Par Valentin Katasonov – Le 17 février 2015 – Source strategic-culture
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En écrivant sur l’impérialisme juridique occidental, j’ai souligné le fait que l’Occident a lancé une campagne visant à l’expropriation des actifs de la Russie à l’étranger (État, entreprises et banques privées, particuliers). Ces activités seront intensifiées en créant toutes sortes de nouvelles listes noires, composées de personnes morales et physiques de la Fédération de Russie, prélude à la mise en place des poursuites judiciaires à l’étranger.
Extorsion par falsification de l’histoire de l’URSS
Tout d’abord, certaines anciennes républiques soviétiques se préparent à demander des compensations à la Fédération de Russie concernant l’occupation soviétique de 1940 à 1991. L’ Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Moldavie veulent prendre des mesures juridiques. Le tableau ci-dessous (fait par l’auteur) offre des estimations à partir de différentes sources.
Occupation soviétique: les demandes d’indemnisation
Lettonie, plus de €300 milliards, plainte portée en septembre 1914 par Ruth Pazdera, président de la Société lettonne de recherche sur l’occupation.
Lituanie, $28 milliards, plainte portée en janvier 2008 par le Président Valdas Adamkus.
Estonie, $100 milliards, plainte portée en 2004 par le Professeur Velo Salo, président de la Commission d’État sur l’examen des politiques de répression.
Moldavie, $280 milliards, plainte portée en 2010 par l’historien moldave Vyacheslav Stavile, chef de la Commission pour l’étude et l’évaluation du régime totalitaire communiste de la République de Moldavie.
Il vaut la peine de noter que les estimations sont régulièrement réexaminées à la hausse. Par exemple, il y a quelques années la Lettonie voulait quelques milliards de dollars. Maintenant ses fonctionnaires ont décidé d’aller jusqu’au bout et ont augmenté les estimations jusqu’à $300 milliards (en 2012, le PIB letton était de $28 milliards). Il est clair que le montant astronomique de la réclamation est coordonné avec les sanctions occidentales imposées à la Russie.
les revendications de Kiev
De nouvelles demandes économiques sont apparues en 2014. Les estimations des dommages devraient croître rapidement. Le rythme est fixé par le nouveau gouvernement de l’Ukraine qui est arrivé illégalement au pouvoir à la suite du coup d’État [putsch néo-nazi, NdT] en février 2014. À la fin d’avril 2014, le ministre ukrainien de la Justice Pavel Petrenko a rendue publique la déclaration suivante: «À ce jour, la somme des dommages se monte à 950 milliards de UAH [devise ukrainienne,NdT]. Ces pertes ne comprennent pas les pertes de profits qui seront calculées en plus. En outre, ces pertes n’incluent pas non plus le coût des minéraux, de l’exploitation du plateau marin, qui sont des pertes directes, ni celles causés par les saisies illégales et la création d’obstacles au droit de propriété de nos entreprises nationales, des ministères et départements», a souligné le ministre… En tenant compte des fluctuations de la hryvnia, la somme estimée se situait entre $84 et $100 milliards avant d’être constamment augmentée ensuite. En juin 2014 elle était de $1008 milliards, en juillet de 1180 milliards. Le 28 juillet, le ministre ukrainien de l’Industrie, de l’énergie et du charbon, Yuriy Prodan, a fait remarquer que l’annexion unilatérale de la Crimée avait causé des pertes massives d’actifs énergétiques à l’Ukraine (uapress.info, 28 juillet). Prodan dit: «Compte tenu de toutes les installations en Crimée, l’Ukraine a perdu des milliards de dollars dans le secteur de l’énergie. Nous avons estimé ces pertes à $300 milliards.» (Birzhevoi Lider, le 28 juillet). Selon Kiev, les compensations totales de Moscou s’élèvent à $400 milliards. En 2013, le PIB de l’Ukraine était de $182 milliards.
Dans le même temps, l’Ukraine a saisi les titres de propriété de la Russie sur son sol. En plus de cela, Kiev a commencé à utiliser l’argument des compensations pour la Crimée afin de ne pas payer ses dettes à la Russie. L’argument de la Crimée a été utilisé lors des pourparlers sur les fournitures de gaz russe pour obtenir des rabais plus importants.
À l’été 2014, certains membres du Parlement ukrainien (Verkhovna Rada) ont commencé à préparer des réclamations liées aux événements en Novorussie. La Verkhovna Rada a estimé la somme nécessaire pour compenser les dommages industriels. Les chiffres mentionnés vont de $3 à $6 milliards. Selon les estimations de Parlement ukrainien, l’ensemble des dommages est estimé entre $8 et 10 milliards. Ces sommes doivent être incluses dans les revendications pour compenser les dommages infligés à l’Ukraine à la suite de l’agression armée russe.
Objectif final des demandes d’indemnisation – sanctions de confiscation
La poursuite des demandes de compensations par les anciennes républiques soviétiques contre la Fédération de Russie est une arme polyvalente de l’Ouest.
Tout d’abord, c’est un instrument dans la guerre psychologique et idéologique de l’information pour attiser l’hystérie anti-russe en falsifiant l’histoire.
