Le 22 août 2016 – Source Moon of Alabama
La semaine dernière, un amiral chinois est allé à Damas et a promis le soutien de son pays. Le ministre d’État indien aux Affaires extérieures y a aussi fait un saut. Le chef adjoint du renseignement turc y est allé en secret. Auparavant, le président turc s’était rendu en Russie et le ministre turc des Affaires étrangères s’était rendu à Téhéran. Cela fait beaucoup de discussions entre des grands pays qui sont des acteurs importants du conflit en Syrie. Aucun d’entre eux, même pas Barzani, n’est dans le camp des États-Unis.
Je suppose que cette flambée diplomatique, qui court-circuitait Washington, a fait craindre aux États-Unis qu’une décision sur la Syrie ne soit prise sans eux. Ils devaient donc jouer leur propre carte. Voilà l’explication la plus probable pour les heurts soudains à Hasaka où les YPG (Unités de protection du peuple) kurdes syriens se sont brusquement décidés à chasser la garnison de l’armée syrienne qui protège la population arabe à cet endroit. Les forces spéciales américaines conseillent ces Kurdes.
La garnison de l’armée syrienne est isolée et les Kurdes sont bien capables de l’écraser. Ils ont donné aux soldats syriens le choix entre déposer les armes ou mourir. Le but de cette manœuvre est de créer un bloc nord-est en Syrie qui soit complètement sous contrôle kurde – et parsemé de nouvelles bases américaines. Cela donnerait aux États-Unis au moins un certain contrôle sur l’avenir de la Syrie. D’une manière ou d’une autre, les États-Unis doivent avoir réussi à soudoyer les YPG kurdes pour qu’ils créent ce mini-État au nord-est de la Syrie. Je crois que c’est une grave erreur de calcul de la part des Kurdes et qu’ils vont la regretter. Les États-Unis ne sont pas un ami fiable et ils ne défendront pas les Kurdes si les autres acteurs se retournent contre eux avec toute leur puissance.
Les Russes tentent actuellement de négocier un nouveau cessez-le-feu à Hasaka et pourraient eux aussi exercer une certaine pression. Auparavant, c’était l’armée syrienne et les Russes qui soutenaient les Kurdes et les approvisionnaient en armes et en munitions pour se défendre contre État islamique pendant que les États-Unis soutenaient les rebelles modérés. Se retourner maintenant contre leurs bienfaiteurs est de la trahison.
Pour le premier ministre turc, un tel mini-État kurde serait « inacceptable ». Il deviendrait la base arrière des Kurdes du PKK qui se battent en Turquie pour l’autonomie kurde. Le PKK tue une douzaine de membres des forces de sécurité turques par semaine. Mais le PKK ne pourra jamais gagner une guerre contre l’État turc. Seulement la moitié des Kurdes de Turquie, et probablement moins, les soutiennent, et même la gauche politique en Turquie, qui était favorable jusqu’à présent à une sorte de fédération, se retourne maintenant contre eux. Entraîner le front syrien dans cette lutte et se faire ainsi des ennemis supplémentaires n’a pas grand sens.
Avec le soutien aérien intensif des États-Unis, les YPG kurdes ont récemment chassé État islamique de Manbij. Les combattants d’État islamique ont été autorisés à partir avec leurs familles. Ils vont recommencer à se battre et à tuer dès que possible. Au nord de Manbij, à la frontière avec la Turquie, se trouve Jarablus (le point rouge sur la carte), qui est aussi aux mains d’État islamique actuellement. C’est la prochaine cible des forces kurdes (en violet) qui veulent annexer toute la région de la frontière syro-turque, de l’est à l’ouest, jusqu’à la Méditerranée.
Jarablus était un point d’approvisionnement très important pour État islamique tant que la Turquie permettait aux biens et aux personnes de franchir la frontière. Le flux semble s’être arrêté, du moins pour les grosses quantités. Ce n’est pas pour autant que les Turcs laisseront les Kurdes prendre la ville. L’artillerie turque frappe des cibles d’État islamique autour de Jarablus et un contingent de rebelles syriens modérés, c’est-à-dire des Turkmènes islamistes d’Asie centrale, se prépare en Turquie à traverser la frontière et à prendre Jarablus à État islamique. Des frappes d’artillerie turques atteignent aussi parfois les positions des YPG. Quel camp de ce combat à trois soutiennent les États-Unis ? Vont-ils, comme un expert fou le recommande, bombarder tout le monde pour le symbole moral que cela représenterait, et pour montrer qu’ils sont prêts à exercer leur rôle légitime de superpuissance ?
L’ingérence des États-Unis en Syrie crée de plus en plus de chaos. Bientôt tout le monde va se battre conte tout le monde. Est-ce leur objectif ? Quoiqu’il en soit, espérons que les nations plus grandes, plus anciennes et plus adultes que sont la Russie, l’Inde, la Chine et l’Iran, se mettront d’accord pour trouver une solution raisonnable et viable à ce conflit.
Traduction : Marie Staels
Ping : Revue de presse inter. | Pearltrees