Par Andrew Korybko – Le 23 octobre 2018 – source orientalreview.org
Une nouvelle caravane de migrants se déploie depuis l’Amérique Centrale, vers la frontière des USA. À l’instar de la première caravane début 2018, c’est un autre groupe considérable qui se meut en direction des USA, dans un cadre qu’on suppose animé par des ONG, pour y demander l’asile. Ils sont partis 1500, mais par un prompt renfort, le décompte s’établit à plus de 5000 personnes à la traversée de la frontière entre le Guatemala et le Mexique.
De là, il est possible que le groupe se divise en petites cellules pour tenter de traverser la frontière américaine clandestinement, comme cela avait été le cas il y a six mois. Les mauvais esprits insinuent que cet événement constitue une provocation soigneusement planifiée par les adversaires de Trump au sein de l’« État profond » – comme Soros et ses comparses – juste avant les élections de mi-mandat début novembre, mais il y a bien plus que cela à en dire.
Les fautes de gestion systémiques, la corruption, la violence et les drogues, ainsi que la pauvreté ; voilà autant de facteurs puissants à la source incitant des gens désespérés à porter crédit aux mensonges des passeurs, qui décrètent combien il serait facile d’obtenir l’asile en Amérique ; mais les USA présentent un historique de générosité sociale accordée aux immigrés illégaux, qui constitue également un facteur aspirant considérable. La solution idéale serait l’application d’une combinaison de mesures de sécurité dures et plus douces, qui combattraient efficacement les cartels et sécuriseraient les frontières nationales, tout en en améliorant le niveau de vie des locaux, jusqu’au point où ils ne seront plus incités à mettre leur vie en jeu en prenant la route du nord – et c’est ce qui est plus ou moins tenté jusqu’ici avec des résultats mitigés. Les USA avaient promis, dans le cadre de leur « Alliance pour la Prospérité », des aides généreuses aux pays du « Triangle du Nord », à savoir le Honduras, le Salvador et le Guatemala, mais Trump a décidé de les réduire.
Les gouvernements des régions concernées en sont à se plaindre, accusant la politique de Trump dans ce cadre multilatéral de constituer l’une des raisons de cette nouvelle crise ; mais la position tacite des USA semble être que ces mêmes gouvernements devraient agir pour voir ces fonds se débloquer. Le résultat de tout ceci est un dilemme extrêmement délicat pour toutes les parties en présence ; d’une part les USA ne peuvent pas prendre le risque de voir l’Amérique Centrale vaciller encore plus qu’elle ne le fait – en grande partie à cause des politiques de Washington elle-même dans les domaines militaire, économique et politique – car cela risquerait d’amener à une déstabilisation en chaîne qui risquerait elle-même de multiplier le nombre de candidats à l’exil vers le nord ; d’autres part les pays concernés ont véritablement besoin du soutien militaire et socio-économique des USA pour compenser les gains qu’ils n’auront pas du fait d’avoir empêché le départ de ces populations.
Ce sont bien ces racines profondes que l’on trouve derrière cette deuxième caravane de migrants, bien plus qu’une quelconque implication de l’« État profond ».
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 19 octobre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone