Des économistes ukrainiens:
“Quittez le pays si vous le pouvez…”

Par Lidiya Baglayenko – Le 18 février 2015 – Source Fort Russ

du rêve au cauchemar EUROPÉEN

Le nouveau gouvernement ukrainien est installé depuis un an et non seulement le niveau de vie n’a pas augmenté, mais il a chuté de façon catastrophique.

Selon les experts, une des raisons de l’état critique de l’économie de l’Ukraine a été l’exagération du rôle de l’UE et son Accord d’association.

Causes et effets

«Les Ukrainiens qui ont cru à la propagande pro-européenne des médias, qui espéraient que l’association aurait pour résultat un miracle économique inouï, alors qu’en réalité, l’accord est humiliant pour l’Ukraine comparé à des accords similaires signés par d’autres pays, explique l’économiste et politologue ukrainien, Aleksandr Dudak. Il prive l’Ukraine des restes de sa souveraineté politique et économique. L’Europe prend tout, l’Ukraine n’obtient rien. L’Ukraine ouvre son marché sans obtenir l’accès aux marchés de l’UE. L’Ukraine n’a pas participé à  la division du travail dans l’UE et, dans le même temps, elle a déchiré les irremplaçables liens économiques avec l’Union eurasienne.»

«Selon l’accord, l’Ukraine doit demander l’approbation de l’UE si elle désire participer à une quelconque union économique internationale. Il n’ y a pas de sources d’aide économique autre que le FMI. Même si on ne peut pas appeler cela de l’aide, ni du point de vue légal ni en termes réels. La perte de liens économiques avait déjà provoqué une chute catastrophique dans le secteur manufacturier, qui a été exacerbée par l’escalade de la guerre dans le Donbass. A son tour, cela a fait baisser les exportations, a réduit les devises et accéléré l’effondrement du système bancaire et le marché des devises. La Banque nationale de l’Ukraine n’a pas les moyens de s’assurer de la stabilité dans ces conditions

«Par conséquent, ils sont en train d’introduire des limitations inappropriées sur le marché des devises, ce qui a paralysé à la fois les importateurs et les exportateurs. L’économie est soutenue par des forces externes, elle est dans un état zombie: le patient ne peut pas être guéri, mais sa mort ne convient pas à l’Ouest. L’Accord d’association comprend également des aspects politiques et militaires. Ils précisent que les forces armées ukrainiennes sont, en substance, subordonnées à l’Europe en termes de structures de sécurité, mais les intégrationnistes ukrainiens européens semblent l’avoir oublié.»

Au niveau du Sénégal et du Népal

La guerre, l’effondrement sans précédent de l’économie, l’inflation et la dévaluation, tout cela signifie que les Ukrainiens ne sont plus seulement pauvres, mais bien extrêmement pauvres.

«Les pensions mensuelles sont maintenant seulement de $36.50, alors que le salaire minimum est de $47. Gardez à l’esprit que la Banque mondiale définit le seuil de pauvreté à $1,25 par jour soit $37,50 par mois. Et ce n’est pas fini, vu que la hryvnia continue de s’effondrer

Aujourd’hui, le salaire moyen en Ukraine est environ le même qu’au Népal ou au Sénégal, selon l’économiste Alexander Okhrimenko. Par conséquent, toute discussion à propos de la possibilité que l’Ukraine serait sur le point de devenir membre de l’UE est un pur fantasme.

L’Ukraine a également battu un anti-record: son retard dans le versement des salaires totalise aujourd’hui 2,4 milliards de hryvnias. En d’autres termes, il a triplé en un an seulement.

Selon l’économiste Vsevolod Stepanyuk, aujourd’hui, le pays n’a pas les moyens de payer ces salaires, sauf peut-être en imprimant de l’argent. Mais cela signifierait une complète dévaluation de la monnaie.

