Syrie, Irak – Le projet d’indépendance kurde a échoué. Pourquoi ?


Moon of Alabama

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Par Moon of Alabama – Le 17 octobre 2017

Le projet du clan kurde Barzani d’un Kurdistan indépendant dans le nord de l’Irak et au-delà a complètement échoué. Masoud Barzani, l’homme fort de la région kurde irakienne, avait appelé à un référendum pour détourner l’attention des problèmes financiers de son gouvernement. D’autres clans kurdes puissants ont considéré cela comme une ultime tentative de Barzani pour sauver sa position politique. Le référendum demandait l’indépendance, y compris dans « les zones kurdes en dehors de la région (du Kurdistan) ». C’était une tentative d’annexion. Les forces nationales irakiennes ainsi que les puissances internationales s’y sont opposées. Masoud Barzani et sa famille sont maintenant en passe de perdre leur position de leader.

Les diverses revendications unilatérales kurdes émises depuis 2003 vont devenir caduques. Le rêve de l’indépendance kurde en Irak et en Syrie est mort pour l’instant. C’est une bonne chose pour les deux pays.
Depuis 2003 et surtout depuis 2014, les Kurdes ont largement outrepassé leurs frontières d’origine. Ils ont occupé des zones habitées par des populations diverses et contenant des réserves pétrolières irakiennes d’importance cruciale. Cela fait des mois que le gouvernement irakien du Premier ministre Abadi, soutenu par son Parlement, son opinion publique et la communauté internationale, réclame le retour des Kurdes dans leurs frontières de 2003. Il a condamné leur projet d’indépendance illégale.
La famille mafieuse Barzani qui est au pouvoir a vendu le pétrole et empoché l’argent qui, selon la loi, appartenait au gouvernement fédéral irakien. La milice mafieuse des Barzani a occupé les postes frontières fédéraux avec les pays voisins et a gardé toutes les taxes douanières pour elle. Pendant ce temps, les enseignants et les autres agents publics de la région kurde ne recevaient plus leur salaire.
Le clan Barzani n’est qu’un des clans de la région kurde d’Irak. Historiquement, son principal concurrent est le clan Talabani. Les deux clans ont leurs propres partis politiques (KDP et PUK) et leurs milices. Les deux clans se sont battus l’un contre l’autre pendant une guerre civile dans les années 1990. Puis les Barzani ont demandé l’aide du président irakien Saddam Hussein pour vaincre leurs ennemis locaux.
Au cours de la dernière décennie, les Talabani ont été handicapés par leur patriarche en fin de vie Jalal Talabani. Après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, il avait renoncé à jouer un rôle majeur dans la région kurde en échange de la position honorifique de président irakien. Dès que Jalal Talbani est mort le 2 octobre, sa famille a affermi sa position. Elle a négocié un accord avec le gouvernement central irakien pour qu’il limite les pouvoirs quasi dictatoriaux des Barzani. Le général iranien Qassam Suleiman a contribué à faire aboutir l’accord.
Lorsque les forces gouvernementales irakiennes ont fait mouvement, comme cela avait été annoncé, pour reprendre Kirkouk aux Kurdes, les forces de la milice kurde (peshmerga) sous le commandement de l’UPK des Talibani se sont retirées comme prévu. Les miliciens sous le commandement du KDP de Barzani se sont retrouvés dans une position indéfendable et ont dû fuir en toute hâte.
Hier et aujourd’hui, les forces nationales irakiennes ont repris le contrôle de plusieurs grands champs de pétrole occupés par les Kurdes. Elles ont également repris le contrôle des postes- frontières avec la Syrie et la Turquie. Au bout de trois ans, les yézidi peuvent enfin retourner à Sinjar. Le barrage de Mossoul est à nouveau aux mains du gouvernement. Sans ressources pétrolières et douanières, la région kurde ne dispose pas des revenus nécessaires pour financer une indépendance régionale. Pendant que son projet s’effondrait aux yeux de tous, Masoud Barzani n’a pas prononcé un mot.
Le gouvernement irakien ne reprendra pas seulement le contrôle total des zones que les Kurdes sous Barzani ont illégalement usurpées, il exigera également de nouvelles élections régionales. Il est douteux que Masoud Barzani, ou l’un de ses fils, puisse remporter des élections locales après les désastres qu’ils ont causés par leurs abus.
En Syrie, les forces kurdes YPG / SDF ont pris aujourd’hui le contrôle total de Raqqa. Il faudra des mois pour effacer les derniers restes de l’EI. Il faudra des années pour reconstruire la ville car elle a été en grande partie détruite par le soutien aérien des États-Unis pendant les combats contre le groupe État islamique.
À Deir Ezzor, les dernières positions d’État islamique s’effondrent sous les attaques des forces gouvernementales syriennes. Dans quelques jours ou quelques semaines, la ville et la campagne seront également entièrement libérées.
