Le 19 février 2015 – Source Moon of Alabama
Hier, l’Armée arabe syrienne a essayé de dégager les villages de Nubl et de al-Zahraa assiégés pas les insurgés et de fermer le couloir entre la ville d’Alep et la frontière turque au nord. Les troupes avaient pris trois villages et presque réussi à encercler Alep quand elles ont été assaillies par des centaines d’ennemis venant de la direction de la frontière turque qui les ont repoussées une fois de plus.
On pouvait voir, sur une vidéo sanglante (maintenant supprimée), plusieurs dizaines de combattants de l’Armée arabe syrienne massacrés dans ce qui semblait bien être une embuscade très bien organisée.
C’est curieux, parce que les groupes d’insurgés qu’on trouve habituellement dans la région ne sont pas réputés pour leurs qualités de stratèges.
Des sources du régime disent que ce qui explique le caractère particulièrement féroce de la bataille d’hier, c’est le soutien de la Turquie à ces groupes armés, comme en témoigne le transfert de combattants et de fournitures militaires depuis l’intérieur de la Turquie vers les campagnes du nord d’Alep, y compris des combattants caucasiens qui rendent directement compte aux services de renseignement turcs.
Sur Twitter, un certain Ömer Khan, qui prétend être un soldat turc et qui est un fervent partisan de l’opposition syrienne, fait les remarques suivantes (1, 2, 3) en regardant les images horribles des soldats morts:
Contre qui se battait l’AAS dans #Mallah? Pour une armée régulière, il est facile de cibler la tête, beaucoup moins pour les #Rebelles.
Crânes de l’AAS brisés / touchés en plein dans les yeux. C’est très probablement du boulot d’unités spéciales, pas d’org rebelles.
#Alep. Ceux qui ont tué ces AAS n’étaient pas de simples rebelles, les pro-reg dénoncent une intervention turque.
Je suis d’accord. Ceux qui ont attaqué ces troupes syriennes devaient avoir, contrairement aux insurgés ou aux djihadistes habituels, une vaste expérience professionnelle de forces spéciales.
Ce n’est pas la première fois que la Turquie intervient activement en Syrie. Des documents judiciaires turcs récemment publiés montrent que la Turquie, en plus de l’aide logistique, a soutenu les insurgés directement par des tirs d’artillerie dans plusieurs cas.
D’après de nouvelles informations, les États-Unis envisagent de donner des radios et d’autres équipements aux insurgés, aux Kurdes en particulier, pour effectuer des frappes aériennes. Mais les Etats-Unis ont déjà fourni ce type d’équipement, à Kobani, à quelques combattants kurdes sélectionnés pour se battre contre l’État islamique. Je ne crois pas qu’ils en donneront aux rebelles modérés ni que ces équipements seront utilisés contre l’armée syrienne.
Je ne crois pas non plus que les États-Unis vont vraiment former ou équiper davantage de combattants modérés anti-syriens. C’était l’ancien ambassadeur américain en Syrie Robert Ford qui poussait le plus à l’armement des rebelles. Il a maintenant changé de cap en admettant qu’il n’y avait pas de modérés qui pouvaient être armés sans danger:
Ford a accusé les rebelles de collaborer avec le Front Nusra, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, que les USA ont classée dans les organisations terroristes il y a plus de deux ans. Il dit que les luttes intestines se sont aggravées dans l’opposition et il déplore le fait que des groupes extrémistes règnent désormais dans la plupart des territoires qui échappent au contrôle du régime syrien.
Ford a dit qu’une partie du problème venait du fait que trop de rebelles – et leurs commanditaires de Turquie et du Qatar – prétendaient que Nusra était une force anti-Assad autochtone, alors qu’en fait c’était une filiale d’Al-Qaïda, dont l’idéologie était pratiquement identique à celle de l’État islamique.
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«Il devient impossible de mettre en place une opposition efficace quand on n’est même pas d’accord sur qui est l’ennemi ou pas», a-t-il dit.
Ford a dit que la dernière approche américaine consistant à abandonner l’ancien modèle rebelle pour construire une nouvelle force paramilitaire d’exception contre l’État islamique était vouée à l’échec; les rebelles syriens sont plus acharnés à faire tomber Assad qu’à lutter contre les extrémistes pour le compte de l’Occident et il y a trop peu de combattants qui prennent le projet au sérieux.
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Ford a déclaré que le temps était venu pour les responsables américains et leurs alliés d’avoir une conversation sérieuse sur l’éventualité de mettre des bottes sur le terrain, non sans toutefois s’empresser d’ajouter que les combattants n’avaient pas besoin d’être américains. Selon lui, une force professionnelle sur le terrain est le seul moyen d’arracher la Syrie aux djihadistes.
Sans le soutien de Ford, les lobbyistes de l’opposition syrienne et leurs amis de l’administration Obama ne seront pas en mesure d’obtenir le soutien des États-Unis.
Ford a raison de dire qu’une force terrestre professionnelle est nécessaire pour arracher la Syrie aux djihadistes. Cette force terrestre existe déjà. C’est l’armée arabe syrienne et ses alliés. Mais si le membre de l’OTAN allié des États-Unis qu’est la Turquie peut se permettre d’envoyer des forces spéciales aider les djihadistes à prendre cette force terrestre en embuscade et à la massacrer sans se faire rabrouer par Washington, il faudra des années et encore beaucoup de massacres sanglants pour en finir avec les djihadistes.
Traduit par Dominique, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone