Un éditorial du Global Times, le porte-voix médiatique du gouvernement chinois
Par Global Times − Le 17 août 2022
Une guerre commerciale est-elle susceptible d’éclater entre la Chine et l’Europe ? C’est un sujet dangereux que l’opinion publique en Europe, y compris l’Allemagne, a hypertrophié. Ces dernières années, la Chine et l’Europe ont été le principal partenaire commercial l’une de l’autre, et ont traversé de nombreuses tempêtes ensemble. Avec une chaîne industrielle hautement complémentaire et une grande interdépendance économique, il va de soi que la guerre commerciale n’aurait pas dû devenir un sujet sérieux dans les discussions sur la politique chinoise de l’Europe. Cependant, certains médias dépeignent un « monde à l’envers » pour les Européens : La forte dépendance économique entre la Chine et l’Europe ne serait pas un bénéfice mais un « risque » pour le continent, tandis que d’autres médias affirment que l’Europe doit se préparer à un conflit avec la Chine.
Il faut souligner que, pour l’Europe, les dégâts que peuvent provoquer ces contre-courants de l’opinion publique ne peuvent être ignorés. À l’heure actuelle, l’économie européenne est confrontée à de multiples défis, notamment le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la crise énergétique, une inflation élevée, des épidémies répétées de COVID-19 et des périodes durables de températures élevées et de sécheresse. Alors que l’Europe devrait chérir la paix, un environnement extérieur favorable au développement et des partenaires mutuellement bénéfiques, certaines personnes sur le continent ont l’intention de créer artificiellement des conflits avec la Chine. Est-ce simplement parce que la Chine est devenue de plus en plus importante pour les intérêts européens, le continent doit donc se découpler de la Chine, s’en protéger et la repousser ? Il est impossible qu’une personne normale ne mange pas par peur d’être choquée. Il est encore moins probable qu’il casse son bol de riz.
En résumé, l’opinion européenne se concentre désormais principalement sur deux questions. Premièrement, il s’agit de savoir s’il faut réduire volontairement la dépendance économique et commerciale vis-à-vis du marché chinois, ou se découpler de la Chine ; en d’autres termes, il s’agit d’éviter de se retrouver dans une position passive à l’avenir. Deuxièmement, si l’Europe n’accepte pas certaines des politiques et décisions de la Chine, doit-elle recourir à des sanctions commerciales ? De toute évidence, de nombreux Européens sont obsédés par ces deux problèmes, mais il est juste de dire qu’il y a effectivement un problème à soulever ces deux questions.
En ce qui concerne la première question, les étroites relations économiques et commerciales entre la Chine et l’Europe ne doivent pas être interprétées comme une dépendance à sens unique d’une partie envers l’autre, mais plutôt comme une « interdépendance » normale. L’économie européenne, en particulier l’économie allemande, est fortement orientée vers l’extérieur, ce qui est déterminé par la tendance générale de la mondialisation économique que l’Europe a saisie et dont elle a ainsi pleinement profité. Selon un rapport publié par l’institut IFO, une guerre commerciale et un découplage de l’UE et de l’Allemagne avec la Chine coûteraient à l’Allemagne près de six fois plus cher que le Brexit. L’ancien président américain Donald Trump a brandi le bâton des droits de douane sur de nombreux pays pendant son mandat, ce à quoi l’Europe, notamment la France et l’Allemagne, s’est fermement opposée. Comme le préjudice causé par la guerre commerciale de l’époque perdure encore aujourd’hui sur le continent européen, le mot « guerre commerciale » ne devrait plus être une option dans l’opinion publique européenne.
La deuxième question reflète l’arrogance et les préjugés profondément ancrés dans l’esprit de certaines personnes en Europe à l’égard de la Chine. Ils ont l’habitude de juger les autres, y compris la Chine, avec un sentiment de supériorité. Selon eux, les sanctions économiques et commerciales peuvent être utilisées comme un outil de pression politique. En fait, l’Europe n’est pas en mesure et n’a pas le pouvoir de le faire. Dans une large mesure, le premier problème consiste à évaluer les autres selon les normes et l’état d’esprit propres à l’Europe. Ces deux questions sont les deux faces d’une même pièce, qui se renforcent mutuellement. Ceux qui cherchent à supprimer la Chine sont anxieux et ont peur de l’importance croissante de la Chine. Nous aimerions également rappeler que certaines personnes en Europe ne devraient pas penser à créer des conditions pour défier les intérêts fondamentaux de la Chine en réduisant leur dépendance économique et commerciale vis-à-vis de la Chine, cela revient à mettre la charrue avant les bœufs.
Il y a en effet beaucoup de choses qui inquiètent l’Europe et qui ont servi de terreau à diverses opinions extrémistes. La Chine, qui est très éloignée de l’Europe, est devenue une cible pour certaines personnes qui veulent exprimer leur mécontentement. Mais aucun des problèmes susmentionnés n’est causé par la Chine. C’est une mauvaise façon d’apaiser l’anxiété en empoisonnant le fondement de la confiance mutuelle Chine-Europe et en sapant la coopération économique Chine-Europe. Ces dernières années, les États-Unis ont exercé une forte traction sur l’Europe sur des questions géopolitiques majeures. Le résultat est que les États-Unis en ont profité, tandis que l’Europe a chuté. Aujourd’hui, l’Europe doit mettre de l’ordre dans ses affaires intérieures et déterminer dans quelle mesure son anxiété à l’égard de la Chine vient réellement de la Chine et dans quelle mesure elle doit céder son autonomie stratégique aux États-Unis.
L’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt aurait déclaré que l’Allemagne devait veiller à ne pas être l’apôtre moral du monde. Cette phrase s’applique également à l’Europe entière aujourd’hui. Un certain nombre d’économistes européens ont récemment déclaré aux médias que les gens devaient séparer les différences politiques du commerce normal et que la Chine méritait le respect qui lui est dû, mettant en garde l’Europe contre des actions à courte vue. Leur rappel est bienvenu car l’opinion publique en Europe montre une tendance inquiétante. Une partie du contenu semble être copié des États-Unis. Mais l’Europe n’est pas un État des États-Unis. Ce fait important ne peut être ignoré par les Européens, sinon, il sera facile de tomber dans le grand trou creusé spécifiquement pour l’Europe.
Global Times
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone