Vladimir Poutine : en Syrie, Daech détient des otages américains et européens, mais l’Occident se tait


Séance plénière de la réunion du 15e anniversaire du Club de discussion international Valdaï, 18 octobre 2018.


Le site web du Kremlin – Le 18 octobre 2018

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[…] Fyodor Lukyanov : La conférence de Valdaï d’il y a trois ans (en 2015) s’est déroulée exactement deux semaines après le début de l’intervention militaire russe en Syrie.

Je me souviens que l’un de nos collègues vous a posé la question suivante : « Cela valait-il vraiment la peine de s’impliquer ? Car il y aura des coûts et des pertes, et on ne sait pas comment cela va finir. » Et vous avez prononcé cette phrase mémorable, qui a été énormément citée par la suite : « Il y a 50 ans, j’ai appris une règle dans les rues de Leningrad : si le combat est inévitable, il faut frapper le premier. »

Eh bien, nous avons frappé, et trois ans plus tard, la situation en Syrie a effectivement radicalement changé, mais il est toujours impossible de dire que le problème a été résolu. Les événements récents donnent des impressions à la fois positives et négatives. Je voudrais donc répéter la question posée il y a trois ans : « Peut-être que cela ne valait pas la peine de prendre ce risque, car les pertes se sont avérées sérieuses ? »

Vladimir Poutine : Je me souviens de cette question, mais ça sonnait plutôt comme « Des pertes sont-elles possibles ? ». J’ai ensuite répondu : « Oui, c’est possible, mais nous devons empêcher le pire cours des événements. » Et quel serait le pire développement pour nous ? Une « somalisation » totale de cette région, une dégradation complète de l’État et l’infiltration d’une partie importante des militants sur le territoire de la Fédération de Russie et sur celui d’États voisins avec lesquels nous n’avons ni barrière douanière ni frontière, un régime d’exemption de visa. Cela aurait présenté un danger réel et sérieux pour nous.

Mais nous avons en grande partie écarté ce risque par nos actions, car nous avons infligé d’énormes pertes aux terroristes en Syrie. Un grand nombre d’entre eux ont été éliminés et, Dieu merci, certains ont décidé de renoncer : ils ont déposé les armes après avoir perdu la foi en les principes qu’ils considéraient justes. Je dirais que c’est là le résultat le plus important.

La deuxième chose, non moins importante, est que nous avons préservé l’État syrien, et, dans ce sens, contribué à stabiliser la région. Nous en avons discuté en détail avec le Président égyptien hier ; il partage cette position, et elle est partagée par de nombreux autres pays. C’est pourquoi je pense que nous avons généralement atteint les objectifs que nous nous étions fixés lors du lancement de l’opération en République arabe syrienne. Nous avons obtenu un résultat.

Après tout, quelques années avant nous, les pays qui ont accepté de participer à ces opérations antiterroristes, le plus souvent volontairement, et peut-être même avec des buts et objectifs discutables, quels résultats avaient-ils obtenus au cours des trois années précédentes ? Aucun. Alors que pour notre part, nous avons libéré près de 95% de tout le territoire de la République syrienne. Ceci est mon premier point.

Deuxièmement, nous avons soutenu et raffermi l’État syrien, prévenant son effondrement. Il est vrai qu’il y a encore beaucoup de problèmes. Nous voyons ce qui se passe actuellement sur la rive gauche de l’Euphrate. Nos collègues le savent probablement : ce territoire est sous la domination de nos partenaires américains. Ils comptent sur les forces armées kurdes.

Mais il ont manifestement laissé des failles : Daech reste présent dans plusieurs endroits et a récemment commencé à élargir sa zone d’influence. Ils ont pris en otage 130 familles, près de 700 personnes.

Je pense que peu de personnes présentes ici savent qu’ils ont formulé des ultimatums et des exigences et averti que si ces ultimatums n’étaient pas respectés, ils tueraient 10 personnes par jour. Avant-hier, 10 personnes ont été abattues. Exécutées. Ils ont commencé à mettre leurs menaces à exécution.

C’est tout simplement horrible. Je considère que c’est une véritable tragédie. Nous devons faire quelque chose. Pourquoi nos collègues (occidentaux) gardent-ils le silence ? Selon nos informations, plusieurs citoyens américains et européens font partie des otages.

Tout le monde se tait, il y a un silence complet, comme si rien ne se passait. Par conséquent, il reste encore beaucoup à faire, c’est vrai. Mais je répète que dans l’ensemble, nous avons atteint notre objectif.

La prochaine étape est un règlement politique aux Nations unies, à Genève. Nous devons maintenant former un comité constitutionnel. Les progrès ne sont pas faciles, mais nous progressons toujours. J’espère que nous irons de l’avant avec nos partenaires dans ce domaine.

Fyodor Lukyanov : Vous avez dit que certains militants ont perdu la foi et ont compris qu’ils avaient tort. Tout d’abord, êtes-vous sûr qu’ils ont perdu la foi ? Peut-être étaient-ils simplement vaincus, et qu’ils se sont rendu compte qu’il était inutile de continuer à se battre, mais la situation pourrait évoluer et les amener à retrouver leur foi ?

Vladimir Poutine : Peut-être. Peut-être. Vous avez probablement en partie raison.

Certains d’entre eux ont vraiment baissé les bras et se sont rendu compte qu’ils avaient des objectifs illégitimes. D’autres ont simplement profité de nos mesures humanitaires pour le moment et sont prêts à reprendre les armes à tout moment. C’est possible.

Cela signifie simplement que nous devons tous être sur le qui-vive, ne pas sous-estimer les menaces et intensifier notre travail commun pour lutter contre le terrorisme, l’idéologie du terrorisme et le financement du terrorisme.

Fyodor Lukyanov : Une question sur l’actualité, si vous me le permettez. Le 15 octobre était une date limite fixée par la Turquie pour faire certaines choses à Idlib. Pensez-vous qu’elle a accompli ce qu’elle était censée faire ?

Vladimir Poutine : Non, pas encore, mais elle y travaille. Nous le voyons. À cet égard, je tiens à remercier nos partenaires turcs. Nous voyons qu’ils travaillent à cela. Ce n’est pas simple. Au contraire, tout est compliqué, mais ils respectent leurs engagements.

La zone démilitarisée dont nous avons convenu est en train d’être créée dans la zone de désescalade d’Idlib, à une profondeur de 15 à 20 kilomètres. Toutes les armes lourdes n’ont pas encore été retirées et tous les membres des organisations terroristes Daech et Al-Nosra ne sont pas partis, mais nos partenaires turcs font de leur mieux pour s’acquitter de leurs obligations.

Ceci, je le répète, n’est pas facile, il faut voir au-delà des apparences. Ils ont même déployé un hôpital militaire dans cette zone car il y a des pertes. Ils agissent très fermement et sont très efficaces dans leur lutte contre ces groupes terroristes. […]

Transcription et traduction de Sayed Hasan

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