La guerre médiatique contre les reportages véridiques et les opinions légitimes


Par Moon of Alabama  Le 21 avril 2018

« Très tôt dans la vie j’ai pris conscience qu’aucun événement n’est jamais correctement reporté dans un journal, mais en Espagne, pour la première fois, j’ai vu des articles de journaux qui n’avaient aucun rapport avec les faits, pas même la relation implicite à tout mensonge ordinaire. J’y ai lu de grandes batailles quand il n’y avait pas eu de combats, et un silence complet quand des centaines d’hommes avaient été tués. J’ai vu des soldats qui s’étaient battus courageusement dénoncés comme lâches et traîtres, et d’autres qui n’avaient jamais vu un coup de feu salués comme les héros de victoires imaginaires ; et j’ai vu des journaux de Londres vendre au détail ces mensonges et être suivis par des intellectuels enthousiastes qui construisent des superstructures émotionnelles sur des événements qui n’ont jamais eu lieu. J’ai vu, en fait, l’histoire s’écrire non pas en termes de ce qui s’est passé, mais de ce qui aurait dû se passer selon les différentes lignes du parti’. »

George Orwell, Regard sur la guerre d’Espagne, Chapitre 4

La semaine dernière, on a assisté à une intensification extrême de la campagne menée par les habituels bellicistes contre des individus qui défendent publiquement un point de vue différent de celui que le pouvoir veut promouvoir. Cette campagne ne date pas d’hier, mais elle est en train de prendre une tournure personnelle. Elle met aujourd’hui en danger la vie et les moyens de subsistance de personnes réelles.

À l’automne 2016, une campagne de diffamation a été lancée contre 200 sites Web qui ne validaient pas la propagande de l’OTAN. Des sites importants comme Naked Capitalism en faisaient partie, de même que Moon of Alabama :

Ce site Web, MoonofAlabama.org, est maintenant répertorié comme une « succursale de la propagande russe » par un certain « Friendly Neighborhood Propaganda Identification Service » totalement anonyme, aligné sur l’OTAN et promu par le Washington Post. Les tacherons qui travaillent sur cette liste de censure surveillent aussi notre compte Twitter de « propagande russe », @MoonofA

Chaque chose en son temps ! La succursale russe de propagande YYY @MoonofA YYY est notre première cible importante =)

Alors que la campagne ProPornOT ne s’en prenait qu’aux sites Web, cette nouvelle attaque est plus forte et utilise l’attaque diffamatoire contre des contenus ou des personne spécifiques.

La néoconservatrice Alliance For Securing Democracy a déclaré que tout doute sur la véracité des articles de propagande américains discutés sur Twitter faisait partie d’une « campagne d’influence russe ». Leur « tableau de bord » montre les hashtags et les thèmes les plus importants tweetés et retweetés par quelque 600 comptes sélectionnés manuellement mais non divulgués. (J’ai des raisons de croire que @MoonofA est parmi eux.) Ce fameux tableau de bord montre une ligne sans fin d’articles venant de la presse grand public simulant des inquiétudes au sujet d’une prétendue « influence russe ». Le New York Times a publié plusieurs articles de ce genre, dont celui-ci :

« La Russie n’a pas réagi militairement à la frappe de vendredi, mais les responsables américains ont noté une forte hausse de l’activité russe en ligne au moment où celle-ci était lancée.

Selon Tyler Q. Houlton, porte-parole du ministère de la Sécurité intérieure, un cliché de l’activité de ce vendredi soir révèle une augmentation de 2 000 % de l’activité moyenne des trolls russes. Un bot russe connu, #SyriaStrikes, a connu une augmentation d’activité de 4.443% tandis qu’un autre, #Damsucs, a connu un saut de 2.800%. »

Une personne sur Twitter, ou un bot, a le signe @ placé devant son nom. Tout ce qui est précédé d’un signe # est un hashtag, un attribut qui catégorise un lieu, un texte ou un tweet. Les hashtags n’ont rien à voir avec une quelconque « activité de troll ». L’utilisation de l’attribut, ou hashtag, #syriastrike a augmenté de façon spectaculaire lorsqu’une attaque des États-Unis contre la Syrie a eu lieu. Oh mon Dieu. Beaucoup de gens ont fait des commentaires sur les frappes en utilisant le hashtag #syriastrike pour catégoriser leurs remarques. Cela permet à d’autres personnes de trouver plus facilement des informations sur le sujet.

