Par Tim Bissel – Le 10 février 2016 – Source listverse
La CIA, l’agence de renseignement américaine a, selon de multiples rapports d’enquête des principaux médias et des organisations humanitaires, géré de nombreux sites noirs a travers le monde. Ces endroits, selon ces rapports, sont des prisons secrètes utilisées pour loger des prisonniers fantômes. Ceux qui sont envoyés dans ces endroits sont retenus captifs sans être accusés d’aucun crime et ne sont autorisés à aucune forme de défense légale.
Ces prisonniers fantômes font l’objet de ce que la CIA appelle interrogatoire tactique amélioré ; les autres appellent ça torture. La CIA et ses méthodes opératives comprennent la torture par noyade, privation de sommeil, humiliation, coups, chocs électriques, et bien pire. Ces prisons secrètes, parsemées au quatre coins du monde, sont sans doute les endroits les plus terrifiants sur terre.
10. Diego Garcia – Océan Indien
Diego Garcia est un atoll dans l’océan Indien à environ 1 600 km au sud de l’Inde et à 3 200 km à l’est de la Tanzanie. Le lieu est revendiqué par le Royaume-Uni comme faisant partie du territoire britannique de l’océan Indien.
Dans les années 1960 à 1970, le Royaume-Uni a déporté les autochtones vers l’île Maurice et les Seychelles pour permettre aux États-Unis de construire une grande base navale et militaire connue sous le nom de Camp Thunder Cove. L’installation est actuellement le lieu de résidence d’approximativement 4 000 militaires et entrepreneurs indépendants.
Même si le Royaume-Uni a longtemps prétendu que des prisonniers fantômes n’avaient pas été gardés à Diego Garcia, dans une interview de 2015 avec Vice News, Lawrence Wilkerson, l’ancien chef de cabinet du secrétaire d’État américain Colin Powell, a révélé que des terroristes suspects avaient été kidnappés et amenés à la base océane pour des interrogatoires spéciaux. Wilkerson a affirmé que ceci avait été fait par la CIA immédiatement après le 11 septembre.
9. Centre d’interrogatoires de Temara – Maroc
Le Centre d’interrogatoires de Temara se trouve en forêt, à 14 km de Rabat au Maroc. Cette installation est dirigée par une unité du gouvernement marocain connue sous le nom de Directorat pour la surveillance du territoire (DST).
En 2003, le Maroc a été examiné par le comité des Nations-Unies contre la torture. Les Nations-Unies ont étudié les preuves présentées par le gouvernement marocain, au même titre qu’Amnesty International. Leur trouvaille fut que, même si les droits de l’homme se sont en général améliorés au Maroc ces dernière années, il y avait aussi une augmentation des cas de torture dans ce pays nord-africain.
En 2004, Amnesty International a affirmé que le DST est un lieu d’abus flagrants et récurrents contre les droits humains et que beaucoup de ces délits se produisent à Temara. Le rapport d’Amnesty International expose que les interrogateurs marocains ont régulièrement battu, humilié, électrocuté, brûlé et noyé des détenus à Temara. Le but prétendu des bourreaux du DST était d’obtenir des détenus des confessions ou des informations, ou de leur faire signer ou apposer leurs empreintes sur des documents (dont le détenu peut n’avoir aucune idée du contenu).
En 2010, Associated Press a rapporté que plusieurs responsables américains avaient confirmé que l’établissement était tenu par les Marocains mais était financé par la CIA. Le Maroc nie officiellement l’existence de l’installation.
8. Aéroport Mihail Kogalniceanu – Roumanie
L’aéroport Mihail Kogalniceanu est l’aéroport principal du sud de la région appelée Dobroudja,[la façade de la Roumanie sur la mer Noire, NdT] situé à un jet de pierre d’une station touristique sur la côte de la mer Noire. En 2015, l’aéroport a géré 2 227 vols impliquant plus de 63 000 passagers. Cependant, certains ont dit qu’une partie de ces vols étaient utilisés pour le trafic de prisonniers fantômes depuis et vers une prison secrète dans les locaux de l’aéroport.
La Roumanie prétend que l’aéroport Mihail Kogalniceanu est seulement utilisé comme point de transfert pour des prisonniers de la CIA et non pour des détentions réelles ou des interrogatoires. Cependant, en 2008, USA Today citait un responsable roumain anonyme qui déclarait que la portion militaire de l’aéroport contenait trois bâtiments strictement interdits aux fonctionnaires roumains, mais fréquentés par des agents américains.