La guerre contre État islamique touche à sa fin. Le projet d’indépendance kurde en Irak est mort. Les Kurdes en Syrie vont maintenant être ramenés à leur taille initiale. Avec moins de 8% de la population, les Kurdes dirigés par les YPG ont pris le contrôle de 20% des terres et de 40% des ressources en hydrocarbures. Ils vont devoir renoncer à leurs conquêtes.
Les forces kurdes en Syrie avaient reçu un soutien matériel et personnel des forces américaines. La plus grande partie des équipements et des munitions est arrivée dans des avions américains à Erbil, la capitale de la région kurde en Irak, et de là a été transportée par voie terrestre à travers les postes frontières irako-syriens qui étaient sous le contrôle des Barzani. Le gouvernement irakien à Bagdad va maintenant reprendre le contrôle de ces passages. L’approvisionnement en matériel américain des régions kurdo-syriennes ne pourra plus être assuré.
Les États-Unis ont longtemps soutenu l’autonomie kurde en Irak. Ils ont maintenant pris le parti du gouvernement central irakien. Les Kurdes (de Barzani) ont été laissés dans l’expectative. Cela n’a sûrement pas échappé aux Kurdes de Syrie et ils vont agir en conséquence.
Pendant ce temps, les forces turques ont envahi le gouvernorat d’Idleb dans le nord-ouest de la Syrie et ont presque encerclé l’enclave kurde d’Efrin. Sans la Russie, Erdogan aurait poursuivi son avancée. Le week-end dernier, le chef militaire des YPG / SDF en Syrie, Sipan Hamo, s’est rendu à Moscou. Il veut que les Russes protègent Efrin mais il devra en payer le prix.
Les Kurdes en Syrie devront se réconcilier avec le gouvernement syrien. Le soutien politique de Washington n’est absolument pas fiable. Sans soutien aérien américain, les positions militaires kurdes ne tiendront pas. Leur approvisionnement est maintenant potentiellement sous le contrôle de Bagdad qui est un allié du gouvernement syrien. Seul Damas et ses alliés à Moscou peuvent empêcher la chute d’Efrin.
Les Kurdes n’ont plus d’atout dans leur jeu. Tout ce qu’ils peuvent espérer, c’est que la Russie les aidera à obtenir une certaine autonomie fédérale dans les régions de Syrie où ils sont majoritaires. Ils devront renoncer à tous leurs autres gains.
Les forces sionistes, qui veulent balkaniser la Syrie, vont tout faire pour empêcher les Américains de se retirer de Syrie. Certains membres de l’armée américaine voudront maintenir leur alliance avec les Kurdes syriens. Mais la Turquie et l’Irak ne veulent pas que les États-Unis continuent à soutenir les forces kurdes. En l’absence d’une voie d’accès aérienne, terrestre ou maritime sûre, l’armée américaine ne peut pas continuer à s’impliquer en Syrie sur le long terme. De plus, elle n’a rien à y gagner.
Je pense que le président Trump et les médias américains vont déclarer que les États-Unis ont remporté une glorieuse victoire sur État islamique dans sa « capitale » de Raqqa. Puis Trump va ordonner aux militaires américains de quitter le pays.  Il y aura encore une présence minimale pendant quelques mois mais aucune opération importante. Ce qui reste d’État islamique dans l’Est de la Syrie sera éliminé par l’armée syrienne et ses alliés.
 Au cours des dernières décennies et surtout depuis que l’insurrection salafiste (instiguée par des pays étrangers) a affaibli les États de Syrie et d’Irak, les Kurdes ont réalisé d’énormes avancées politiques et territoriales. Mais ils sont devenus trop gourmands et ne se sont pas rendus compte qu’ils ne pourraient pas les consolider. L’Irak et la Syrie ont repris du poil de la bête. Les alliés « occidentaux » des Kurdes ont redécouvert que leurs intérêts stratégiques étaient mieux servis par des États-nations intacts.
Comme je l’ai écrit ailleurs, les Kurdes sont un peuple extrêmement divers :
 
« Il y a quatre langues kurdes qui ne se comprennent pas les unes les autres. Il y a une douzaine de religions parmi les Kurdes bien que la majorité soit (soufi) sunnite. Ils ont été scolarisés et éduqués dans quatre États différents. Il y a des conglomérats tribaux ou des clans comme les Barzani et les Talibani qui ont leurs propres partis politiques et sont dirigés par des mafias patriarcales familiales. Il y a des membres du culte anarcho-marxiste d’Özalan tandis que les Kurdes salafistes voisins ont rejoint État islamique et ont ensuite tué les Kurdes Yezidi voisins. Aucun de ces groupes n’a une vision éclairée ou démocratique du monde.
 
Les Kurdes n’ont jamais obtenu d’État et n’en obtiendront jamais parce qu’ils sont trop différents les uns des autres et n’ont pas assez de sentiment d’unité nationale. Ils préfèrent se battre les uns contre les autres que d’accepter un dirigeant commun. »
Au cours des siècles, le peuple kurde n’a jamais réussi à se mettre assez d’accord pour former un État-nation viable. L’échec de leur dernier projet d’indépendance ne fait que confirmer cette déficience.
Traduction : Dominique Muselet

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