Le hashtag #Damsucs n’existe pas. Comment pourrait-il connaître une augmentation de 2 800 % ?  C’est évidemment une faute de frappe venant de #Damascus ou quelqu’un peut l’avoir utilisé pour blaguer. En juin 2013, un article de l’Associated Press a attiré l’attention car il était écrit « Damsucs » en en-tête. La ville était alors sous le feu d’artillerie de divers groupes Takfiris. L’auteur a probablement eu l’impression que la situation « sucks ».

Le porte-parole du Département à la sécurité intérieure, Tyler Q. Holton, auquel le Times attribue ces absurdités à propos de « bot », a un compte Twitter sous son nom et tweete aussi sous le pseudo @SpoxDHS. Peter Baker, l’auteur de l’article du New York Times, a 150 000 adeptes sur Twitter et tweete plusieurs fois par jour. Holton et Tyler savent sûrement différencier @accounts et #hashtags.

On soupçonne Holton d’avoir utilisé les statistiques bizarres de l’infâme tableau de bord créé par le lobby néoconservateur et russophobe. Les créateurs du tableau de bord affirment que l’utilisation de certains hashtags est un signe de  « bots russes ». D’ailleurs, le 25 décembre ce tableau de bord montrait une augmentation de l’activité du hashtag #MerryChristmas par des trolls et des bots russes, tout cela pour saper le moral de l’Amérique bien sûr.

L’un des créateurs du tableau de bord, Clint Watts, a depuis lors avoué qu’il ne s’agissait que de conneries :

« Je ne suis pas convaincu par ce truc de bot », a déclaré Watts, le cofondateur d’un projet qui est largement cité comme la principale, sinon la seule, source d’information sur les bots russes. Il a également qualifié cette histoire « d’exagérée ».

En tant que porte-parole du gouvernement, Holton est censé propager la propagande qui soutient la politique gouvernementale. Mais la propagande est inefficace lorsqu’elle ne colle pas aux réalités les plus évidentes. Holton est mauvais dans son travail. Baker, l’auteur du N.Y.T., fait encore pire. Il a répété les conneries de propagande du gouvernement sans souligner ni expliquer que cela n’a manifestement aucun sens. Il s’en est servi pour approfondir son propre récit, faux et fondéx sur ses opinions. Il a fallu attendre le lendemain pour que le Times publie une correction de ce conte à dormir debout.

Avec le développement de la situation en Syrie en faveur du peuple syrien, les revendications douteuses du gouvernement autour de l’affaire Skripal et la récente « attaque chimique » montée de toutes pièces à Douma, les attaques contre les articles et opinions dissidents sont en train de devenir de plus en plus personnelles.

En décembre dernier, le Guardian lancé une attaque contre Vanessa Beeley et Eva Bartlett. Beeley et Bartlett ont fait de nombreux reportages depuis le terrain syrien sur le groupe de propagande « Casques Blancs », financé par les Britanniques. L’article du Guardian défendait les « héros » que sont ces Casques blancs et insinuait que les deux journalistes n’étaient que des imbéciles payées par la Russie.

En mars, le lanceur d’alerte autoproclamé et si fier de lui, Sibel Edmonds de Newsbud, a lancé une attaque diffamatoire contre Vanessa Beeley et Eva Bartlett. Le Rapport Corbett a démystifié (vid) l’absurdité. (La démystification a été vue plus de 59 000 fois. Le délire public d’Edmonds a été vu par moins de 23 000 personnes.)

