40 BRICS de plus dans le mur


Par Dmitry Orlov – Le 23 aout 2023 – Source Club Orlov

La conférence des BRICS qui se tient actuellement à Johannesburg a déjà produit quelques révélations étonnantes. D’une part, la part des échanges commerciaux entre les membres actuels des BRICS qui se font encore en dollars américains est tombée à moins d’un tiers ; d’autre part, pas moins de 40 pays sont à un stade ou à un autre de l’adhésion aux BRICS.

Il s’agit bien sûr de développements très positifs, mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir. À l’ordre du jour figure la tâche de remplacer le dollar américain en tant qu’étalon utilisé par tous pour fixer le prix des matières premières et d’autres produits, et de choisir une unité notionnelle neutre qui ne soit pas affectée par les taux de change, lesquels sont sujets à des manipulations politiques : lorsqu’un pays fait quelque chose qui ne plaît pas aux Washingtoniens, sa monnaie s’effondre rapidement. Les prix des produits exprimés dans la nouvelle unité notionnelle seraient soumis à l’offre, à la demande, au contenu en énergie et en main-d’œuvre et à d’autres considérations du monde réel, et non aux caprices des spéculateurs monétaires.

Une autre caractéristique essentielle de l’unité notionnelle, qui la distingue du dollar américain, est qu’elle ne peut être ni prêtée ni empruntée. Il s’agit simplement d’un mécanisme de fixation des prix. De plus, il n’y a pas de taux de change entre cette unité et les monnaies nationales que les spéculateurs peuvent manipuler – puisqu’il n’y a rien à échanger – et chaque pays est libre de fixer le prix de sa monnaie nationale en unités notionnelles comme il le souhaite, avec l’objectif de maintenir une balance commerciale nulle. Bien entendu, toute balance commerciale qui se développerait, qu’elle soit positive ou négative, devrait être couverte par un échange d’or ou, si la situation l’exige, être reportée ou annulée.

Une grande partie des discussions dans la presse occidentale n’aborde même pas ces questions, mais se concentre plutôt sur la question suivante

Quelle sera la nouvelle monnaie de réserve ?

Cela soulève évidemment la question suivante : “Pourquoi une monnaie de réserve ?” qui est également ignorée. Plus de cinq siècles d’impérialisme occidental ont appris aux Occidentaux à penser qu’il doit y avoir un chef : si ce n’est pas l’Espagne, c’est la Grande-Bretagne, et si ce n’est pas la Grande-Bretagne, ce sont les États-Unis.

Naturellement, ils pensent que le nouveau chef de file sera la Chine, sans tenir compte du fait que la Chine n’a aucun intérêt à jouer un quelconque rôle impérial. Mais si les pays se traitent d’égal à égal (comme les membres actuels et futurs des BRICS aimeraient beaucoup le faire), il n’y a aucune raison pour qu’un pays détienne en réserve de grandes quantités de la monnaie d’un autre pays, en particulier lorsque ces réserves

  1. sont soutenues par une montagne de dette fédérale américaine qu’il n’est pas prévu de rembourser et
  2. peuvent être confisquées à tout moment sans préavis si un pays ne suit pas les diktats de Washington.

Mais la question la plus importante est la suivante : Alors que les BRICS vont bientôt se tailler la part du lion dans l’économie, la capacité de production et les ressources physiques de la planète, qu’en sera-t-il de l’Occident ? Les États-Unis et l’Union européenne accusent des déficits commerciaux de l’ordre de mille milliards de dollars par an. Jusqu’à présent, ce déficit était comblé par la dette souveraine, en forçant les partenaires commerciaux à acheter des instruments de dette émis par les États-Unis et l’Union européenne. Mais comme le dollar américain (et son parent pauvre l’euro) n’est plus nécessaire au commerce international, comment ce déficit commercial va-t-il être financé ? En l’absence de commerce extérieur financé par la dette, les États-Unis et l’Union européenne, ainsi que leurs États et pays constitutifs, s’effondreraient rapidement sur le plan économique et politique.

Cela finira par arriver, mais à court terme, la tâche des BRICS consiste à organiser une transition en douceur jusqu’à ce que les États-Unis et l’UE soient trop affaiblis pour causer des dommages significatifs. Ce sera peut-être le principal sujet de discussion du prochain sommet des BRICS, qui se tiendra en octobre de l’année prochaine dans la belle ville moderne de Kazan, dans la République du Tatarstan (Fédération de Russie). Pour l’heure, l’organisation a fort à faire avec la définition de la nouvelle unité notionnelle qui remplacera le dollar américain en tant qu’étalon et avec l’acceptation de nouveaux membres.

Dmitry Orlov

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Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.

Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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