mais avec ce qu’il faut pour mettre le feu aux poudres (hein, Macron !) : la Constitution de 1958-1962…
Par Michel J. Cuny − Le 27 Novembre 2025

Tout ce que nous avons pu lire des débats qui ont eu lieu à la Chambre des députés au sujet de l’Indochine en 1930, rapporté à la situation actuelle, aussi bien de la Chine, du Vietnam que de la… Russie de Vladimir Poutine, nous porte à nous intéresser aux positions prises, en ce temps lointain, par le parti communiste français, qui s’exprime ici par la voix de l’un de ses principaux responsables : Marcel Cachin, qui était, par ailleurs, directeur du journal L’Humanité.
Nous le retrouvons à la tribune de la Chambre le 6 novembre 1930…
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63456316/f2.item.zoom
« Tout se passe comme si, dans les sphères dirigeantes de la politique présente, on recherchait un conflit avec l’Union des républiques socialistes soviétiques. » (page 3264)
« On va répétant que les Soviets tentent de noyer les producteurs de tous pays sous une avalanche d’importations à vil prix. Remarquez que, hier encore, on déclarait que la Russie était un pays totalement ruiné, affamé, à bout de souffle. Maintenant, on prétend que sa production est en état d’écraser tous les marchés européens, de les désorganiser. » (page 3264)
Aujourd’hui, ce coup de patte serait adressé à la Chine communiste, n’est-ce pas ?
Poursuivons…
« Cette exportation résulterait, dit M. Poincaré dans l’article auquel j’ai fait allusion, d’un « complot infernal ourdi contre la tranquillité des peuples ». » (page 3264)
Il s’agit, là, du président du Conseil…
« Le 3 octobre dernier, il a pris, sans consulter la Chambre, un décret édictant des mesures de contrôle pour l’importation de certaines marchandises originaires ou en provenance de l’U.R.S.S. » (page 3264)
« La guerre économique ainsi délibérément engagée n’est souvent que l’avant-coureur de la guerre tout court. Retenons de ce décret que l’importation de trois groupes de marchandises essentielles provenant de Russie est frappée de certaines conditions et obligations qui constituent une interdiction déguisée. Ce sont les céréales, et leurs dérivés, le lin et le bois. » (page 3264)
« […MJC] par votre décret vous voulez, en somme, rendre les Russes responsables de la chute des prix des produits agricoles pour essayer de détourner contre eux le mécontentement très réel des cultivateurs français. » (page 3264)
Or…
« Les blés danubiens, les blés hongrois et les blés roumains qui arrivent à Marseille y sont vendus moins cher que le blé russe. » (page 3264)
« […MJC] la quantité qui a été importée en France est très faible – quelques milliers de quintaux – beaucoup moindre que sous le tsarisme, inférieure de beaucoup plus d’un tiers à ce qu’elle était en 1913. » (page 3264)
« Au moment où la conférence impériale est réunie à Londres ; et, à cette conférence impériale, à laquelle assistent les représentants du Canada et de l’Australie, grands fournisseurs de blé, la question du dumping russe a été posée. Quelle a été la réponse de la conférence impériale ? C’est que lorsqu’on affirme que l’Union soviétique vend du blé à des prix désorganisant le marché, cette affirmation est contredite par la vérité. » (page 3264)
« Il est vrai que les Russes sont, à l’heure présente, de très grands producteurs de bois. Ils ont les plus grandes forêts de l’univers ; elles couvrent un milliard d’hectares. » (pages 3264-3265)
« [Cf. un article de la France forestière et industrielle.] Il y est dit que, profitant de l’absence sur le marché français des bois russes depuis dix années, la Finlande et les pays scandinaves ont envoyé dans notre pays, ainsi qu’en Angleterre, des quantités considérables de bois, avec des bénéfices et des superbénéfices qui – dit cette agence directe des grands marchands de bois français – se sont élevés à plus de deux milliards en dix ans. » (page 3265)
