Par Laurent Michelon − Décembre 2022
La Chine connaît depuis quelques semaines des manifestations de mécontentement populaire qui font le bonheur des médias de masse en Occident.
Les métropoles de Chengdu, Shanghaï et Wuhan ont connu des épisodes de contestation sociale contre le durcissement dans certains quartiers des mesures de confinement pour endiguer ce que les autorités chinoises considèrent (officiellement) comme une recrudescence de cas positifs de Covid-19.
Il n’en faut pas plus aux médias occidentaux pour prendre de grands raccourcis et expliquer à qui veut bien encore les écouter que ce sont là les prémices d’une révolution populaire qui aurait pour but un changement de gouvernement en Chine.
Il existe bel et bien une volonté de changer le gouvernement de la Chine: il n’est pas le fait de la population chinoise, mais des éternels agents du chaos recrutés par l’Oncle Sam depuis les années 50 pour déstabiliser la Chine sous n’importe quel prétexte. Comme à Beijing en 1989, ces dernières semaines furent le théâtre de tentatives de récupération d’épisodes réels de mécontentement populaire en Chine pour les transformer en révolution de couleur.
Confirmant l’effondrement continu de sa diplomatie et de ses agences de déstabilisation extérieure à trois lettres, l’hégémon anglo-américain, flanqué de ses relais propagandistes, a exécuté ces dernière semaines quelques manipulations assez bâclées pour inciter la population chinoise à se rebeller contre son gouvernement, et tenter de rallier l’opinion publique occidentale derrière quelques agitateurs recrutés dans la diaspora chinoise.
S’il a presque réussi en 1989 à Beijing, l’Hégémon a cette fois-ci lamentablement échoué, les ficelles de la manipulation étant trop grosses pour tromper la population chinoise. Les vidéos qui circulent d’une poignée d’agitateurs, aux accents différents de la province dont ils sont censés être originaires, se faisant railler par la population locale dès qu’ils tentent de détourner la contestation des confinements vers une critique du gouvernement central, font peine à voir.
Les exemples de manipulation grotesque furent légions: des manifestants brandissant des slogans dans lesquels se sont glissé pas mégarde des caractères chinois traditionnels (utilisés uniquement à Hong Kong et Taïwan), à la présence miraculeuse des journalistes étrangers sur les lieux des rassemblements nocturnes avant même l’arrivée de la police, en passant par les revendications de destitution du président Xi Jinping, une revendication typiquement occidentale. Il n’est pas envisageable que des citoyens chinois appellent à la destitution du pouvoir central pour un grief local.
Traditionnellement en Chine, c’est même le contraire: les citoyens qui s’estiment floués par leur gouvernement local font appel au pouvoir central pour corriger les abus.
Ces initiatives à peine télégéniques relevaient toutes de l’amateurisme typique des animateurs au grand cœur d’ONG occidentales qui encombrent les bureaux d’attribution de visas de l’Immigration chinoise encore trop généreuse, comme le démontrent les nombreuses arrestations d’agitateurs occidentaux lors de ces manifestations.
Au-delà des habituelles manipulations médiatiques occidentales, il convient de se poser sérieusement la question de la réaction de la population chinoise aux restrictions dont elle fait l’objet depuis presqu’un an, alors que les deux premières années du Covid, qui a ravagé l’Occident économiquement et en terme de libertés individuelles, étaient en Chine relativement sereines.
Une étude du China Data Lab de l’Université de Californie à San Diego, qu’on ne soupçonnera pas d’être un organe de propagande chinoise, révèle, sondages datant de fin novembre 2022 à l’appui, que 59% des Chinois ne contestent pas la politique de zéro-Covid mais pensent qu’elle nécessite des ajustements spécifiques, 24,5% pensent que des ajustements ne sont pas nécessaires et qu’elle doit continuer à être appliquée, et que seuls 12% des sondés pensent que cette politique nécessite des modifications majeures.
Les médias occidentaux, toujours dans le deux poids deux mesures, présentent la contestation sociale en Chine contre les confinements comme une expression d’un désir légitime de démocratie qui doit être encouragé, tout en traitant depuis deux ans les citoyens occidentaux qui contestent les mêmes confinements d’irresponsables, de complotistes et d’antivax à qui le droit à la parole et le droit de travailler doivent être retirés.
Devant le mécontentement grandissant de la population des grandes villes chinoises envers la politique du zéro-Covid, le gouvernement chinois a considérablement allégé les mesures de contrôle de l’épidémie, jusqu’à faire retirer de nombreux centres de test de quartier dans la nuit de samedi à dimanche à Beijing, et les derniers centres de tests n’acceptant que les personnes qui ont une obligation de se faire tester: ceux qui se rendent à un hôpital, un aéroport, etc., de même que l’utilisation du code QR est désormais limitée à certains endroits (bureaux, écoles, hôpitaux, etc.). La politique de zéro-Covid n’est pas annulée, elle continue d’évoluer, mais la situation de la population s’est considérablement améliorée.
Les médias et observateurs occidentaux critiquent déjà le relâchement de la politique zéro-Covid, politique qui faisait l’objet de toutes leurs attaques jusqu’à vendredi soir. Son adoucissement ne les satisfait pas non plus: certains prévoient une prochaine hécatombe due au Covid dans la population chinoise âgée, d’autres concluent à l’échec de la politique sanitaire du gouvernement, et n’hésitent pas, par extension, à le qualifier de « renoncement » du président Xi Jinping.
Pile, tu perds, face je gagne. Tout plutôt que d’admettre que le gouvernement chinois, au contraire de ses homologues occidentaux, ne craint pas de modifier le cap de ses politiques publiques lorsque celles-ci sont à l’origine d’un fort mécontentement populaire, ce qui s’approche dangereusement de la définition de la démocratie.
La Chine deviendrait-elle plus démocratique tandis que l’UE, récemment qualifiée de 51ème état américain par Dimitri Medvedev, accélère sa mue vers un régime dictatorial sur les colonies européennes de l’hégémon anglo-américain?
Laurent Michelon est entrepreneur en Chine. Il travaille depuis plus de 20 ans entre Hong Kong et Beijing. Il vient de publier en novembre Comprendre la relation Chine-Occident aux éditions Perspectives libres.