«Tant que le gouvernement persistera à se livrer à des jeux politiques au lieu de s’occuper de l’économie, les revenus continueront à baisser, poursuit Okhrimenko. Il semble que, d’ici la fin de 2015, les Ukrainiens seront heureux s’ils ont un travail. Parce qu’obtenir un emploi sera de plus en plus difficile.»

Ce n’est que le début

Selon Okhrimenko, ce que nous voyons maintenant n’est pas la fin ou même le milieu de la crise, mais seulement le début.

«L’année prochaine, même $50 par mois semblera être un bon salaire. De grandes usines sont à l’arrêt et d’ici l’été, ce processus va s’accélérer. Après les usines, les sous-traitants seront fermés. C’est un excellent exemple d’une faillite – à la fois des banques et des entreprises, qui disparaissent tout simplement, et avec elles l’économie du pays. Parlez à des commerçants dans les bazars, et ils vous diront qu’ils ont pas de clients. Même le bazar est en train de mourir! Les gens n’achètent que de la nourriture et des produits usagés.»

L’économiste Andrey Martynyuk est du même avis: «Dans les conditions actuelles la production continuera à se réduire. Cela signifie que les gens seront mis en disponibilité ou envoyés en congé non rémunéré. Et le vrai chômage devrait atteindre au moins 20%.»

Selon Ulyana Maslova, la directrice d’un site de recrutement de main-d’œuvre internationale, le portail de chasseurs de têtes Ukraina, cet effondrement du marché pousse les entreprises à licencier les chargés de relations publiques, les  directeurs, les formateurs internes de l’entreprise, les publicitaires, les gestionnaires et les chauffeurs. Les réductions de personnel ont déjà commencé dans les institutions financières et les médias. Les prochains sur la liste sont le commerce et la construction liée à un financement hypothécaire.

Un seul moyen pour en sortir?

«L’Ukraine est en train de devenir un pays agricole qui n’a pas besoin d’autant de travailleurs, tout simplement. Cela signifie que les gens qui pensent à l’avenir songent à quitter le pays», explique Alexandre Dudchak.

«La Pologne a longtemps tenté de réaliser un projet visant à s’attirer la loyauté de la jeunesse ukrainienne. Comme  dit le vieil adage, si vous voulez conquérir un ennemi, élevez ses enfants. C’est pourquoi les Ottomans ont formé l’élite des janissaires, ces unités d’enfants des nations conquises.»

«Les jeunes Ukrainiens ont plus d’offres et de possibilités de recevoir une éducation en Pologne, en Lituanie, en Slovaquie ou en République tchèque, affirme Dudchak. En Pologne, le quota pour les Ukrainiens est de 20 000. De nombreux jeunes sont obligés de partir pour la Pologne, malgré la propagande. Qui restera en Ukraine? Quel est l’avenir de ce territoire quand une génération entière, la plupart des actifs et des gens de talent, auront quitté le pays? Dans le même temps, l’Europe n’est pas pressée d’ouvrir ses frontières et d’introduire la possibilité de voyager sans visa, qui a été la carotte pour les ânes ukrainiens, ce qui attirait beaucoup de monde sur le Maïdan.»

Dudchak estime qu’il n’a aucune raison d’espérer que des investisseurs créent des emplois en Ukraine: «L’argent aime la stabilité, et il faudra du temps avant que l’Ukraine soit tranquille. L’Ukraine n’attirera que ceux qui souhaitent acheter des terres, les vestiges de l’industrie à vil prix, dans l’espoir de gagner de l’argent à moyen et long terme.  Personne ne parle de nouveaux emplois. Le chômage va continuer à croître.»

Lidiya Baglayenko

Commentaire de J. Hawk, traducteur du Russe à l’anglais

 Il y a une alternative à quitter le pays, à savoir rejoindre la Novorussie. L’une des raisons pour lesquelles la junte de Kiev est  déterminée à détruire la Novorussie est qu’elle présente une alternative au choix européen. En plus, elle est viable et, plus le temps passe, plus cette possibilité devient attrayante.

Traduit par Toma, relu par jj et Diane.

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