Des preuves supplémentaires impliquant le rôle de la CIA dans les détentions à l’aéroport sont apparues en 2010 quand Der Spiegel a annoncé que le système de surveillance satellite Onyx des services secrets suisses avait intercepté un fax entre le ministre des Affaires étrangères égyptien et son ambassadeur à Londres. Le communiqué décrivait la détention de 23 captifs irakiens et afghans dans cet aéroport.
7. Site de détention Green – Thaïlande
La Thaïlande nie l’existence d’un quelconque site noir sur son territoire, malgré les nombreux rapports décrivant le mystérieux site de détention Green et son emplacement sous-entendu juste à l’extérieur de Bangkok ou quelque part dans la province du nord Udon Thani.
Selon The Guardian, en 2009, la CIA elle-même a confirmé qu’ils avaient détruits 92 bandes enregistrées d’interviews avec des personnes suspectées de terrorisme, filmés quelque part en Thaïlande. Le rapport disait aussi que le site Green était un genre d’expérimentation, où la CIA affûterait les noyades et autres techniques d’interrogatoire améliorées pour être ensuite utilisées dans le plus grand site européen que l’agence va construire.
L’un des cobayes de la CIA a été un Saoudien capturé au Pakistan en 2002. Abu Zubaydah aurait été si sévèrement noyé que des bulles apparaissent quand il a la bouche ouverte. Abdal-Rahim al-Nashiri, le cerveau supposé de l’attentat de l’USS Cole (destroyer américain), aurait lui aussi été détenu au site Green. Les rapports disent que lui aussi a été noyé, en plus d’avoir été menacé de sodomie.
6. Camp Lemonnier – Djibouti
Djibouti est un emplacement hautement stratégique pour les militaires américains, premièrement à cause de sa proximité avec les zones rouges de terrorisme comme la Somalie et le Yémen, mais aussi à cause du golfe d’Aden plein de pirates. Situé à l’aéroport international d’Ambouli à Djibouti, le camp Lemonnier est une base navale américaine d’expédition. Officiellement, c’est la résidence de la Combined Joint Task Force – Horn of Africa» (Groupe de forces interarmées multinationales – Corne de l’Afrique, CJTF-HOA) une unité de combat américaine qui a été mobilisée durant l’opération Enduring Freedom ou guerre contre le terrorisme.
Officieusement, selon un rapport de 2014 d’Al Jazeera America, le camp Lemonnier de Djibouti est aussi un site noir de la CIA qui a vu passer des douzaines de suspects détenus secrètement, interrogés et torturés. Le rapport explique aussi que le site a été utilisé dernièrement en 2012 par l’administration Obama, même si le président Obama a signé un ordre exécutif en 2009 qui bannissait l’utilisation des sites noirs par la CIA.
En 2015, le magazine The Intercept a révélé des prises de vues aériennes du camp Lemonnier montrant comment la base, qui est un point crucial de décollage des drones Reaper et Predator, a été régulièrement étendue.
5. Antaviliai – Lituanie
A moins de 16 km de Vilnius, capitale de la Lituanie, dans le village d’Antaviliai, se trouve une mystérieuse ancienne école d’équitation. Selon le journal The Washington Post, l’école a été convertie en prison par la CIA en 2004. Le rapport poursuit en disant que le site a servi pour interroger les suspects d’al-Qaida capturés en Afghanistan.
La propriété a été achetée en 2004 par Elite LLC, une entreprise enregistrée à Washington, DC. Des gens du pays ont raconté avoir vu des entrepreneurs américains creuser autour de la propriété, créant ce qu’ils pensent être un complexe sous-terrain au-dessous du bâtiment. En 2009, des agents anonymes des renseignements ont dit à ABC News que le site à Antaviliai était opérationnel depuis plus d’un an et que, durant cette période, il enfermait au moins 8 terroristes suspects dans ses murs. En 2007, Elite LLC a vendu la propriété au gouvernement lituanien puis a disparu. Depuis lors, le site est utilisé pour l’entraînement des services de sécurité de l’état lituanien.
4. Destroyer USS Ashland – Différents lieux
En 2008, The Guardian a rapporté que l’organisme de défense des droits humains Reprieve, qui déclare que les USA ont admis retenir au moins 26 000 personnes dans des prisons secrètes, a découvert que les USA avaient une flotte de prisons flottantes qui parcourt le globe. Les recherches de l’ONG de défense des droits de l’homme Reprieve montrent qu’au moins 17 navires de guerre sont utilisés comme site noirs de la CIA.
Parmi ces navires, il y a le destroyer USS Ashland, un bâtiment militaire de transport de chalands de débarquement de la classe des Whidbay Island, qui jauge 16 000 tonnes pour 186 m de long. L’USS Ashland abrite 500 Marines américains à bord. Reprieve pense que ce navire est en lien avec une série de kidnappings dirigés par les forces somaliennes, kényanes et éthiopiennes aux alentours de 2007.
