L’importance de comprendre l’économie

«... Mais l'économie est très importante, et nous l'ignorons à nos risques et périls. L'économie est comme la pesanteur, les mathématiques, ou la politique – nous pouvons n'y rien comprendre, ou même n'y pas penser, mais cela nous affecte profondément, que cela nous plaise ou non.» Jeff Deist

Par Tyler Durden – Le 3 septembre 2015 – Source zerohedge

Préambule 

Cet article est à prendre avec des pincettes. Surtout vers la fin. Il est dans la philosophie libérale-libertaire du site zerohedge, l'État est toujours le suspect et l'ennemi public n° 1. Qu'il agisse ou qu'il n'agisse pas.

A lire malgré tout pour ses généralités sur l'ignorance – où le déni –  pathétique des citoyens à propos des sujets économiques, et surtout financiers.

Le Saker francophone

Soumis par Jeff Deist via The Mises Institute

Cet article est une sélection à partir d'une présentation faite le 19 juin 2015 à au Grassroot Institut à Honolulu au Club Pacifique. La conférence faisait partie d'une série de séminaires privés de The Mises Institute pour un public profane. 

D’abord, permettez-moi de dire que ce que nous appelons aujourd’hui l’école autrichienne découle du grand héritage de l’économie classique, avec une évolution très importante désormais appelée la révolution marginale. L’école autrichienne est aussi un terme qui décrit une saine et dynamique – bien que souvent oppositionnelle – école moderne de la pensée économique. Elle est née avec des géants intellectuels comme Carl Menger et Ludwig von Mises, des noms qui, j’en suis sûr sont familiers pour beaucoup d’entre vous. Ces économistes étaient Autrichiens, d’où le terme.

Il y a eu une conférence historique à South Royalton, dans le Vermont en 1974, honorée par des personnes telles que Murray Rothbard et Milton Friedman, qui a revitalisé le mouvement autrichien et l’a aidé à retrouver la prééminence dans la dernière partie du XXe siècle. Milton Friedman, présent, a fait la célèbre remarque : «Il n’y a que des bons ou des mauvais principes économiques.»

Et bien sûr, c’est vrai. Les écoles de pensée ne devraient pas être rigides, ou dogmatiques, ou trop étroitement définies. Mais la classification des divers économistes et des théories dans des groupes ou des filiations aide en effet à donner un sens aux principes économiques. Cela nous aide à comprendre comment nous en sommes arrivés au moment, et au lieu, où Ben Bernanke, Paul Krugman, Thomas Piketty, et Christine Lagarde sont considérés comme des penseurs modernes dominants et écoutés plutôt que les radicaux qu’ils sont en réalité dans l’histoire de la pensée économique.

Voici un panoptique qui retrace à peu près cette histoire.

Crédit à Peter Cresswell.

Remarquez la scission dans les années 1930, pendant la Grande Dépression – ce n’est pas par hasard – entre Mises et John Maynard Keynes. Jusque là, à partir de 1850, l’école autrichienne était l’école dominante. Mais comme vous pouvez le voir, la plupart des économistes du courant dominant d’aujourd’hui se situent quelque part sous l’égide de Keynes, et ils ont tendance à se concentrer sur des variantes des idées de Keynes à propos de la demande globale.

Mais au moins, ils se concentrent sur quelque chose!

L’ignorance de l’économie n’est pas le nirvana.

Ce qui me conduit à mon sujet d’aujourd’hui : En quoi une quelconque science de l’économie a-t-elle de l’importance? Je dis une quelconque car à ce stade l’ensemble du sujet semble être perdu de vue par l’Américain moyen. En effet il semblerait que l’économie n’est pas un sujet populaire en général. Lorsque on en parle à l’occasion, c’est dans le contexte de la politique – et la politique ne nous donne que les platitudes les plus fades, les plus rassurantes et les plus vides de sens au sujet des affaires économiques.

À l’évidence, Bernie Sanders ou Hillary Clinton [candidats respectivement républicain et démocrate dans la course aux présidentielles US de 2016, NdT] ne vont pas beaucoup parler en termes économiques ni présenter des plans économiques détaillés. Au contraire, ils supposeront – à juste titre – que la plupart des Américains n’y portent tout simplement aucun intérêt, au-delà des slogans comme : 1%-99%, justice sociale, avidité, payer la juste part, et autres clichés.

Les candidats à droite ne feront pas beaucoup mieux. Ils préféreront parler d’autres sujets, mais quand ils abordent l’économie, ils sont soit protectionnistes comme Donald Trump soit mortellement ennuyeux. Qui est inspiré par les propositions fiscales sur la flat tax [taux d’imposition uniforme, non progressif pour tous, NdT]?

Les Américains ne sont tout simplement pas beaucoup intéressés par les détails, ou même l’exactitude, des prises de position économiques de la classe politique.

Nous voulons du pain et des jeux.

Regardez ce dont parlent les gens sur Facebook : beaucoup de messages sur la famille ; beaucoup de messages sur les célébrités et sur le sport ; beaucoup de messages sur l’alimentation, la santé, et faire de l’exercice ; certains messages sur la politique, la culture, la race et le sexe, mais en général seulement pour soutenir ou ridiculiser un côté ou l’autre.

Guère de messages sur l’économie. Et je soutiens que cela pourrait être une chose très saine. Après tout, nous sommes riches! Seule une société riche n’a pas à se concentrer sur des préoccupations telles que la nourriture, un logement suffisant, l’eau chaude, les vêtements, l’électricité, etc.

