Un « accord » tripartite entre les États-Unis, l’Arabie saoudite et Israël fera-t-il une différence ?


L’image de la Maison Blanche faisant la leçon et s’opposant aux politiques de Netanyahou peut sembler « dure » … mais cette « danse » élaborée – que Biden et Netanyahou se rencontrent ou non – fera-t-elle la moindre différence ?


Par Alastair Crooke – Le 16 septembre 2023 – Source Al Mayadeen

The Financial Times adopte un ton plus sombre : la déclaration finale du G20 sur l’Ukraine a été « un coup dur pour les pays occidentaux qui ont tenté de convaincre les pays en développement de condamner Moscou et de soutenir l’Ukraine au cours de l’année écoulée » , ajoutant avec morosité que cette dernière déclaration ne contenait même pas l’expression « agression russe contre l’Ukraine » , comme c’était le cas auparavant. « Aujourd’hui, » déplore le FT, « il n’y a plus de formulation de ce type. »

Cette omission peut sembler symbolique, mais elle est directement liée à l’incapacité de l’Ukraine à progresser dans son offensive contre les lignes de défense russes. C’est ici que le symbolisme parle plus fort que les mots : l’omission indique que les élites collectives occidentales ne sont pas en phase avec le reste du monde. Washington devra « faire face » aux conséquences de l’échec de son projet – et le gérer à partir d’une position de faiblesse inhabituelle, plutôt que par le biais d’une pression collective sur Moscou.

Il aurait dû être évident, si peu de temps après l’expansion des BRICS et le sommet africain de Saint-Pétersbourg, que le sentiment collectif mondial avait tourné au vinaigre à l’égard de l’« ordre fondé sur des règles » en vigueur, et qu’il était entré dans un mode tout à fait radical.

Pourtant, une grande partie des strates dirigeantes n’a toujours pas « capté » que le changement est imminent.

Les habitudes de l’« ancien ordre » ont tendance à évoluer lentement. Nous revenons donc à une danse à l’ancienne et à une musique qui évoque une autre époque : le Premier ministre israélien rencontrera-t-il directement Biden, soit en marge de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre, soit dans le bureau ovale de la Maison-Blanche ? Ces pirouettes et ces circonvolutions se poursuivent depuis neuf mois maintenant, dans un climat d’anticipation haletante.

Il y a, bien sûr, de vrais enjeux au cœur de ce spectacle : les États-Unis aimeraient que Netanyahou se joigne au boycott technologique de la Chine et, d’une manière générale, qu’il contribue à diminuer le poids de la Chine. Deuxièmement, l’équipe Biden aimerait que le gouvernement israélien renie son projet de réforme judiciaire et, troisièmement, qu’il « jette un os ou deux aux Palestiniens » afin de persuader l’Arabie saoudite de normaliser ses relations avec Israël dans le cadre d’un accord tripartite (États-Unis, Arabie saoudite, Israël).

Cet « accord » supposé s’articulerait autour d’un pacte de défense américano-saoudien – comprenant des garanties de sécurité américaines, un contrat d’armement de plusieurs milliards de dollars et un réacteur nucléaire – en échange d’une reconnaissance saoudienne d’« Israël » , d’un apaisement des relations avec la Chine et de mesures israéliennes tangibles visant à améliorer la vie des Palestiniens.

Avec cette énumération rapide de la liste de souhaits de Biden, ce qui ressort immédiatement, c’est qu’aucune des grandes « demandes » américaines n’est dans l’intérêt de Netanyahou :

Se séparer de la Chine dans le domaine de la technologie ? Pas question ; « Israël » s’est autoproclamé « nation des start-up technologiques » .

Le 12 septembre, la Cour suprême « d’Israël » examinera les requêtes visant à faire invalider la loi adoptée en juillet par la Knesset, qui supprime le caractère « déraisonnable » du critère selon lequel la Cour peut décider d’annuler les lois adoptées (valablement) par le Parlement.

Cependant, le président de la Knesset, Amir Ohana, a déjà déclaré que la Cour suprême devrait reconnaître les limites de son pouvoir, qu’elle ne peut pas annuler une loi fondamentale et que la Knesset ne doit pas être foulée aux pieds. En clair, le ministre dit que le gouvernement ne se conformera pas à la loi si la Cour annule le vote de la Knesset de juillet. Et Netanyahou a approuvé la déclaration d’Ohana. Donc, « non » – mettre en danger sa coalition n’est pas dans l’intérêt de Netanyahou.

La réalité est que Netanyahou est « l’otage » de sa coalition et non l’inverse. La réalité, c’est aussi que ces derniers mois, des communautés palestiniennes entières entre Ramallah et Jéricho ont été chassées (c’est-à-dire épurées) par la violence des colons, ouvrant ainsi la voie à une prise de contrôle totale par Israël de milliers d’hectares de terres.

Gideon Levy a prévenu qu’un « incroyable transfert de population » était en cours en Cisjordanie.

Oui, une séance de photos avec Biden est considérée comme susceptible de crédibiliser les perspectives électorales de Netanyahou à l’intérieur du pays. Pour Biden, l’image de la Maison Blanche faisant la leçon et s’opposant à la politique de Netanyahou peut sembler « dure » … mais cette « danse » élaborée – que Biden et Netanyahou se rencontrent ou non – fera-t-elle la moindre différence ?

Dans le contexte d’une géopolitique qui entraîne le monde vers une nouvelle disposition politique, commerciale et économique, il est difficile de comprendre pourquoi cette question retient autant l’attention.

Même si les présidents Xi et Poutine étaient absents du G20, leur « présence » a dominé la réunion. La réduction des relations d’« Israël » avec la Chine arrêtera-t-elle la vague qui va dans le sens de la Chine ? Les « garanties de sécurité » américaines pour l’Arabie saoudite, même si elles sont approuvées par le Congrès, feront-elles une différence significative, étant donné la transposition stratégique du Royaume visant à rejoindre les BRICS et l’OCS ? L’octroi d’un milliard de dollars à Mahmoud Abbas changerait-il la situation dans le chaudron palestinien en ébullition ?

Ce qu’il faut retenir, c’est que le face-à-face rancunier en « Israël » entre deux blocs irréconciliables de la société israélienne est un état de fait. Un mot de Washington ici ou là ne changera pas la dynamique puissante et instable déjà en marche.

Les vieilles habitudes, cependant, perdurent… bien au-delà de l’époque où les vieux rituels (une visite du Premier ministre israélien dans le bureau ovale) avaient une influence et où le monde était suspendu au résultat. Toutefois, comme le G18 vient de le démontrer, c’est la façon dont le drame ukrainien se déroulera qui marquera la géopolitique mondiale. Le « paquebot » du Moyen-Orient est en train de monter en pression au Liban, en Palestine, en Syrie et en Irak. L’Occident est-il à nouveau désynchronisé par rapport à des réalités inconfortables ?

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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