Par Jiwan Kshetry – Le 13 février 2015 – Source vineyardsaker
Les résultats du sondage à Delhi qui ont montré une défaite symbolique lourde pour le parti du Premier ministre Modi ont prouvé que la vague Modi dans la politique indienne était vraiment une vague qui peut s’élever à des hauteurs vertigineuses tant que la dynamique appropriée est là, mais a une tendance inévitable à retomber au moment où l’élan est perdu. L’avenir de la politique électorale en Inde n’est plus aussi prévisible que nous le pensions jusqu’à maintenant.
«Modi devra être un batelier: une rame doit se concentrer sur l’économie et l’autre doit sur l’ordre du jour hindou.»
Telles étaient les paroles prophétiques que Sakshi Maharaj, un ancien prêtre devenu un politicien puissant, a récemment prononcées devant les journalistes de Reuters en Inde.
Vraiment. Cette déclaration était une menace voilée dirigée vers Narendra Modi, le Premier ministre indien, annonçant que s’il revenait en arrière sur sa promesse de poursuivre l’ordre du jour plutôt confus du Hindutva [idéologie de droite disant que tout le sous-continent indien doit être hindou, NdT], un retour de bâton de la circonscription conservatrice formée par de puissants Sadhus [secte des hommes saints, NdT], comme lui, était inévitable. En articulant ainsi le dilemme de Modi – qui est venu au pouvoir par un équilibre délicat entre le développement économique et le programme Hindutva – comme timonier de l’Inde, il était cependant plutôt succinct.
C’était pour illustrer ce qui arriverait si Modi abandonnait l’ordre du jour de l’Hindutva pour se concentrer uniquement sur le développement économique, Sakshi aurait dit que ce bateau imaginaire de Modi allait tourner en rond, comme un bateau propulsé par une seule rame sur le côté.
Mais mardi, tout à coup la faiblesse du gouvernement Modi en Inde a été mise en évidence: malgré la campagne étincelante et prodigieusement coûteuse présentant les réalisations réelles et potentielles de Modi, son parti a été décimé dans les élections provinciales à Delhi par un parti nouveau venu qui existe depuis seulement quelques années.
Comme cela apparaît, il est parfaitement possible que le gouvernement Modi puisse tourner en rond, si ce n’est pas déjà le cas.
Cependant, comme le montrent les résultats à Delhi, Sakshi peut n’avoir eu que partiellement raison. Alors que le mariage de convenance entre le néolibéralisme et l’Hindutva extrémiste montre des signes de tension, l’aviron de l’ordre du jour d’Hindutva semble exagérer son rôle dans le manège.
Depuis les conversions forcées qui exaspèrent les communautés minoritaires dans le pays, jusqu’aux voyous de RSS (Rastriya Swayamsewak Sangh, l’organisation mère du parti de Modi BJP) se présentant comme une police morale pour enseigner la discipline aux jeunes en s’aliénant la jeune classe moyenne, la lourde approche autoritaire des éléments extrémistes dans la base du pouvoir de Modi semble provoquer des retours de flamme. Les gens de Delhi ont répudié le BJP précisément pour les mêmes excès que Sakshi a vu dans les réponses tièdes de Modi, trop obsédé par son programme de développement.
La période de lune de miel prolongée du gouvernement Modi est maintenant terminée et il n’y aura pas d’autre critère que le respect d’une bonne gouvernance et le développement économique rapide pour mesurer son succès ou son échec; sa survie politique dépendra de la mesure de ce succès.
Il serait, cependant, tout à fait faux de conclure de ces résultats que l’avenir politique immédiat de Modi et de son parti de droite sont en péril, car la déroute du parti dans la capitale est plus symbolique que réelle quand il s’agit de la politique nationale. En outre, Narendra Modi est un acteur politique aguerri dans l’arène politique et il est trop tôt pour exclure un retour dans un avenir proche.
Mais les retombées les plus importantes des résultats du sondage à Delhi est la suivante: Modi, et son président du BJP trié sur le volet, Amit Shah, ne sont plus la paire infaillible ou invincible quand il s’agit de la politique électorale.
En fait, c’est la situation la plus redoutée par Modi parce que toute sa carrière politique repose sur sa sa capacité à garder son élan en dépit de toutes les vicissitudes.
Aucune de ses trois victoires successives comme gouverneur de l’État du Gujarat n’a été une partie de plaisir et il y avait des menaces crédibles à son leadership là aussi. Mais à chaque fois, il a géré les défis en jouant si adroitement de ses propres forces et des faiblesses des rivaux qu’il a obtenu une victoire retentissante.
Citant la diversité et l’imprévisibilité du comportement des électeurs dans un pays aussi divers que l’Inde, de nombreux analystes, y compris moi-même, étaient sceptiques quant à sa capacité à répéter l’histoire lors des élections générales l’année dernière. Il s’est avéré que nous avions tous tort et il accédait au pouvoir à Delhi suite à un verdict historique en faveur de son parti de droite.
Maintenant, le score du duo Modi-Shah, gagnant toutes les élections auxquelles ils se sont présentés ou qu’ils ont supervisées, est en lambeaux au grand dam de la droite religieuse, qui a rêvé de gérer l’Inde pour les décennies à venir.
Pour les non-initiés, Amit Shah était ministre dans le gouvernement de l’État du Gujarat dirigé par Modi, après 2002, et il a servi une décennie tenant jusqu’à douze portefeuilles en même temps, y compris l’importante ministère de l’Intérieur, et a été accusé d’avoir orchestré certaines des pires violations des droits de l’homme dans le Gujarat, y compris les infâmes meurtres qu’il aurait commandités. Son acquittement des accusations de meurtre par un tribunal spécial a récemment soulevé de nombreuses questions en Inde et beaucoup craignent l’ère de l’impunité généralisée si son acquittement crée un précédent pour des cas similaires.
Pour en revenir au scrutin verdict des urnes à Dehli, cela a prouvé que la vague Modi dans la politique indienne était vraiment une vague qui peut s’élever à des hauteurs vertigineuses tant que la dynamique appropriée est là, mais a une tendance inévitable à retomber au moment où sa marque politique perd de sa vigueur. Modi a un long chemin à parcourir avant de trouver une planche politique plus durable que le mariage de convenance entre le néo-libéralisme et la ligne idéologique dure de Hindutva.
Les risques immédiats sont pour lui de deux ordres:
1) son nouveau rival le parti Aam Admi est maintenant appelé à se développer au niveau national, après une victoire retentissante, faisant que son parti n’est plus la seule option pour les électeurs qui ne veulent pas s’adosser au Congrès, devenu l’ennemi du BJP dans la politique nationale.
2) La bataille pour les élections générales de 2019 se révélera beaucoup plus difficile à gagner que celle de 2014.
Une formation politique à peine remarquée dans la démocratie la plus peuplée du monde vient d’illustrer la puissance de la poussée de la démocratie.
Jiwan Kshetry est blogueur basé à Katmandou et rédacteur pigiste qui écrit régulièrement pour son blog Asie du Sud et au-delà, et garde un blog exclusif Asie du Sud .
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.