Par Dmitry Orlov – Le 8 mars 2016 – Source Club Orlov
Selon Kaczynski, nous avons besoin de rejeter les technologies dépendantes d’une organisation qui nous lient dans la Technosphère, et cultiver celles d’une organisation indépendante:
La technologie à petite échelle est une technologie qui peut être utilisée par des petites communautés sans aide extérieure. La technologie dépendante d’une organisation est une technologie qui dépend d’une organisation sociale à grande échelle [et donc complexe, NdT]. Il n’y aucun cas significatif de régression de la technologie à petite échelle. Mais la technologie dépendante d’une organisation régresse elle-aussi lorsque l’organisation sociale dont elle dépend tombe en panne.
Plus facile à dire qu’à faire! Cela implique l’élimination d’à peu près tout ce qui permet aux gens de survivre. Cela implique de vivre sans électricité, même pas avec des réseaux utilisant des piles, des cellules photovoltaïques ou des générateurs à base d’éoliennes à petite échelle. Cela signifie vivre sans pomper d’eau car les pompes, les tuyaux et les valves nécessaires sont tous des produits manufacturés. Cela signifie vivre sans électronique de toute nature, puisque l’industrie de l’électronique est globalement intégrée. Pas d’Internet; pas de vaccinations; pas d’orthodontie; pas de lunettes; pas d’antibiotiques ou d’analgésiques… Rien de ce qui est produit en masse… Cela signifie vivre de la terre en utilisant des outils rudimentaires que vous pouvez fabriquer vous-même dans une forge primitive en utilisant du métal récupéré. Très peu de gens pourraient se contenter de ça!
Désolé, Ted, mais nous avons besoin d’un meilleur système de mesure sur lequel baser nos décisions, qu’un simple tri des technologies entre celles dépendant d’une organisation et celles ne dépendant pas d’une organisation, et de nous priver de toutes celles dépendant d’une organisation complexe. Alors que diriez-vous de ceci: définir une liste assez complète des aspects positifs et négatifs de la technologie, puis sélectionner les technologies que nous utilisons dans le but de maximiser les avantages tout en minimisant les dommages?
Calcul du rapport préjudices / bénéfice
Contrairement à l’approche primitiviste, extrémiste, décrite ci-dessus, celle ci est une initiative constructive parfaitement adaptée, même si je crois que le résultat final sera exactement le même, mais réalisé plus progressivement. Vous voyez, l’analyse préjudices / bénéfices maximise le bénéfice de la technologie pour nous, tout en minimisant les dommages de la technologie pour nous – pas pour la Technosphère. Et je peux conjecturer que, sur la base des aspects de la technologie que nous considérons comme positive ou négative, nous pouvons structurer le processus afin que tout ce qui nous aide vraiment réduise la Technosphère, et vice versa.
Voici 30 aspects de la technologie, sans ordre particulier, qui, pour chaque technologie, va prendre une valeur quelque part entre nuisible et bénéfique:
préjudices | bénéfices | |
1 | toxiques / radioactifs | inerte / biodégradable / comestible |
2 | jetable | réutilisable |
3 | obligatoire | optionnel |
4 | durée de vie utile limitée | durée de vie illimitée |
5 | favorise la dépendance | favorise l’autonomie |
6 | normalisée | sur mesure |
7 | cher | gratuit |
8 | obsolescent | perpétuel |
9 | à usage unique | à usage multiple |
10 | épuise les ressources | préserve les ressources |
11 | artificiel | naturel |
12 | synthétique | organique |
13 | industriel | artisanal |
14 | limité en options | ouvert à des possibilités |
15 | transnational | local |
16 | exige des spécialistes | nécessite des généralistes |
17 | classifiable | inclassable |
18 | analytique | intuitif |
19 | usage individuel | utilisation communautaire |
20 | nouveau | recyclé |
21 | commerce de détail | commerce industriel |
22 | rarement utilisé | fréquemment utilisé |
23 | en réseau | autonome |
24 | alimenté | non alimenté |
25 | automatique | manuel |
26 | sous licence | générique |
27 | propriétaire | open-source |
28 | enregistré | anonyme |
29 | nécessite un accès | nécessite des compétences |
30 | effort individuel | travail d’équipe |
Pour analyser une technologie particulière, additionner ses préjudices, p, et ses bénéfices, b. Pour déterminer son ratio préjudice/bénéfice (RPB), diviser l’un par l’autre:
RPB = p / b
[Cliquez ici pour télécharger un calculateur préjudice/bénéfice en format tableur.]
Notez qu’il n’y a rien de magique dans les 30 critères énumérés ci-dessus pour évaluer une technologie, et vous pouvez modifier cette liste ou venir avec un jeu de critères entièrement différent. C’est seulement une façon d’évaluer les avantages et les inconvénients de la technologie, mais avec une vue particulière à l’esprit: ce qui est considéré comme bénéfique est ce qui est bénéfique pour vous, votre environnement local, humain ou naturel, ce qui vous rend autonome, auto-suffisant et libre. Ce qui est considéré comme dangereux est ce qui perturbe l’environnement naturel tout en vous privant d’autonomie, d’auto-suffisance et de liberté, vous forçant à abandonner le contrôle à des entités non humaines, impersonnelles et distantes.
