Par C.J. Hopkins – Le 11 mars 2019 – Source Unz Review
Rentrez les enfants à la maison ! Verrouillez vos portes ! Fermez les fenêtres ! Sortez les masques à gaz et les combinaisons de protection contre les matières dangereuses ! Selon les médias, nous sommes officiellement plongés dans une pandémie mortelle d’antisémitisme ! Et juste au moment où la menace de contrôle mental par les Russes régressait enfin ! Il semble que le tissu de la démocratie occidentale n’arrive tout simplement pas à prendre une pause ces jours-ci.
Les origines de cette peste pernicieuse, provoquant la panique, demeurent mystérieuses, mais les épidémiologistes pensent à présent qu’elle a commencé au printemps 2015, peu après la démission d’Ed Milliband en tant que chef du parti travailliste britannique, avant de se généraliser à l’été 2016, au moment du référendum sur le Brexit et de la nomination de Donald Trump. (Bien que les indices soient accablants, il n’existe à ce jour aucune preuve définitive que les concepteurs russes d’armes biologiques ont inventé le virus dans un hôtel de Salisbury et l’ont pulvérisé massivement sur les poignées de porte).
Les virologistes travaillent sans relâche pour cartographier le génome de ce fléau calomnieux, sur lequel on sait très peu de choses, mis à part le fait qu’il se manifeste de manière soudaine et attaque le cerveau au niveau du centre du langage, forçant le malade à exprimer des opinions sur « le sionisme » ; « le globalisme » ; « le lobby israélien » ; « les banques » et autres mots de code pour « Juifs ». Les patients semblent ignorer qu’ils émettent des mots de code antisémites jusqu’à ce qu’ils en soient informés par les médias, ou leurs collègues, ou quelque compte aléatoire sur Twitter. Leurs symptômes se modifient alors de façon dramatique et ils subissent une série de crises de « petit mal », qui les amène à présenter des excuses à plusieurs reprises pour avoir plaidé non intentionnellement en faveur de l’extermination de l’ensemble du peuple juif et de l’établissement d’un Reich nazi.
En ce moment, la Grande-Bretagne en subit les conséquences. Malgré tous les efforts déployés par les classes dirigeantes et les médias pour contenir sa propagation, plusieurs nouveaux cas d’antisémitisme ont été rapportés dans tout le Royaume, ou du moins chez le parti travailliste, qui, à ce jour, a été tellement infecté qu’il ressemble à un culte de mort néo-nazi.
Jeremy Corbyn, qui a contracté le virus à peu près au moment où il a assumé le leadership, présente maintenant les symptômes de la maladie au stade avancé. Des sources fiables proches du parti, contactées lors d’un brunch au Qatar avec Tony Blair et un groupe de Saoudiens, ont indiqué que Corbyn courait autour du QG de Momentum [Courant politique soutenant Corbyn, NdT] en costume nazi de troupes d’assaut, faisant le salut hitlérien Hitler puis cherchant des journalistes pour s’excuser.
Un autre député travailliste, Chris Williamson, a dû être sommairement mis en quarantaine après s’être excusé publiquement de ne pas s’être excusé pour avoir incité un rassemblement de membres du parti travailliste à cesser de s’excuser d’avoir refusé de s’excuser d’avoir été un antisémite dégoûtant … ou quelque chose du genre. Owen Jones nie farouchement que le parti est une ruche de nazis, et nie avoir jamais nié que nier le fait qu’il n’y a aucune preuve réelle de ce fait est essentielle pour préserver ce qui reste du parti, une fois qu’il (le parti) aura été guéri de l’antisémitisme, ou été dissous et reconstitué à partir de zéro.
Les mesures d’urgence sont maintenant en vigueur. Un confinement à grande échelle du parti travailliste est imminent. Toute personne qui n’est pas déjà infectée est priée de fuir le parti, de dénoncer quiconque ne l’a pas fait comme « un sympathisant de Corbyn aimant Hitler » et de présenter des excuses à titre prophylactique pour toute déclaration critique qu’il aurait faite à propos d’Israël ou des « élites » ou du « capitalisme mondial », ou des « banquiers », ou de tout autre chose que n’importe qui peut interpréter comme de l’antisémitisme (de préférence dans les pages de The Guardian).
Le continent n’est pas non plus épargné ! Ce qui semblait à première vue être une série de manifestations spontanées contre Emmanuel Macron, l’austérité économique et le capitalisme mondial par les « Gilets jaunes » en France a maintenant été officiellement diagnostiqué comme une flambée d’antisémitisme à l’échelle nationale. Dans une tentative héroïque de contenir l’épidémie, Macron a dépêché ses forces de sécurité pour tirer dans les yeux de femmes non armées, gazer des paraplégiques dans des fauteuils roulants et, d’une manière générale, tabasser tout le monde. Étrangement, aucune de ces tactiques n’a fonctionné. La France a donc décidé de rejoindre les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le reste de l’empire en définissant l’antisionisme comme une forme d’antisémitisme, de sorte que quiconque suggère qu’Israël est un État essentiellement raciste ou quasi-fasciste, ou même qui se contente de faire des blagues sur les « élites » ou les « banquiers », pourra être arrêté et poursuivi pour « appel à la haine ».