Il y a quelque temps, les succursales de propagande de la CIA que sont Voice of America et Radio Free Europe ont lancé un site Web de « vérification des faits » et l’ont nommé Polygraph.info. (Un satiriste ou un stagiaire ignorant a dû trouver ce nom. Aucun pays, sauf les États-Unis, ne croit plus que les résultats non scientifiques sortis des tests polygraphiques aient une quelconque véracité. Pour tout citoyen non américain éduqué, la première association avec le terme « polygraphe » est le terme « faux ».)

Le 4 avril, le fameux Polygraphe a écrit un article diffamatoire contre le compte Twitter Ian56 (@Ian56789). Son titre était : Disinfo News : Doing the Kremlin’s Work : A Fake Twitter Troll Pushes Many Opinions [Au service du Kremlin, un faux troll twitter répand de nombreuses opinions] :

Ben Nimmo, un responsable à la Défense Informationnelle au Digital Forensic Research Lab de l’Atlantic council, a étudié les exploits de « Ian56 » et autres comptes similaires sur Twitter. Son récent article dans la publication en ligne Medium dresse le profil de ces faux comptes pro-Kremlin et montre comment ils fonctionnent.

Nimmo, et quelques autres imbéciles cités dans l’article, sont arrivés à la conclusion que Ian56 est un troll payé par le Kremlin, et non une personne qui tweete pour elle. Aux côtés de Ian56 Nimmo a « identifié »d’autres comptes « trolls russes » :

Ben Nimmo @benimmo − 10:50 UTC – 24 mars 2018

Un retweeter particulièrement influent (à en juger par le nombre de comptes qui l’ont ensuite retweeté) était @ValLisitsa, qui publie en anglais et en russe. L’an dernier, ce compte s’est joint à la campagne de l’usine à trolls #StopMorganLie.

L’employeur de Nimmo, l’Atlantic Council, est une association d’entreprises qui vivent de la guerre.

Si Nimmo, ancien porte-parole de l’OTAN, avait reçu une instruction correcte, il aurait su que Valentina Lisitsa est une célèbre pianiste américano-ukrainienne. Oui, elle envoie parfois des tweets en russe à ses nombreux fans en Russie et en Ukraine. Est-ce un crime ? Les vidéos de ses performances sur YouTube ont plus de 170 millions de vues. Il est absurde de prétendre qu’elle est un « troll russe » et d’insinuer qu’elle se fait payer par le Kremlin pour faire avancer les opinions des « trolls russes ».

Plus tôt ce mois-ci, Newsweek a également ciblé les journalistes Beeley et Bartlett et a sali un groupe de personnes qui s’étaient rendues en Syrie en les traitant de « pions d’Assad ».

Le 14 avril, le London Times de Murdoch a pris pour cible les membres d’un groupe d’universitaires britanniques réunis pour enquêter scientifiquement sur des allégations douteuses contre la Syrie. Leur premier rapport d’enquête concernait l’incident de Skripal à Salisbury. Le London Times a également ciblé Bartlett et Beeley. L’article s’étalait sur la première page avec le titre : « Apologists for Assad working in universities » [Des apologistes d’Assad travaillent dans les universités]. Une deuxième page et un éditorial complétaient cette attaque contre les moyens de subsistance de ces scientifiques.

Tim Hayward, l’initiateur de ce groupe académique, a publié une réponse (trop) légère.

Le 18 avril, la chaîne de la National Public Radio, Wabenews, a diffamé les militants noirs Anoa Changa et Eugene Puryear pour leur apparition sur une chaîne de télévision russe. C’était le début d’une campagne continue et bien concertée, lancée avec au moins sept importants articles diffamatoires publiés en une seule journée contre l’opposition à une intensification de la guerre contre la Syrie.

