste et l’un des principaux inspirateurs de ces manifestants. Bray définit Antifa comme « de la politique ou une activité d’auto-défense sociale révolutionnaire. C’est une politique radicale de gauche qui unit les communistes, les socialistes, les anarchistes et les différents partisans radicaux dans le but commun de lutter contre l’extrême-droite ».

Bray parle positivement de l’effort en vue de supplanter les vues traditionnelles sur la liberté d’expression : « Au cœur de la perspective antifasciste réside un rejet du discours libéral classique (…) qui dit : je désapprouve ce que tu dis, mais je défendrai jusqu’à la mort ton droit de le dire . » Il définit les antifascistes comme des illibéraux qui rejettent la notion selon laquelle les idées de l’extrême-droite méritent de coexister avec des vues opposées.

Bray dit que les manifestants ne « voient pas le fascisme ni la suprématie blanche comme un point de vue avec lequel ils ne sont pas d’accord en tant que différence d’opinion ». Leur but n’est pas la coexistence, ils veulent « mettre fin à leur politique ». Bray et d’autres universitaires libèrent les étudiants des limites posées par ce qu’ils considèrent comme la fausse « allégeance à la démocratie libérale ». Une fois libérée des valeurs de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques, la violence devient simplement de la politique par d’autres moyens.

Lorsqu’elle est poussée, la rationalisation par Bray du mouvement Antifa s’abîme rapidement dans le jargon intellectuel : « Il existe une certaine lunette politique – avec laquelle vous êtes d’accord ou non – disant qu’il y a un élément de continuité en terme des types de groupes ciblés. Je ne connais aucun événement du parti démocrate qui a été désorganisé ou arrêté par les antifascistes. Donc, il y a une lunette politique, les gens se méfient de ce qu’elle est, et de qui la conçoit, mais je ne pense pas que la pente glissante soit vraiment, en pratique, une réalité aussi préoccupante que les gens l’imaginent. »

Il n’y a pas besoin de « lunettes ». En fait, c’est le principe de la démocratie libérale tellement ignoré par Bray et ses adeptes braillards. Alors que Bray insiste sur le fait qu’il n’est pas favorable aux manifestations violentes, ni même à la liberté d’expression, il insiste sur le fait que c’est un devoir d’arrêter ceux qui menacent l’existence d’autrui et les protestations Antifa sont une forme « d’auto-défense communautaire ».

Ironiquement, Bray et d’autres ont utilisé la liberté intellectuelle de nos universités pour faire progresser le mouvement anti-intellectuel de notre histoire. Ils détruisent les institutions très académiques qui ont protégé leurs vues extrêmes. Tout comme le père de la bombe atomique, Robert Oppenheimer, a déclaré que « les physiciens ont connu le péché », le mouvement Antifa est le péché du milieu universitaire en abandonnant nos valeurs fondamentales.

Ces manifestants croient que l’histoire prouve les dangers de la liberté d’expression, et la nécessité de la nier à ceux qui en abuseraient. C’est un sentiment familier que « toute l’expérience (…) accumulée depuis plusieurs décennies nous enseigne (…) à priver les réactionnaires du droit à la parole et laisser ce droit seulement au peuple ». Ce sont les mots d’un autre anti-fasciste, chef du parti communiste chinois Mao Zedong.

Jonathan Turley est professeur de droit d’intérêt public à l’Université George Washington. Vous pouvez le suivre sur Twitter @JonathanTurley.

Traduit par jj, relu par Hervé pour la Saker Francophone

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