« Je comprends très bien l’origine de cette campagne contre le dumping du bois russe. Elle vient de Finlande et de Scandinavie. » (page 3265)
« L’auteur de l’article [évoqué plus haut, MJC] déclare que les prix de vente pratiqués à l’heure présente par les Russes en France et en Angleterre ne sont nullement inférieurs aux prix de revient. Il signale qu’en ce moment surtout la Russie a organisé et équipé supérieurement ses scieries en forêt, qu’elle a acquis les plus modernes machines de l’univers. Dans ces conditions, les importateurs de bois français protestent avec vigueur contre votre décret du 3 octobre. » (page 3265)
« De même, les Russes font entrer en France d’importantes quantités de lin. Ici encore, peut-il s’agir d’un dumping ? Je suis également très frappé de ce fait que ceux qui protestent le plus véhémentement contre votre décret du 3 octobre sont précisément les grands filateurs de lin du Nord ; ils déclarent qu’ils ont absolument besoin du lin russe. » (page 3265)
« Le dumping russe n’est qu’une fable. Cette campagne est une forme d’agression nouvelle contre la Russie soviétique. » (page 3265)
« Messieurs, je rappellerai, à ce sujet, une partie de l’article de M. Poincaré auquel je faisais allusion tout à l’heure. M. Poincaré affirme que, pour assurer leur exportation, les chefs bolcheviks russes font manquer leur peuple de vivres, de vêtements et de combustible, comme dans un pays en guerre. Or, je lis, dans un journal qui n’est pas bolchevik, un article écrit par un homme qui se proclame tout à fait anti-communiste, mais qui a le mérite de revenir de Russie, où il est allé voir ce qui se passait, et qui ne parle pas par ouï-dire lointain : M. Pierre Dominique. »
Ce rédacteur de la République écrit :
« M. Poincaré se plaint qu’en Russie on manque de vivres, de vêtements, de combustibles, comme dans un pays en guerre. Si pourtant je lui disais, moi, que les enfants russes sont mieux nourris que beaucoup de gosses français… »
Il a au moins le mérite d’y avoir été voir. » (page 3265)
Marcel Cachin poursuit la lecture de l’article de Pierre Dominique…
« Si je lui disais que, plus d’une fois, j’ai eu le sentiment d’être, moi, voyageur français, plus mal habillé que la foule russe du théâtre où je me trouvais, si je lui disais que, dans l’ensemble, les Russes sont, aujourd’hui, beaucoup plus heureux, ou, plus heureux que du temps de son cousin, compère et ami le tsar, est-ce que M. Poincaré me croirait ? » (page 3265)
« Ce nouvel assaut contre la Russie soviétique, qui arrive après bien d’autres, porte d’abord contre le monopole extérieur du commerce de la Russie ; il porte aussi contre la réalisation du plan de cinq années, qui se poursuit là-bas, je suis au regret de vous le dire, messieurs, avec un plein succès. » (page 3266)
« Pourquoi ? Parce que toutes deux [créations économiques du soviétisme], et cela se comprend, sont la négation même du capitalisme. Par elles, grâce à ces formes neuves de production et d’échange, l’Union soviétique réalise les premières applications du socialisme. » (page 3266)
« Le monopole du commerce extérieur tend à supprimer la spéculation d’une manière absolue. Il tend à supprimer les bénéfices des innombrables intermédiaires entre le producteur et le consommateur et si, aujourd’hui, le prix des marchandises au détail est si élevé, c’est, au moins pour une large part, en raison du pullulement de ces intermédiaires et de ces spéculateurs de tous ordres, que la Russie a réduits à l’impuissance. » (page 3266)
« Dès lors, il devient possible d’abaisser le prix des marchandises, tout en prélevant ce qui est nécessaire au développement ultérieur de la production, il est possible d’assurer l’accumulation nécessaire pour le développement de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. C’est un premier pas dans la marche au socialisme. » (page 3266)