Le 19 avril, la BBC a pris pour cible Sarah Abdallah, un compte Twitter comptant plus de 130 000 adeptes et qui adopte une position généralement pro-gouvernementale syrienne. L’article a également attaqué Vanessa Beeley et défendu les Casques Blancs :

« En plus de photos d’elle-même, Sarah Abdallah tweete constamment des messages pro-Russes et pro-Assad, avec une bonne dose de retweeting visant principalement à attaquer Barack Obama, d’autres démocrates américains et l’Arabie saoudite.

Le récit de Sarah Abdallah est, selon une étude récente de la société de recherche en ligne Graphika, l’un des comptes de médias sociaux les plus influents dans la conversation en ligne à propos de la Syrie, et plus particulièrement dans la diffusion d’informations erronées sur une attaque à l’arme chimique en 2017 et la protection civile syrienne, dont les sauveteurs sont largement connus sous le nom de ‘Casques Blancs’.

Graphika a été chargé de préparer un rapport sur le chat en ligne par The Syria Campaign, un groupe de pression basé au Royaume-Uni qui milite pour un avenir démocratique pour la Syrie et soutient les Casques Blancs. »

The Syria Campaign Ltd. est un lobby à but lucratif qui s’active pour un changement de régime et qui, comme les Casques Blancs qu’il promeut, est sponsorisé grâce aux millions de dollars pris sur l’argent des contribuables britanniques et américains.

Brian Whitaker, ancien rédacteur en chef pour le Moyen-Orient au Guardian, a allégué que Sarah Abdullah avait une « connexion avec le Hezbollah ». Il suppose cela à partir de deux termes qu’elle a utilisés et qui montrent un héritage venant du sud du Liban. Mais le Sud-Liban n’est de loin pas seulement le Hezbollah et Sarah Abdallah ne s’habille certainement pas comme une chiite pieuse. Elle est plus probablement une Maronite ou alors laïque. La dénoncer ici en tant que  « Hezbollah » peut facilement mettre sa vie en danger.  Répondant à Whitaker, le politicien britannique George Galloway a demandé :

George Galloway @georgegalloway – 14:50 UTC – Répondant à @Brian_Whit

Vous serez content quand elle sera morte, Brian ?

Serez-vous content, Brian, quand ISIS lui coupera la tête et mangera son cœur ? Vous êtes méprisable. Même pour un ancien du Guardian.

Whitaker n’a même pas fait de recherches par lui-même avant d’écrire son article diffamatoire. Il l’a plagié, sans nommer sa source, de Joumana Gebara, un conseiller en médias sociaux, approuvé par le CentCom, et faisant partie de l’opposition syrienne. Whitaker est enclin à tomber dans le piège des escroqueries du genre des « Casques blancs ». Au milieu de l’année 2011, il a fait la promotion de la « Gay Girl in Damascus » [La lesbienne de Damas], une arnaque montée par un Américain de 40 ans aux sources financières douteuses qui prétendait être une femme syrienne progressiste.

Également le 19 avril, le Guardian a fidèlement retranscrit un article diffamatoire écrit par le gouvernement britannique contre deux autres comptes Twitter de premier plan :

« La Russie a utilisé des trolls et des bots pour déchaîner la désinformation sur les médias sociaux à la suite de l’empoisonnement de Salisbury, selon une nouvelle analyse de Whitehall. Selon des sources gouvernementales, les experts ont découvert une augmentation allant jusqu’à 4 000 % de la propagande provenant de comptes basés en Russie depuis l’attaque, dont beaucoup étaient identifiables comme étant des bots. »

Remarquez que cette affirmation idiote d’augmentation en %, sans donner le chiffre de référence, est similaire à celle de l’article du New York Times cité ci-dessus. Elle est probablement aussi basée sur le même stupide tableau de bord.

« Les fonctionnaires ont identifié une forte augmentation du flux de fausses nouvelles après l’empoisonnement de Salisbury, augmentation qui s’est poursuivie pendant la période précédant les frappes aériennes sur la Syrie.

