C’est pas la joie chez Cars


Par James Howard Kunstler – Le 30 mars 2018 – Source kunstler.com

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Cela n’a pas été un bon mois pour l’histoire à dormir debout qu’est la voiture électrique américaine. La compagnie Tesla d’Elon Musk − le cœur symbolique de ce fantasme − s’enroule autour du siphon avec un cours en chute libre de 22% des obligations dégradées par Moody’s et l’incapacité de produire un Model 3 « abordable » (36 000 $ − C’te blague !) à une échelle commerciale, un rappel massif des précédentes berlines Model S pour un défaut de direction et le spectaculaire accident dans la Silicon Valley la semaine dernière d’un modèle X qui a fini en feu de joie alors qu’il semble qu’il fonctionnait en mode automatique (les autorités ne peuvent pas le déterminer en se basant sur ce qui reste) et qui a tué son conducteur.


Oh, encore… Une voiture expérimentale autonome d’Uber (marque Volvo) a écrasé et tué une femme qui traversait la rue avec sa bicyclette à Tempe, en Arizona, il y a deux semaines. Mais ne blâmez pas Elon pour ça.

Il y a beaucoup d’incitations à aimer les voitures électriques, par exemple, si vous êtes un dirigeant de Google qui vit dans une bulle de techno-narcissisme ou un acteur hollywoodien aux idées grandioses pour sauver la planète tout en étalant votre richesse et votre « green-washing ». Une Tesla, ça se conduit magnifiquement, ça roule très tranquillement, avec une grande puissance à bas régime et une portée décente de plus de 350 km. Le moteur a quelque chose comme vingt pièces changeables, il a une longue durée de vie et il est facile à réparer ou à remplacer si nécessaire.

Sont-elles réellement « vertes et propres ? » Bwaahaaaaa … ! Est-ce que vous plaisantez ? Premièrement, l’énergie est intégrée lors de la production de la voiture : extraction et fusion des minerais, fabrication des plastiques, fonctionnement de la chaîne de montage, etc. Cette énergie embarquée représente environ 22% de l’énergie consommée par la voiture pendant dix ans. Ensuite, il y a le coût d’alimentation de la voiture au jour le jour. L’électricité aux États-Unis est produite principalement par la combustion du charbon, du gaz naturel ou par fission nucléaire, qui produisent toutes des émissions nocives ou des sous-produits polluant. Mais l’illusion que la puissance vient juste d’une prise dans le mur (pour seulement quelques centimes par jour !) est très puissante pour un public crédule. La cerise sur le gâteau, c’est le fantasme qui veut qu’aujourd’hui, toute cette énergie électrique provienne des « énergies renouvelables » du soleil et du vent et que nous pouvons donc laisser derrière nous tout ce bordel lié aux combustibles fossiles. Nous nous disons cela comme une sorte de prière, et c’est exactement sa valeur.

Il y a au moins quelques autres trous dans la raquette avec cette histoire, au sens large du terme. Le premier est que la motorisation électrique de masse − l’élimination de toute la flotte utilisant des carburants liquides pour la troquer contre une flotte de voiture tout électrique − ne sera pas économiquement rentable. Nous avons probablement démarré le projet quarante ans trop tard pour pouvoir même le tester à grande échelle car les événements économiques évoluent si rapidement vers l’austérité mondiale que la base de clients putatifs de la classe moyenne pour les voitures électriques n’existera presque plus dans un proche avenir. De nos jours, les Américains sont tellement stressés financièrement qu’ils ne sont plus éligibles pour des prêts automobiles − et c’est principalement le mode de financement des voitures sur cette terre. L’industrie a mis beaucoup de pression pour contourner les règles, de sorte que de nos jours, il est même possible d’obtenir un prêt de sept ans pour une voiture d’occasion dont la valeur collatérale se dissipera bien avant que le prêt ne soit remboursé. Difficile de voir comment ils peuvent aller plus loin.

La réponse habituelle à cela est que vous n’aurez pas besoin de posséder une voiture parce que la nation sera desservie par des voitures électriques à la demande, de type Uber, qui supposément nécessiteront beaucoup moins de voitures. Cela ne répond pas vraiment à de grandes questions telles que : comment pourrait-on venir travailler dans nos grandes métropoles ? Même si vous supposez des véhicules à plusieurs occupants, cela représente tout un tas de trajets en voiture. Oh, vous dîtes, tout le monde travaillera à la maison. Vraiment ? Je ne le pense pas − bien que je n’exclue pas la fin de l’organisation corporative du travail telle que nous la connaissons et, si cela se produit, nous serons à nouveau une nation d’agriculteurs et d’artisans, c’est-à-dire a World Made By Hand [un monde fait à la main, NdT]. Considérez également que si les industries automobiles ont seulement besoin de fabriquer et de vendre une fraction des véhicules qu’elles vendent maintenant, l’industrie entière s’effondrera.

Un autre trou dans cette histoire est l’hypothèse universelle que les États-Unis doivent rester une terre de dépendance automobile obligatoire, otage du fiasco de notre infrastructure suburbaine. Je comprends pourquoi nous y sommes attachés. Nous avons passé la plus grande partie du XXe siècle à construire toute cette merde et avons gaspillé la plupart de nos richesses. C’est confortablement familier, même si c’est en fait un environnement misérable pour la vie quotidienne. Mais aucun de ces investissements monétaires et psychologiques ne peut changer le fait que la banlieue a déjà survécu trop longtemps à son utilité limitée et plutôt perverse.

Nous sommes si loin d’avoir un débat public intelligent sur ces questions que les événements qui se déroulent actuellement vont complètement aveugler la nation.

James Howard Kunstler

Too much magic : L'Amérique désenchantéePour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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