« Puis, il y a le plan de cinq ans. Les Russes sont beaucoup trop réalistes pour ne pas comprendre que le moment est venu d’assurer dans leur pays une puissante industrialisation. Elle s’impose à tous les États d’avenir. C’est pourquoi ils ont conçu le projet grandiose de réaliser chez eux, au profit de l’industrie et de l’agriculture, les progrès qui sont déjà réalisés dans les grands pays les plus hautement évolués de l’Europe et de l’Amérique. » (page 3266)
N’oublions pas le krach boursier les 24 et 29 octobre 1929 à Wall Street était alors tout chaud…
« L’anarchie de la production, le dérèglement de la production, contre lesquels ils s’élèvent avec vigueur, ce sont précisément les tares les plus essentielles du régime du capital, et nous en voyons précisément aujourd’hui les résultats terribles. Nous constatons actuellement la désorganisation totale du marché international capitaliste. Nous constatons ses répercussions redoutables sur la classe ouvrière : le chômage, qui atteint dans tous les pays plus de 20 millions d’êtres humains. Et nous n’en sommes encore qu’au début ! » (page 3266)
« Voyez donc, sur toute la surface du globe, les millions d’ouvriers sans travail et de familles sans pain. Voilà ce que le marxisme avait prévu et ce que vous avez inutilement essayé de nier. » (page 3266)
« L’originalité de leur plan de cinq ans, c’est qu’il introduit le calcul, la prévision et l’ordre dans la production nationale. » (page 3266)
« […MJC] le ministre du commerce ne s’est pas contenté de prendre son décret. Il ne s’en est pas tenu à sa manifestation du 3 octobre. Il a demandé à ses collègues de tous pays, réunis à Genève en septembre dernier, de prendre la même décision vis-à-vis de la Russie. Depuis, il a entrepris un long voyage à travers les Balkans et l’Europe centrale pour grouper contre la Russie toutes les nations paysannes qui souffrent cruellement de la mévente de leurs produits. » (page 3266)
« Vous ne vous tenez pas pour satisfaits de réaliser contre la révolution russe un véritable blocus économique. » (page 3266)
« Toute la politique extérieure du Gouvernement français vis-à-vis de la Russie est dirigée vers une préparation de plus décisifs conflits. » (page 3266)
« Que dire maintenant de la propagande effrénée et parfois frénétique de toute la presse, qui ne cesse pas de s’exercer un seul jour dans ce pays contre l’Union soviétique ? Elle tend à soulever l’ensemble du pays contre la Russie des soviets, à créer un état d’esprit de guerre, une psychose de guerre contre la Russie. » (page 3267)
« Au début de l’existence de leur république, en 1919, vous avez envahi leur sol sans déclaration de guerre. Vaine tentative ! Lorsque vous essayerez à nouveau, vous n’aboutirez pas mieux, car déjà les Soviets sont beaucoup plus forts qu’ils ne le furent jamais. Depuis treize années, on répète ici et partout qu’ils sont à la veille de la chute, qu’ils agonisent, que leur autorité est anéantie, qu’ils vont être abattus par leur propre peuple affamé, exaspéré, dressé contre leur tyrannie. » (page 3267)
« Quand on prétend qu’ils ont l’intention de chercher dans la guerre une diversion à leurs difficultés intérieures, on profère la contre-vérité la plus odieuse. Ils n’ont rien à attendre de la guerre. Ils sont assurés, au contraire, si on les laisse travailler en paix, d’équiper, dans un nombre très restreint d’années, une indestructible économie socialiste. » (page 3267)
« Ils se défendent et se défendront contre toute agression, d’où qu’elle vienne. Lorsqu’ils seront attaqués, lorsque les excitations actuelles auront abouti à la guerre, il serait fou de penser que ce serait leur fin. Dans tout l’univers, les prolétaires, même socialistes, se rangeraient de leur côté. Il ne saurait échapper à personne que la guerre contre les Soviets serait le déclenchement de la guerre universelle, le déchaînement de la révolution. » (page 3267)
À bon entendeur…
Michel J. Cuny
N.B. Pour voir dans quel cadre général se range le présent travail, veuillez suivre ce lien… https://dejeanmoulinavladimirpoutin.wordpress.com/