Par The Saker – Le 24 avril 2019 – Source thesaker.is via Unz Review
Comme tout le monde l’avait prédit, Porochenko a complètement perdu les élections. Comme je l’ai écrit dans mon précédent article, c’est à la fois étonnant, compte tenu des ressources immenses et considérables de Poro et du fait que son adversaire était littéralement un clown – ok, un comique si vous préférez. Sa défaite était aussi prévisible que presque inévitable : non seulement l’homme est vraiment haï dans toute l’Ukraine, à l’exception des cinglés nazis de la région de Lvov, mais il a commis des erreurs fatales qui l’ont rendu encore plus détestable que d’habitude.
Il y avait d’abord ce chef-d’œuvre :
Bon, maintenant, on pouvait comprendre Porochenko : non seulement cet « épouvantail Poutine » semblait fonctionner à merveille avec les principaux sponsors du coup d’État ukronazi et avec les Ziomedia [média sionistes, NdT], mais personne n’osait dire à Porochenko que la plupart des Ukrainiens n’achetaient pas du tout ces absurdités. La suggestion que tous les autres candidats sont des agents de Poutine n’est pas moins ridicule. La mince couche de déni que Porochenko avait imaginée : l’affiche n’a pas été installée par la campagne officielle de Porochenko, mais par des « volontaires », a échoué. Tout le monde a immédiatement compris, ce qui a permis à Poro d’expérimenter le premier gros casse-gueule de sa campagne.
Vient ensuite ce désastre :
https://youtu.be/TYc63d9SvrM
Encore une fois, ce n’était pas officiellement la campagne de Porochenko qui a fait cette vidéo, mais tout le monde a compris. La menace quasi ouverte d’assassinat de Zelenskii a été accueillie avec horreur en Ukraine et ce désastre de relations publiques a été le deuxième casse-gueule de Poro.
Ensuite, le pauvre homme a « perdu la tête ». Je ne citerai pas toutes les choses stupides et ridicules que cet homme a dites et a faites, mais je dirai que sa performance lors du débat tant attendu dans le stade a également été un désastre.
C’était réglé comme du papier à musique depuis un moment maintenant, et c’est pourquoi les deux candidats ont été convoqués pour parler à leurs maîtres – face à face en Allemagne et en France, et par téléphone avec M. MAGA – et on leur a dit quelques menues choses :
- On a clairement dit à Porochenko qu’il ne pouvait pas déclencher une guerre, organiser un coup monté de dernière minute, assassiner Zelenskii ou se lancer dans une autre « méthode de campagne créative ».
- Zelenskii a également été clairement informé que s’il remportait les élections, il ne devrait pas toucher Porochenko. Il semble que les États-Unis aient donné des garanties de sécurité personnelle à Porochenko.
Le calcul occidental est simple : essayer de garder Porochenko en vie – au sens figuré et politique – et voir quelle quantité de députés il peut garder à la Rada [le parlement ukrainien]. De plus, étant donné que Zelenskii est extrêmement faible – il n’a aucune base de pouvoir personnel de quelque sorte que ce soit – Kolomoiskii lui fera faire exactement ce qui lui est dit et l’Empire peut facilement expliquer à Kolomoiskii comment il doit se comporter.
Enfin, il y a Vladimir Groisman, l’actuel Premier ministre qui a gardé un profil très bas, qui n’a PAS de sang sur les mains – du moins comparé à des voyous comme Turchinov ou Avakov – et qui n’a pris aucune mesure qui le placerait sur une liste noire du Kremlin. Groisman est également un Juif – Israël et l’Ukraine sont désormais les deux seuls pays de la planète dans lesquels le président et le Premier ministre sont Juifs ; vraiment ironique compte tenu de la grande histoire d’amour entre Juifs et nationalistes ukrainiens… Il pourrait faire un Gauleiter ukrainien beaucoup plus efficace pour l’Empire que Porochenko ou Zelenskii.
Pour le moment, Goisman a déjà abandonné le parti de Porochenko et crée le sien. Et n’oublions pas Avakov et Paroubiy, qui sont tous deux couverts de sang innocent, et qui tenteront de conserver leur pouvoir considérable en utilisant les différents escadrons de la mort nazis sous leur contrôle. Enfin, il reste encore la formidable – et relativement populaire – Iulia Timoshenko dont les ambitions politiques doivent être maîtrisées. Ainsi, Porochenko, avec son immense richesse et ses relations, peut encore être un outil utile pour le contrôle de l’Ukraine par l’Empire.