Un de ces bots, @Ian56789, envoyait 100 messages par jour pendant une période de 12 jours à partir du 7 avril, et a atteint 23 millions d’utilisateurs, avant que le compte ne soit suspendu. Il se concentrait sur des allégations disant que l’attaque à l’arme chimique contre Douma était un montage, en utilisant le hashtag #falseflag. Un autre, @Partisangirl, a atteint 61 millions d’utilisateurs avec 2 300 messages sur la même période de 12 jours.

Le premier ministre a discuté de la question lors d’une séance d’information sur la sécurité avec ses homologues du Commonwealth, Malcolm Turnbull, Jacinda Ardern et Justin Trudeau, plus tôt cette semaine. Ils ont été informés par des experts du GCHQ et du Centre national de cybersécurité de la situation en matière de sécurité après les frappes aériennes syriennes. »

La rédactrice politique du Guardian, Heather Steward, a admis que son « reportage » n’était qu’un simple copier/coller des affirmations du gouvernement :

Heather Stewart @GuardianHeather − 10:38 UTC − 20 Avr 2018

Ce n’est pas mon analyse − comme l’article l’indique clairement − c’est celle du gouvernement.

La déclaration du gouvernement a également été reprise par d’autres médias britanniques comme Sky News (vid).

La veille, le compte Ian56/@Ian56789 avec ses 35 000 adeptes avait soudainement été bloqué par Twitter. Ben Nimmo était extrêmement heureux de ce succès. Mais après les protestations de nombreux utilisateurs auprès des censeurs de Twitter, le compte a été réactivé.

Ni Ian, ni Partisangirl, ne sont des « bots » et ils n’ont rien à voir avec la Russie. Partisangirl, alias Syria Girl, est le surnom Twitter de Maram Susli, une scientifique syro-australienne spécialisée dans la chimie quantique. La première fois qu’elle a été interviewée à la télévision australienne (vid), c’était il y a quatre ans. Elle a publié des vidéos d’elle-même parlant de la Syrie sur YouTube et sur Twitter et a fait des présentations sur la Syrie lors de plusieurs conférences internationales. Son compte est marqué comme « vérifié » par Twitter. N’importe quelle recherche superficielle aurait montré qu’elle est une vraie personne.

Les déclarations sur ces bots et le nombre de leurs tweets que le gouvernement a donnés au Guardian et à Sky News sont évidemment mensongères. En quelques clics, les « journalistes » du Guardian et de Sky News auraient pu démystifier les affirmations du gouvernement britannique. Mais ces sténographes n’essaient même pas et se contentent de retranscrire toutes les absurdités du gouvernement. Sky News a même manipulé l’image de la page d’accueil Twitter de Partisangirl dans la vidéo et la capture d’écran ci-dessus. L’original montre Maram Susli parlant des réfugiés syriens lors d’une conférence en Allemagne. L’image montre qu’elle est manifestement une personne vivante et non un « bot ». Mais Sky News n’a pas osé le montrer. Cela aurait démenti la déclaration gouvernementale.

Après quelques retours négatifs sur les médias sociaux, Sky News a contacté le « bot russe » Ian et l’a invité à une interview en direct (vid). Ian Shilling, un retraité britannique bien en forme, en a profité pour lancer quelques saillies contre le gouvernement et Sky News. Il a également publié une réponse écrite :

« Je fais campagne contre les néocons et les guerres lancées par eux depuis janvier 2002, lorsque j’ai réalisé pour la première fois que Dick Cheney et les gens du PNAC allaient utiliser le 11 septembre comme prétexte pour lancer une invasion désastreuse de l’Irak. Cela n’a rien à voir avec la Russie. Cela a TOUT à voir avec les mensonges massifs constamment racontés par les gouvernements britannique et américain au sujet de leurs guerres d’agression illégales. » (…)

Brian Whitaker n’a pas pu se retenir. Parmi les 156 000 tweets que Ian a écrits pendant sept ans, Whitaker en a trouvé un (!) avec une théorie obscure (et non un déni) sur l’Holocauste. Il prétend alors que Ian croit aux « théories du complot ». Whitaker s’est ensuite lié à un certain Conspirador Norteño qui colporte des théories conspirationnistes à propos de « bots russes ». Je suppose que Whitaker ne relève pas la consp-ironie d’un tel acte.

