L’Autriche, bientôt allié principal d’Israël en Europe?


Par Andrew Korybko – Le 30 novembre 2018 – Source orientalreview.org

andrew-korybkoLe ministre autrichien des affaires étrangères fustige l’UE, qui applique selon elle des politiques « trop strictes » envers Israël.

Karin Kneissl a ajouté que son pays allait prendre la tête du peloton pour « apporter du réalisme » dans les liens du bloc [européen, NdT] avec Tel Aviv, et soutenu qu’« on exige souvent des standards plus élevés de la part d’Israël que pour les autres pays ». La diplomate a de bonnes raisons personnelles et politiques de se positionner comme champion d’Israël pour l’UE. En premier chef, elle aimerait bien qu’Israël lève le boycott qu’il a institué contre elle en raison de son affiliation au Freedom Party, accusé d’antisémitisme à cause de ses racines nazies. Et en second, Vienne se voit comme un pôle d’influence à part, dans l’UE fracturée post-Brexit, en particulier dans l’espace des « trois mers », qui recouvre l’Europe centrale et orientale, et qui constitua par le passé le domaine impérial autrichien.

Adam Garrie, analyste en géopolitique, a mis en évidence courant 2018 les manœuvres de séduction d’Israël en cours vers les pays de cette région, et en parallèle des tentatives de charme similaires de la part de l’Iran dans les autres pays d’Europe, et il s’agit d’une tendance qui s’inscrit à présent dans la durée. Les États d’Europe occidentale ont une influence beaucoup plus importante sur l’UE que les autres, et c’est leur positionnement envers Israël qui est devenu celui du bloc. Ces mêmes pays tentent à présent à tout prix de sauver l’accord nucléaire iranien, et s’autorisent de temps à autre une critique d’Israël pour ses implantations de colonies illégales en Cisjordanie ; cependant que les pays d’Europe centrale et orientale gardent habituellement le silence face à ces actions. En conséquence, l’Autriche a considéré comme approprié de se positionner comme lobbyiste en chef d’Israël sur le continent.

Bien que se targuant de constituer un pays « neutre » à l’image de la Suisse, l’Autriche parie sur le fait que son orientation vers Israël lui donnera un poids diplomatique supérieur à celui de la taille du pays, si elle réussit à enrayer les critiques du bloc européen envers l’« État hébreu » et à mettre un frein aux groupes BDS [Boycott–Désinvestissement–Sanctions], que Tel Aviv accuse l’UE de financer. En parallèle, il est à noter que le chancelier autrichien a rencontré George Soros le week-end dernier, pour discuter d’un déménagement de l’« université d’Europe centrale » du bailleur de fonds des révolutions de couleurs de Budapest (sa ville natale) vers Vienne ; dans l’optique d’offrir l’« asile » au projet fétiche du milliardaire, qui se positionne en victime d’« antisémitisme ».

Karin Kneissl, la ministre des Affaires étrangères autrichienne

 

Dernier point, mais non des moindres, c’est l’Autriche qui assure actuellement la présidence tournante semestrielle de l’UE, jusque fin 2018, si bien que Vienne joue la montre pour influencer l’orientation du bloc européen vers une politique plus favorable à Israël dès 2019 ; politique qui s’alignerait tout à fait sur celle des USA. Mais comme pour toute réorientation politique, le chemin est semé d’embûches, et les résistances pourraient être importantes de la part des dirigeants des pays d’Europe occidentale : le risque existe que ces actions viennent encore creuser un peu plus les fractures entre Ouest et Est européens. En fin de compte, l’ironie est grande, quelle qu’en soit l’issue, que le pays qui vit naître Adolf Hitler se positionne à présent comme principal allié européen d’Israël.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 23 novembre 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

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