Le calcul occidental pourrait aussi bien être faux : d’une part, Zelenskii ne peut rien apporter de significatif au peuple ukrainien, et en aucun cas la prospérité ou l’honnêteté. Bientôt, le peuple ukrainien va se réveiller et se rendre compte que alors qu’il a élu un « nouveau visage » avec Zelenskii, il s’est retrouvé avec le visage « pas nouveau du tout » de Kolomoiskii et tout ce que son nom infâme implique. Zelenskii n’a peut-être pas d’autre choix que d’emprisonner Porochenko, ce qu’il a presque promis de faire pendant le débat au stade.
Sauf que maintenant, Zelenskii dit qu’il consultera Porochenko et pourrait même l’utiliser à des fins officielles. Oui, les promesses de campagne en Ukraine ne sont jamais tenues plus longtemps que le temps requis pour les prononcer. Enfin, la base de pouvoir de Porochenko s’érode très rapidement car personne ne veut l’accompagner dans sa descente. J’ai tendance à croire que Porochenko a perdu son utilité pour les Anglo-sionistes car il est devenu un cadavre politique du jour au lendemain. Mais c’est l’Ukraine, alors ne dites jamais : jamais.
Enfin, l’Empire plaide également pour une réforme du système politique ukrainien afin de donner moins de pouvoirs au président et davantage à la Rada, le parlement. Encore une fois, cela a du sens étant donné que Zelenskii est un acteur inconnu et que les membres de la Rada émargent pour l’essentiel sur la feuille de paie des États-Unis – tous partis et factions confondus.
Et la Russie dans tout cela ?
Eh bien, les Russes ont été extrêmement prudents et personne ne semble se faire d’illusions sur Zelenskii. En fait, juste un jour après son élection, Zelenskii fait déjà toutes sortes de déclarations anti-russes. Vraiment, outre l’implication logique de l’affiche de Porochenko – qu’une défaite signifierait une victoire pour Poutine – personne en Russie ne pavoise. Le sentiment principal à propos de l’ensemble du sujet de l’Ukraine est un sentiment de dégoût total, une prise de conscience progressive et pénible du fait que nos soi-disant « frères » ne sont frères que dans le sens du Caïn biblique, et de l’acceptation de l’idée qu’il n’y a personne à qui parler à Kiev. La Russie devra donc s’engager dans une politique d’actions unilatérales à l’égard de l’Ukraine. Celle-ci pourrait inclure :
- Décider s’il faut ou non reconnaître le résultat de l’élection. Je pense qu’il est plus probable que la Russie reconnaisse le fait que la plupart des Ukrainiens ont voté pour Zelenskii, mais cette reconnaissance n’impliquera rien de plus : la reconnaissance d’un fait.
- Accélérer le rythme de distribution des passeports russes aux citoyens des républiques du DNR et du LNR. [c’est fait à ce jour, NdT]
- Établir de nouvelles sanctions économiques contre l’Ukraine – la Russie vient d’interdire l’exportation d’énergie vers l’Ukraine – enfin et c’est pas trop tôt !
- Déclarer que, depuis que des millions d’Ukrainiens n’ont pas voté – ni en Ukraine dans les républiques DNR/LNR, ni en Russie, et depuis que les accords de Minsk sont morts de facto sinon de jure – la Russie ne reconnaît pas cette élection et reconnaît les deux républiques sécessionnistes de l’Est du pays. Mais je ne pense pas que le Kremlin fera cela, sauf attaque de la Novorossie par les ukronazis, auquel cas les Russes feront ce qu’ils ont fait après l’attaque de Saakashvili sur l’Ossétie du Sud.
Jusqu’à présent, les porte-parole russes ont dit qu’ils « respectaient le vote du peuple ukrainien » et qu’ils jugeraient Zelenskii « sur ses actes, et non sur ses paroles ». Cette approche me semble équilibrée et raisonnable.
Conclusion
La vérité est que personne ne sait ce qui va arriver, pas même Kolomoiskii ou Zelenskii lui-même. Il y a tout simplement trop de paramètres à prendre en compte et le véritable rapport de forces qui a suivi cette élection ne s’est pas encore manifesté. Quant aux véritables aspirations et espoirs du peuple ukrainien, ils ont été totalement ignorés : Porochenko sera remplacé par Kolomoiskii, portant le masque de Zelenskii. Pas une raison de se réjouir…
Malgré le grand nombre de candidats aux élections, la population ukrainienne n’a pas eu le choix. Alors elle a fait la seule chose à faire : elle a voté pour mettre Porochenko à la porte. Et cela a dû lui faire du bien.
Mais Zelenskii sera-t-il meilleur ? J’en doute fort, même si j’espère vraiment me tromper.
The Saker
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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