Le même jour que les autres articles, la version britannique du Huffington Post s’est jointe au Times dans sa campagne de diffamation contre les universitaires britanniques, accusant le professeur Hayward et le professeur Piers Robinson d’avoir « blanchi des crimes de guerre ». Ils n’ont rien fait de tel. Vanessa Beeley a également été attaquée.

Le 19, le London Times visait lui une autre cible. Citizen Halo, une grand-mère finlandaise bien connue, a été déclarée « troll russe », sur la base du déchet pseudo-scientifique de Ben Nimmo, pour ne pas avoir cru au conte sur Skripal et à la fausse « attaque chimique » en Syrie. Le Times a mis en doute sa nationalité et même son existence en utilisant des guillemets pour la définir comme « activiste finlandaise ».

Pendant ce temps, la rédactrice en chef sur les sujets portant sur la défense du Times, Deborah Haynes, traquait Valentina Lisitsa sur Twitter. Une nouvelle campagne de diffamation contre la pianiste est sûrement en cours d’élaboration.

Cette campagne, visiblement organisée, contre la pensée critique en Grande-Bretagne s’étend au-delà de l’Atlantique. Alors que la BBC, Guardian, HuffPo, Times et Sky News publiaient des articles diffamatoires dépeignant des dissidents comme des « bots russes », l’Intercept a poussé Mehdi Hasan à critiquer une « gauche » amorphe pour avoir rejeté la guerre américaine contre la Syrie dans un article intitulé : « Chers apologistes de Bachar al-Assad : votre héros est un criminel de guerre même s’il n’a pas gazé de Syriens. »

Mehdi Hasan est bien sûr éminemment qualifié pour écrire un tel article. Jusqu’à récemment, il travaillait pour Al Jazeerah, le média officiel de la dictature wahhabite du Qatar qui soutient al-Qaïda dans sa guerre contre la Syrie. L’article de Mehdi Hasan répète toutes les allégations fausses et démagogiques qui ont été soulevées contre le gouvernement syrien comme preuve de la méchanceté de son président. Naturellement, bon nombre des liens qu’il fournit renvoient à la propagande d‘Al Jazeerah. Il y a quelques années, Mehdi Hasan a essayé d’obtenir un emploi chez le tabloïd britannique conservateur Daily Mail. Le Mail n’a pas voulu de lui. Au cours d’une discussion télévisée ultérieure, Hasan a critiqué le Daily Mail pour ses reportages et sa position éditoriale conservatrice. Le journal a répondu en publiant son ancienne demande d’emploi. Mehdi Hasan y mettait l’accent sur ses propres convictions conservatrices :

« Je suis également attiré par le conservatisme social du Mail sur des sujets comme le mariage, la famille, l’avortement et les grossesses d’adolescentes. »

Un conservateur va-t-en-guerre contre la Syrie s’en prend à une gauche anonyme qu’il accuse faussement de soutenir Assad lorsqu’elle prend position contre les guerres impériales. S’agit-il d’une position « progressiste » des Frères musulmans ? (Ajout : Stephen Gowans et Kurt Nimmo répondent à la tirade de Hasan).

Le même jour, Sonali Kolhatkar sur Truthdig, site aussi pseudo-progressiste que l’Intercept, a publié un article assez similaire : « Why Are Some on the Left Falling for Fake News on Syria ? » [Pourquoi une certaine Gauche se laisse-t-elle prendre par les fausses nouvelles au sujet de la Syrie ?]. Elle reproche à la « gauche » − sans citer aucun exemple − de ne pas être tombée dans le piège de la récente « attaque chimique » à Douma et de se méfier des Casques blancs payés par le gouvernement des États-Unis et du Royaume-Uni. Les commentaires à l’encontre de l’article sont vifs.