Pendant ce temps, aux États-Unis (où Donald Trump, le « patient américain zéro », avait déjà infecté à lui seul la vaste majorité de la population américaine et transformé le pays en un Reich nazi méconnaissable et génocidaire), le virus de l’antisémitisme s’est maintenant répandu au Congrès, où la représentante Ilhan Omar (réputée être un pilier du tristement célèbre « Axe de l’Antisémitisme ») a apparemment complètement perdu la raison et a commencé à parler du lobby israélien, et des milliards de dollars fournis par le gouvernement américain chaque année à Israël, et d’autres sujets liés à Israël dont on ne parle tout simplement pas (à moins d’écrire pour le New York Times et de ne pas être un musulman portant le hijab, auquel cas il est tout à fait correct de caractériser le soutien à Israël comme étant « achetés et payés par le lobby israélien »).
Maintenant, c’est là que les choses deviennent vraiment déroutantes. Trump (qui, rappelons-le, est littéralement Hitler, ou l’était jusqu’à ce qu’il allume la tentative de coup d’État américain au Venezuela) et les Républicains se sont maintenant unis aux Démocrates pour dénoncer Ilhan Omar en tant que sale antisémite, et peut-être même terroriste islamique à part entière (ou pour condamner l’existence de « haine » ou autre). Les grands médias, Facebook et Twitter ont été dépassés par des hordes d’antisémites en colère accusant d’autres antisémites d’antisémitisme. Le Congrès est sur le point de convoquer un comité chargé des activités non-israéliennes pour enquêter sur tous ceux qui auraient déjà été mêlés à des « tropes antisémites ». Meghan McCain était si horrifiée par les propos haineux et antisémites qu’Ilhan Omar n’avait jamais tenus qu’elle s’est effondrée à la télévision nationale et a supplié Joy Behar d’appeler un rabbin pour la convertir sur-le-champ au judaïsme … ce que certains téléspectateurs ont trouvé un peu inconvenant.
OK, je sais, vous remettez probablement en question le fait que cette pandémie d’antisémitisme vient tout juste de sortir de l’éther un jour, plus ou moins en phase avec le complot russe visant à détruire la démocratie que Vladimir Poutine a mis en branle le jour même où la guerre mondiale contre le terrorisme semblait s’essouffler. Si c’est le cas, vous devez quitter ce site, afficher le site Web MSNBC ou The Guardian sur votre téléphone, et vous vacciner contre de telles pensées. Ce type de pensée conspirationniste est l’un des signes précoces d’une infection à l’antisémitisme ! Si vous n’agissez pas maintenant pour vous protéger, avant de vous en rendre compte, vous allez vous mettre à proférer des insanités sur les « classes dirigeantes » ; les « élites mondialistes » ; « l’austérité » ; le « néolibéralisme » ; le « lobby israélien » ou même les « Palestiniens ».
Alors, ôtez tout ça de votre esprit ! Cette apparition soudaine d’antisémitisme n’a rien à voir avec la guerre contre le populisme que mènent les classes dirigeantes capitalistes mondiales depuis deux ans. Ce n’est pas comme si l’establishment s’abaissait au point d’utiliser l’antisémitisme (et même l’Holocauste !) comme un stratagème cynique de propagande pour délégitimer leurs innombrables opposants et critiques. Non, il est beaucoup plus vraisemblable qu’une pandémie mondiale d’antisémitisme idiopathique ait éclaté, sans raison apparente, alors même que les classes dirigeantes capitalistes commençaient à craindre de la présence d’une insurrection « populiste » généralisée.
De plus, même si nos dirigeants démocrates et les journalistes professionnels des médias institutionnels étaient en réalité une bande d’ordures sans âme, sournois, sociopathes, quel serait pour eux l’intérêt de générer dans le public une série de crises d’hystérie de masse au sujet de l’antisémitisme ou du « populisme » ou des pirates informatiques russes imaginaires (ou à des attaques terroristes imminentes du fait de loups solitaires, éventuellement avec des engins nucléaires de fabrication artisanale) ? Cela n’aurait aucun sens, n’est-ce pas ? Les gens seraient tellement consumés par la peur et la haine qu’ils ne pourraient plus penser. Ils pourraient même ne pas remarquer à quel point ils étaient manipulés avec cynisme et contribuaient au véritable antisémitisme en rendant le terme dépourvu de sens.
Non, la théorie de la pandémie soudaine d’antisémitisme est beaucoup plus logique. Alors sortez vos vieux masques anti-peste, enfermez votre esprit critique dans votre coffre-fort anti-antisémitisme, et regardez La Liste de Schindler sur Netflix … oh, et n’oubliez pas de fouiller Internet à la recherche de critiques contre les classes dirigeantes capitalistes, les médias institutionnels, le néolibéralisme ou tout autre trope antisémite !
C. J. Hopkins
C. J. Hopkins est un dramaturge, romancier et satiriste politique américain primé vivant à Berlin. Ses pièces sont publiées par Bloomsbury Publishing (Royaume-Uni) et Broadway Play Publishing (États-Unis). Son premier roman, ZONE 23, est publié par Snoggsworthy, Swaine & Cormorant Paperbacks. Vous pouvez le contacter sur cjhopkins.com ou consentfactory.org.
Traduit par Laurent Guyénot