The Guardian dit aussi que les États-Unis ont précédemment admis que l’USS Bataan et l’USS Peleliu étaient aussi utilisés comme bateaux prisons entre 2001 et 2002.
John Walker Lindh, alias le Taliban américain, est un des détenus les plus connus à avoir navigué sur la flotte de prisons secrètes des États-Unis.
3. Stare Kiejkuty – Pologne
Stare Kiejkuty est une zone militaire interdite dans le nord-est de la Pologne qui a été un poste Nazi SS lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1970, la zone servait à des officiers des services secrets polonais, malgré les cartes qui montraient ce site comme un centre de vacances.
En 2008, une source des services secrets polonais a révélé à la BBC que les installations de Stare Kiejkuty servaient à la CIA pour interroger des détenus de grande valeur. La BBC rapporte que Khalid Sheikh Mohammed, le prétendu architecte des attaques du 11 septembre, a été interrogé en Pologne, entre autres endroits.
En 2014, l’ancien président polonais Alexander Kwasniewski a confirmé avoir conclu des accords avec les États-Unis pour permettre à la CIA d’installer des sites noirs en Pologne durant son mandat entre 1995 et 2005. Kwasniewski a déclaré qu’un mémo américain l’avait informé que des détenus seraient traités comme des prisonniers de guerre à qui seraient accordés les droits reconnus internationalement qui découlent de cette désignation. Les sources qui ont parlé à la BBC disent que le président polonais n’avait certainement aucune idée de ce qui se passait réellement à la base Stare Kiejkuty.
2. Le «trou de sel» – Afghanistan
Le trou de sel (salt pit), connu aussi sous le nom Cobalt, est une ancienne fabrique de briques située au nord de Kaboul, en Afghanistan. En 2002, l’endroit fut converti en un centre de détention par la CIA, qui avait prévu plus de 200 000 dollars pour sa construction.
En 2012, The Daily Beast a décrit le trou de sel comme un «donjon sadique de la CIA» dans un article qui a mis en exergue un fort taux de morts généré sur le site. Le 20 novembre 2002, Gul Rahman est mort d’hypothermie après avoir été battu, mis à nu et enchaîné au sol pendant une nuit glaciale.
En 2014, le gouvernement américain a déclassé un rapport du Sénat sur le programme de détention et d’interrogatoire de la CIA. Ce rapport montrait qu’aucun officier de la CIA n’avait jamais été accusé de meurtre en relation avec la mort de Rahman. Au lieu de quoi, cinq mois après sa mort, l’officier en chef de la CIA qui avait ordonné que Rahman soit enchaîné s’est vu offrir 2 500 dollars de bonus pour «travail constamment de qualité».
Sur les 119 détenus identifiés dans le rapport du Sénat américain sur la torture, quasiment la moitié était détenus au trou de sel.
1. Camp Eagle – Bosnie-Herzégovine
En 2005, deux Bosniaques, Nihad Karsic et Almin Harbeus, ont parlé à la télévision BHTV de leur épreuve au Camp Eagle, près de Tuzla, proche de la frontière bosniaque et serbe. Les deux hommes ont déclaré avoir été violemment kidnappés par des soldats bosniaques, qui les accusaient alors d’être des terroristes.
À Camp Eagle, une ancienne base aérienne yougoslave, les deux hommes ont été battus et harcelés par des soldats avant d’être interrogés par des Américains en habits civils. Les hommes ont expliqué qu’ils avaient été finalement relâchés et s’étaient vu offrir 500 dollars chacun en compensation. Ils ont dit aussi qu’ils avaient été menacés et interdits de parler publiquement de ce qui leur était arrivé.
Selon la BBC, en 2006, une enquête suisse sur les sites noirs de la CIA a cité la Bosnie comme l’un des nombreux pays qui s’est associé à la CIA pour retenir secrètement des suspects terroristes, au même titre que l’Italie, la Suède et la Macédoine. Ce même rapport citait l’Espagne, la Turquie, l’Allemagne et Chypre comme étant des points relais, et l’Angleterre, l’Irlande et la Grèce comme des escales pour les détenus envoyés sur des sites noirs comme Camp Eagle.
Tim Bissel
Tim Bissell est un écrivain et un chercheur qui travaille pour l’industrie télévisuelle canadienne. Il écrit aussi pour des publications internet comme OZY et Bloody Elbow. Suivez-le sur @timothybissell.
Traduit par Poolan Devi, relu par Ludovic pour le Saker Francophone
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