Ceux qui travaillent dans les médias grand public s’alarment de soi-disant fausses nouvelles et déplorent la perte de leur lectorat payant. Mais ils n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils sont les plus grands créateurs de fausses nouvelles ou fournisseurs de celles du gouvernement. Leurs attaques contre les lecteurs et commentateurs critiques sont méprisables.

Jusqu’à il y a deux ans, Hala Jabar était correspondante étrangère au Moyen-Orient pour le Sunday Times. Après avoir travaillé pendant quatorze ans pour le journal et remporté six prix pour son travail, elle a été « licenciée » à cause de ses reportages trop objectifs sur la Syrie. Voici son commentaire sur la récente poussée médiatique contre la vérité sur la Syrie et les attaques très personnelles contre les opinions non-conformistes :

Hala Jaber @HalaJaber − 18:36 UTC − 19 avril 2018

Au cours de toute ma carrière, qui s’étend sur plus de trois décennies de journalisme professionnel, je n’ai jamais vu les médias grand public se résoudre à mener des campagnes de diffamation aussi laides contre ceux qui remettent en question le récit officiel, avec leurs points de vue différents, comme je l’ai vu récemment sur la Syrie.

2/ Il s’agit d’une manœuvre dangereuse, une chasse aux sorcières en fait, visant non seulement à diffamer, mais surtout à faire taire ceux qui pensent différemment ou ceux qui s’éloignent de la narrative de l’État et du courant dominant.

3/ Il aurait été plus productif, en fait, de s’interroger sur la raison pour laquelle de plus en plus de gens se tournent vers des voix alternatives pour obtenir des informations, plutôt que de faire des attaques ad hominem visant à intimider ces voix alternatives en les présentant comme des conspirateurs ou des apologistes.

4/ Les journalistes, militants, professeurs et citoyens attaqués présentent tous un point de vue alternatif. Il est certain que les gens ont le droit de l’entendre et qu’ils sont assez intelligents pour porter leurs propres jugements.

5/ Ou y a-t-il une hypothèse (condescendante, si c’est le cas) selon laquelle les dizaines de milliers de personnes qui suivent collectivement ces voix alternatives sont trop bêtes et inintelligentes pour tirer leurs propres conclusions en passant au crible l’information de masse qui leur est présentée quotidiennement de tous côtés ?

6/ Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, qu’on soit d’accord ou non avec eux, l’essentiel est que les personnes attaquées présentent un point de vue différent. Il semble qu’on l’oublie, mais personne n’a le monopole de la vérité. Est-ce que tous ceux qui lancent actuellement cette chasse aux sorcières suggèrent qu’ils l’ont ?

Les gouvernements et les médias voudraient gérer la guerre contre la Syrie comme ils l’ont fait pour la guerre en Espagne. Ils veulent des reportages sans « aucun rapport avec les faits ». Les médias veulent « vendre les mensonges au détail » et les propagandistes avides veulent « construire des superstructures émotionnelles sur des événements qui n’ont jamais eu lieu ».

Les nouveaux réseaux de communication permettent à tous de suivre la guerre contre la Syrie avec autant de diligence que George Orwell a suivi la guerre en Espagne − à laquelle il a participé. Nous n’avons plus besoin de voyager pour voir les différences entre ce qui se passe réellement et ce qui est rapporté dans la presse grand public. Nous pouvons démentir les affirmations mensongères du gouvernement avec des connaissances librement accessibles sur internet.

Les gouvernements, les médias et leurs sténographes adoreraient revenir à l’époque où ils n’étaient pas en proie à des reportages et des tweets d’Eva, Vanessa, Ian, Maram et Sarah ou à des blogs comme celui-ci. La campagne vicieuse contre tout reportage ou opinion dissidente est une triste tentative de remonter le temps et d’obtenir à nouveau le monopole de la « vérité ».

Il ne tient qu’à nous de ne pas les laisser atteindre leur but.

Moon of Alabama

Traduit par wayan, relu par Cat

 

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