Donc, ne soyons pas trop durs avec les gens qui emploient leur temps libre pour autre chose que lire des manuels d’économie. Le loisir en lui-même est une activité très importante, et représente une forme de compromis économique.

Mais l’économie est très importante, et nous l’ignorons à nos risques et périls. L’économie est comme la pesanteur, les mathématiques, ou la politique – nous pouvons n’y rien comprendre, ou même n’y pas penser, mais cela nous affecte profondément, que cela nous plaise ou non.

Le sujet de l’économie a été capturé par les universités, et les universitaires comme Krugman ne sont pas si subtils quand ils impliquent que les profanes doivent laisser l’administration des choses aux experts. C’est un peu comme les sports d’équipe, nous les avons peut être exercés quand nous étions jeunes, mais seuls les professionnels en font un gagne-pain.

Pourtant, une fois que nous comprenons que toute action humaine est une action économique, nous comprenons que nous ne pouvons pas y échapper et nous soustraire à notre responsabilité de comprendre l’économie, au moins ses fondements basiques. Penser autrement, c’est fuir la responsabilité sur nos propres vies.

Alors que nous nous lamentons que des gens de vingt ans ne sachent pas lire au niveau du collège ou pratiquer une algèbre élémentaire, nous ne nous inquiétons pas beaucoup qu’ils ne comprennent rien aux principes de l’économie. Nous serions inquiets si nos enfants ne pouvaient pas effectuer les opérations mathématiques de base pour savoir combien d’argent doit leur être rendu à une caisse enregistreuse, mais nous les envoyons dans un monde où ils sont beaucoup plus susceptibles d’être trompés par des politiciens. Pourquoi voulons-nous que nos enfants apprennent au moins la géographie, la chimie et la physique? Et la grammaire, l’orthographe, la littérature, l’histoire, et l’éducation civique? Nous voulons qu’ils sachent ces choses afin qu’ils puissent naviguer correctement dans leur vie d’adulte.

Mais d’une certaine façon, nous en sommes venus à croire que l’économie devrait être laissée aux universitaires et aux mordus de la politique. Et pire encore, nous ne protestons pas quand les enfants grandissent sans aucune connaissance en économie, alors qu’ils ont des opinions bien arrêtées sur les questions économiques.

L’ignorance des bases de l’économie est tellement répandue que nous devrions avoir un mot spécifique pour cela, comme c’est le cas pour illettrés.

Le susmentionné Murray Rothbard avait ceci à dire :

«Ce n'est pas un crime d'être ignorant en économie, qui est, après tout, une discipline spécialisée et celle que la plupart des gens considèrent comme une science lugubre. Mais il est totalement irresponsable d'avoir une opinion forte et bruyante sur des sujets économiques, tout en restant dans cet état d'ignorance.»

Je suis sûr que nous sommes tous familiers avec ce phénomène sur les réseaux sociaux, ce qui semble parfaitement adapté à des opinions non fondées mais péremptoires et bruyantes.

Prenons la question du salaire minimum, comme un exemple qui a été dans les nouvelles récemment :

Les salaires ne sont rien de plus que les prix des services de main-d'œuvre. Lorsque le prix de quelque chose monte, la demande baisse – et vous avez plus de chômeurs. Le B.A BA de l'économie.

Pourtant, quel est le pourcentage des Américains aujourd'hui à avoir vu un tableau de la demande incliné vers le bas dans une haute école ou une classe de collège?

C’est cette ignorance de l’économie très répandue qui empoisonne notre paysage politique ridicule. Il permet aux politiciens d’attaquer le capitalisme, et aux entrepreneurs de faire de la démagogie. Il permet aux politiciens de blâmer les marchés libres pour les problèmes économiques causés par l’État et sa banque centrale, en premier lieu – comme l’implosion des dot.com [bulle informatique en 2000, NdT], la bulle du logement, le krach de 2008, ou le prix des actions sur les marchés boursiers aujourd’hui manipulés par la Fed.

En bref, l’ignorance de l’économie permet de faire avaler à un grand nombre de personnes de très gros mensonges comme étant la réalité. Et ça ne va qu’empirer jusqu’à l’élection présidentielle de 2016.

Jeff Deist

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone

On voit bien que l’auteur ici est Américain et a ses propres points aveugles pour ce qui concerne l’économie.

Sa remarque selon laquelle les problèmes économiques, notamment les diverses bulles boursières, sont le fait de l’intervention de l’État via la Fed est tout à fait pertinente. Par contre, il ne s’insurge pas contre la non-intervention de l’État dans les régulations qui auraient permis d’éviter la crise des subprimes en 2008, par exemple, et que rien n’a été fait depuis en ce sens. Le renflouement du système financier par l’État sur le dos des contribuables US, les mêmes qui ne comprennent rien à l’économie et sont totalement innocents, ne le choque apparemment pas non plus. Il n’est pas choqué non plus par les milliards d’argent public pompés pour engraisser le monstrueux complexe militaro-industriel pour le plus grand bien des entreprises privées du secteur. Il serait intéressant de demander à Raytheon, Boeing, Mac Donnel Douglas, Halliburton et autres ce qu’ils pensent des interventions publiques dans leurs affaires.

Dans cette philosophie libérale-libertaire, l’État est toujours le suspect et l’ennemi public n° 1. Qu’il agisse ou qu’il n’agisse pas. 

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