Les alliés des Etats-Unis sont prêts à partager avec eux la responsabilité de l’attaque de Deir Ezzor

Moon of Alabama

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Le 19 septembre 2016 – Source Moon of Alabama

Les États-Unis tentent de se décharger d’une partie de la responsabilité de leur soutien aérien à ISIS contre l’armée arabe syrienne à Deir Ezzor.

Les faits, qui ne sont pas démentis par les États-Unis, ont été révélés par l’armée russe, dans une déclaration qui a fait suite à l’incident de samedi :

«Aujourd’hui, à 17: 00-17: 50, heure de Moscou, la coalition internationale anti-Daesh (deux F-16 et deux A-10 jets) a effectué quatre frappes sur les unités syriennes forces gouvernementales encerclées par Daesh près de l’aéroport de Deir ez-Zor. L’appareil de la coalition est entré dans l’espace aérien syrien depuis la frontière irakienne», a déclaré le Major Général Igor Konashenkov.

[…]

Soixante-deux soldats syriens ont été tués et environ 100 autres ont été blessés, selon les informations fournies par le commandement syrien de Deir ez-Zor.

Le gouvernement syrien vient de déclarer qu’en fait environ 82 soldats ont été tués dans l’attaque qui a également détruit trois chars T-72, 3 véhicules de combat d’infanterie, un canon anti-aérien et au moins 4 mortiers. Après l’attaque aérienne, les troupes d’État islamique ont pris d’assaut la position du gouvernement syrien sur la colline de Jabal Thardeh. Elles sont maintenant en mesure d’attaquer l’aéroport de Deir Ezzor, la seule ligne d’approvisionnement de la ville assiégée par ISIS et où 150 000 civils vivent sous la protection du gouvernement.

Nous notons que ce n’est pas la première attaque des États-Unis contre les forces du gouvernement syrien à Deir Ezzor. En décembre dernier, trois soldats syriens ont été tués dans un raid aérien. En juin une attaque aérienne américaine sur Manbij a tué une centaine de civils. Aucune attaque étasunienne sur une cible d’ISIS en Syrie n’a jamais fait autant de victimes.

Maintenant, le blâme doit être partagé.

Dimanche matin, l’Australie s’est empressée de prétendre que ses jets avaient pris part à l’attaque :

Des avions australiens ont été impliqués dans une opération de la coalition menée par les États-Unis, qui a tué des dizaines de soldats syriens stationnés près du fief oriental d’ISIS de Deir Ezzor, a confirmé le Département de la Défense de l’Australie.

[…]

«Des avions australiens faisaient partie des avions internationaux qui ont pris part à cette opération de la coalition», a déclaré le ministère de la Défense dans un communiqué.

Dimanche soir, les Danois leur ont emboîté le pas :

«Deux [avions de chasse] danois F-16 ont participé à ces attaques avec les avions d’autres nations. Les frappes ont été stoppées dès que le camp russe a indiqué que les positions de l’armée syrienne avaient été touchées», a déclaré l’autorité de commandement militaire des forces armées danoises dans un communiqué publié dimanche.

Ce matin, le correspondant de la défense de la BBC a dit que le Royaume-Uni était également coupable :

Jonathan Beale @bealejonathan

BBC comprend @RoyalAirForce des jets anglais pourraient avoir été impliqués dans les bombardements en Syrie qui ont tué 60 + soldats syriens.

Quatre avions ont attaqué et quatre forces aériennes prétendent avoir fait partie de l’attaque ? Ce n’est ni crédible, ni réaliste.

Seuls les États-Unis utilisent des avions d’attaque A-10. Ni l’Angleterre, ni l’Australie, ne possèdent ni n’utilisent des chasseurs F-16. Quant à l’aviation danoise, elle a bien déployé des F-16 au Moyen-Orient, mais ces avions n’opèrent qu’en Irak, pas en Syrie :

Le Danemark va envoyer sept avions de chasse F-16 pour aider à combattre les militants d’IS en Irak, a déclaré vendredi la première ministre Helle Thorning-Schmidt.

«Je suis très heureuse qu’il y ait maintenant une large coalition, incluant les pays de la région qui veulent […] contribuer», a-t-elle dit lors d’une conférence de presse, ajoutant que les avions de chasse danois ne se joindraient aux avions américains pour bombarder des cibles en Syrie.

En outre, l’armée syrienne a déclaré que les avions sont arrivés d’Erbil qui est situé dans la zone kurde du nord de l’Irak. Il n’y a que les États-Unis qui utilisent la base d’Erbil pour leurs avions de chasse.

Il est évident que quelqu’un d’un commandement étasunien a téléphoné aux alliés américains et leur a demandé d’avoir la gentillesse de partager la responsabilité d’avoir offert par erreur un soutien aérien à l’attaque au sol d’ISIS : «Si tout le monde est coupable, personne n’est coupable et personne ne sera puni.»

Un film tiré d’un livre célèbre illustre cette tactique :

En avançant dans son enquête, Poirot découvre que tout le monde dans le compartiment avait un lien avec la famille Armstrong et, par conséquent, avait un mobile pour tuer Cassetti. Poirot propose deux solutions possibles […] La première solution est qu’un étranger soit monté à bord du train et ait assassiné Cassetti. La seconde est que les 13 personnes du compartiment se soient entendues pour assassiner Cassetti qui avait échappé à la justice des États-Unis. Poirot admet que la comtesse Helena Andrenyi n’a pas pris part au meurtre, de sorte que les meurtriers, au nombre de 12, constituent une sorte de jury auto-proclamé. Mme Hubbard reconnait que la deuxième solution est la bonne.

Les États-Unis disent que quelque 67 nations ont rejoint leur «coalition» contre ISIS. Huit alliés américains supplémentaires admettront bientôt que leurs avions ont également pris part au raid : «Le Cessna de Micronésie aussi ?».

Plus il y a de monde qui revendique un crime, moins le vrai coupable a de chance d’être condamné. Ce nouveau Crime de l’Orient-Express restera impuni.

Le cessez-le feu en Syrie est en train de se déliter. Les États-Unis n’ont pas rempli leur promesse de séparer leurs forces par procuration, les rebelles modérés, d’al-Qaïda. Aucun écran de fumée de lamentation sur l’accès humanitaire ne peut changer cette réalité.

Les aviations russe et syrienne vont bientôt se remettre au travail. Les soldats de la coalition des États-Unis en Syrie feraient bien de surveiller le ciel. Si les États-Unis et leurs alliés peuvent faire des «erreurs», comme à Deir Ezzor, les opérations d’autres acteurs ne sont pas non plus à l’abri des imperfections.

Traduction : Marie Staels

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