La technologie n’est ni bonne ni mauvaise, et elle est essentielle pour la survie. Notre travail consiste à choisir avec soin, à adopter les technologies qui libèrent et nous renforcent et à chercher des moyens d’éviter ou d’éliminer celles qui nous affaiblissent, nous rendent dépendants des intérêts et des forces extérieures, et peuvent même entraîner notre extinction comme espèce et avec tout le reste (oui, il existe ce genre de technologies).
Si nous faisons bien ce travail, alors nous réduirons la Technosphère comme entité globale totalitaire, maligne, oppressive avec laquelle la technologie a été autorisée à fusionner. Le mécanisme par lequel la Technosphère se rétrécira est simple à décrire, mais assez difficile à évaluer de façon quantifiable. Parfois, pourtant, une telle évaluation quantifiable n’est pas nécessaire; tout ce qui est nécessaire, c’est la capacité de prédire avec confiance que le résultat requis sera obtenu par une certaine quantité finie d’un effort physiquement réalisable. Par exemple, il n’y a pas besoin de modèles mathématiques précis pour estimer combien de coups de bâtons il faudra pour casser une piñata; il suffit de savoir qu’un certain nombre raisonnable de coups est suffisant pour obtenir les bonbons à l’intérieur. C’est cela, une certaine quantité d’effort, dont nous, les humains, étant adaptables et débrouillards, sommes certainement capables, à condition d’y être suffisamment incités et motivés, et cela produira le résultat que nous recherchons.
Le Technosphère se dilate quand elle gagne en efficacité. L’efficacité en question n’est pas une mesure relative de la quantité de sortie utile pour une certaine quantité en entrée. Au contraire, c’est l’efficacité systémique de la Technosphère dans son ensemble: est-ce que cela ne serait pas, toutes choses étant égales par ailleurs, le fait d’obtenir une plus grande mesure de contrôle sur nous? Si nous choisissons des technologies qui nous poussent à abandonner le contrôle de la Technosphère, alors nous faisons le travail pour elle, la rendant plus efficace. À l’inverse, si nous choisissons des technologies qui privent spécifiquement la Technosphère de contrôle ou rendent l’exercice de ce contrôle plus coûteux en termes de temps, de ressources et d’énergie, nous réduisons son efficacité et sa portée.
Et cela va l’amener à se rétrécir. Cet effet est automatique. L’intelligence émergente de la Technosphère est l’intelligence d’une machine. Sa programmation interne est telle qu’elle agit toujours de façon rationnelle dans son propre intérêt interne. Pour la Technosphère, la fin justifie toujours les moyens, à l’exclusion de toute autre considération. Ces extrémités sont: une croissance et une expansion illimitée; une domination complète de la biosphère; et un contrôle complet sur nous les humains. Si nous réussissons à la déjouer jusqu’à un point où un effort accru conduit à une diminution des résultats, alors, comme être rationnel, elle n’aura pas d’autre choix que de diminuer son effort… et rétrécir. Ce processus, s’il est mené assez tôt, peut réduire la Technosphère à un ensemble de simples instruments, dans lesquelles nous pourrons choisir à la carte tout en l’empêchant de poursuivre son propre agenda, organisée sous forme de services à la carte mais poussée à diminuer et à disparaître dans le cas contraire.
Dmitry Orlov
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone
Note de l’auteur
Suite à un traducteur erronée de harm par coût et non par préjudice, voici son argumentation qui mérite toute sa part dans l’article
S’il vous plaît, veuillez noter, et vous rappeler, que l’analyse des préjudices / bénéfices n’a rien à voir avec sa banal et cousine analyse, coût / bénéfice. Le technosphère aime l’analyse coût / bénéfice, parce que son hypothèse sous-jacente est que tout peut être quantifié en termes de valeur monétaire, rend tout et tout le monde marchandisable, en élargissant le contrôle de la technosphère sur nous et la biosphère.
Alors qu’un préjudice ne constitue pas un coût, et l’estimation des dommages en termes de coût est une approche complètement abscons. Ni la biosphère ni l’esprit humain n’acceptent aucune sorte de restitution monétaire pour le préjudice qui leur est causé. D’autre part, en demandant combien vaut votre autonomie, votre auto-suffisance et votre liberté en termes financiers est équivalent à demander combien vous valez en tant qu’esclave. En ce qui concerne le préjudice que la technosphère provoque à la biosphère, nous devrions demander non une indemnisation, mais une réduction de ses activités. En ce qui concerne l’esclavage, nous devons nous efforcer de ne pas être des esclaves, et, à défaut, chercher à être les esclaves les plus inutiles que nous pouvons être, si possible, pire que rien. Nous ne devrions jamais demander combien «coûtent» les extinctions des éléphants d’Afrique, du rhinocéros blanc; à la place, nous devrions tout simplement demander si ces extinctions sont nuisibles ou bénéfiques. Et comme elles sont nuisibles, nous mettons une croix dans la case préjudice pour les technologies qui poussent ces animaux vers l’extinction, ainsi que sur tous ceux qui permettent le commerce international de l’ivoire, des cornes de rhinocéros et des produits forestiers.
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