Ensuite, c’est un prolongement de la guerre économique. Les montants estimés n’ont aucun fondement et manifestent une incompétence totale, mais ils constitueront probablement la base des demandes d’indemnisation qui doivent être approuvées par les parlements des pays qui ont subi des dommages avant d’aller devant les tribunaux internationaux. Les verdicts sont connus d’avance.
Quand la Russie refusera de se conformer aux décisions de justice, l’Occident lancera une nouvelle vague de sanctions économiques qui n’ont encore jamais été utilisées. On pourrait les appeler sanctions de confiscation. Les réserves de la Fédération de Russie pourraient être gelées (saisies et confisquées). Si ce n’est pas suffisant, ils saisiront (confisqueront) les actifs russes à l’étranger.
la Russie doit-elle se préparer à la guerre de confiscation?
Selon la Banque de Russie, au 1er octobre 2014, les avoirs extérieurs de la Fédération de Russie étaient de $1 410 milliards, y compris les investissements directs $467, les investissements de portefeuille $63, les dérivés $9 et les autres, $471, les avoirs de réserve de change (d’or) $454. Voyons ce que les autres, la plus grande catégorie, comprend: la trésorerie et les dépôts bancaires $161, les prêts $201, les crédits commerciaux et avances $32, les autres investissements $23. C’est loin d’être tout.
La somme devrait être au moins doublée. Ce ne sont que les investissements en capitaux enregistrés par la Banque centrale. Il y a les investissements qui vont à l’étranger par des voies illégales surveillées par l’Occident et qui seront saisis sur décision des tribunaux en cas de besoin. C’est facile à faire. La gamme de prétextes est large: propagande anti-américaine, «l’empiétement sur les droits des gays», l’occupation soviétique et les dettes impayées de la Russie tsariste.
En prenant en considération la façon dont est exacerbé le face-à-face en cours entre la Russie et l’Occident, la Russie devrait agir immédiatement pour mettre ses actifs étrangers loin de l’impact possible des sanctions de confiscation. Rien n’est fait, ou très lentement et très peu. Selon la Banque de Russie, les actifs étrangers russes étaient égaux à $1,514 milliards au 1er juillet 2014. Ils ont diminué seulement $103,5 milliards, soit 7%, au troisième trimestre de l’année. La Banque de Russie dit que si l’Occident commence à confisquer les actifs de la Russie à l’étranger, la Russie répondra par la confiscation des avoirs occidentaux sur son sol. Ce n’est pas une mesure efficace. Il y a un déséquilibre entre les avoirs russes à l’étranger et les avoirs étrangers en Russie. Comme je l’ai déjà mentionné, les actifs étrangers russes sont égaux à $1 411 milliards contre 1 178 milliards. Il y a un déséquilibre de 233 milliards de dollars, sans compter les investissements russes occultes à l’étranger.
Que faut-il faire?
La situation nécessite une dé-offshorisation rapide de l’économie russe. Cela pourrait se faire par l’émission d’un décret présidentiel rendant obligatoire le retour en Russie des avoirs à l’étranger. Physiquement, ils sont ici – matérialisés dans les entreprises industrielles, les chemins de fer, les hauts fourneaux, les puits de pétrole, les centrales électriques, les gisements minéraux, etc. Mais de jure ces actifs sont dans l’Ouest, cotés sur les bilans des sociétés offshore ou parallèles. Pour éviter ce qui est arrivé dans le cas de Ioukos, les actifs doivent être retournés à la Russie de jure sans perdre de temps. Un mois est suffisant pour ré-enregistrer une société offshore; certains consultants juridiques proposent de le faire de toute urgence dans les 24 heures. Les magnats et autres entrepreneurs qui ne sont pas prêts à le faire devraient être incités à prendre la décision difficile. C’est possible si l’ordre stipule qu’une entreprise qui n’a pas changé son enregistrement au bout d’un mois verra ses actifs physiques nationalisés. La nationalisation ne peut pas détériorer les relations entre la Russie et l’Occident, au point où elles en sont. La relation ne peut pas être pire, de toute façon. Et il n’y a pas de temps à perdre. La nationalisation est un instrument important de la mobilisation de la société et de l’économie dans les périodes de guerres froides ou chaudes.
La relation actuelle entre la Russie et l’Occident ressemble beaucoup à la situation de la première moitié de 1918, lorsque d’anciens alliés de l’Entente cordiale [ France et Grande-Bretagne, NdT] se préparaient à une intervention en Russie. Il y avait une cinquième colonne à l’intérieur de la Russie, représentée par des entreprises à participation étrangère jouant le jeu de l’Entente et sapant la situation de l’intérieur. Cela a incité les bolcheviks à lancer le processus de nationalisation des propriétés étrangères sur le sol russe. En ces temps-là, la Russie se préparait contre toutes les infortunes.
Valentin Katasonov
Valentin Katasonov est chroniqueur à la Strategic Culture Foundation. Il a écrit notamment Interest: Loan, Justiciable, Reckless: «The Money Civilization» and the Present-Day Crisis
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone