Syrie – Inconsistant, incomplet et invraisemblable, le rapport de l’OIAC sur Saraqib est un scandale !


Moon of Alabama

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Par Moon of Alabama – Le 17 mai 2018

Le 4 février, deux jours avant une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur les questions relatives aux armes chimiques, un hélicoptère de l’armée syrienne se serait rendu dans le gouvernorat d’Idleb, tenu par al-Qaïda. Il aurait réussi à échapper aux défenses aériennes assez efficaces des terroristes, et il aurait largué deux bouteilles de gaz de chlore près d’un entrepôt agricole sans valeur militaire, à 40 kilomètres de la ligne de front. Onze hommes en âge de combattre qui vivent sur le territoire contrôlé par al-Qaïda auraient été touchés par le gaz libéré, mais aucun d’entre eux n’aurait été gravement blessé.

Cette histoire à dormir debout sert de base à un récent rapport de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Toutes les « preuves » de ces événements proviennent d’organisations qui coopèrent étroitement avec al-Qaïda et d’autres groupes militants « rebelles » en Syrie et qui sont payées par des gouvernements « occidentaux » opposés à la Syrie. Cette histoire sans queue ni tête est relayée par la presse « occidentale », sans la moindre question de la part des journalistes.

Le Guardian britannique écrit :

« La mission d’enquête de l’OIAC sur l’attaque de Saraqeb a permis de déterminer que ‘du chlore a été libéré des bouteilles par impact mécanique le 4 février’, a-t-elle annoncé mercredi. Les conclusions de l’équipe étaient fondées sur la découverte de deux bouteilles dont on a déterminé qu’elles contenaient auparavant du chlore.

(…)

Cet incident n’est nullement la pire attaque à l’arme chimique de la guerre civile qui dure depuis sept ans, mais 11 personnes ont été traitées pour des difficultés respiratoires. Des observateurs occidentaux ont déclaré que l’utilisation d’hélicoptères dans l’attaque suggérait l’implication du gouvernement syrien puisque l’opposition n’avait pas d’hélicoptère. »

Saraqib dans le gouvernorat d’Idleb est aux mains de l’opposition syrienne depuis fin 2012/début 2013. En avril 2013, les forces « rebelles » syriennes ont prétendu qu’une attaque chimique au Sarin avait eu lieu à Saraqib. Cependant, une seule personne est morte, soi-disant d’une intoxication au sarin, alors qu’on n’a trouvé aucune trace de Sarin sur deux autres personnes affectées.

Le 4 février 2018, il y a eu de nouvelles allégations au sujet d’une « attaque chimique » à Saraqib. La ligne de front est loin de Saraqib. Aucune opération militaire n’y a eu lieu depuis des années. Les allégations d’« attaque chimique » sont arrivées (comme d’habitude) à un moment politique opportun :

« Amnesty International a accusé le régime d’Assad de faire preuve d’un ‘mépris total’ du droit international à la suite d’une attaque au gaz de chlore sur la ville de Saraqib dimanche. Cette dernière attaque chimique est survenue la veille du jour où le Conseil de sécurité de l’ONU a échoué à s’entendre sur une déclaration proposée lundi par les États-Unis condamnant l’utilisation continue d’armes chimiques dans ce pays déchiré par la guerre. »

Le rapport d’Amnesty International se fonde uniquement sur des « témoignages » anonymes d’organisations de propagande financées par des pays qui s’opposent au gouvernement syrien :

« Amnesty International s’est entretenue avec un volontaire de la Défense civile syrienne qui a dit être arrivé sur les lieux quelques minutes après qu’une bombe baril − la source apparente du gaz − a atterri dans un champ à 50 mètres d’un entrepôt agricole. Il n’y avait aucun signe de cibles militaires à proximité de l’endroit de Saraqeb où est tombée la bombe. Saraqeb se trouve dans la province nord-ouest de Idleb, à 41 km de la ligne de front la plus proche.

Un deuxième membre de l’équipe de la Défense civile syrienne à Saraqeb a déclaré à Amnesty International qu’il avait vu des victimes arriver à une antenne médicale. ‘Quand ils sont arrivés, j’ai vu l’équipe de sauvetage respirer difficilement, puis s’évanouir. Les médecins m’ont dit que les symptômes des 11 personnes − y compris les trois volontaires de la Défense civile − correspondaient à une attaque chimique, probablement du chlore’, dit-il.

(…)

Les blessés, qui étaient tous des hommes, sont, depuis, rentrés chez eux. »

La « défense civile syrienne » est l’organisation de propagande des Casques blancs.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) est une organisation intergouvernementale chargée de mettre en œuvre la Convention sur les armes chimiques. Son organe actif est le Secrétariat technique qui est actuellement dirigé par le diplomate de carrière turc Ahmet Üzümcü. Il est financé par les 192 membres du Congrès.

Le rapport de l’OIAC sur Saraqib auquel le Guardian fait référence est intitulé :

RAPPORT DE LA MISSION D’ENQUÊTE DE L’OIAC EN SYRIE CONCERNANT UN INCIDENT PRÉSUMÉ A SARAQIB, RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE, LE 4 FÉVRIER 2018 (pdf)

Il y a déjà un premier problème avec le titre. Il laisse penser que la mission d’enquête de l’OIAC a eu lieu EN Syrie. Alors que, comme le rapport lui-même l’indique, aucun enquêteur de l’OIAC n’est entré en Syrie pour enquêter sur l’incident présumé de Saraqib.

Les enquêteurs de l’OIAC ont interrogé des « témoins » à l’extérieur de la Syrie. L’accès à ces témoins a été fourni par d’obscures « organisations non gouvernementales » financées par des gouvernements hostiles à la Syrie. Tous les échantillons environnementaux testés par les laboratoires de l’OIAC ont été prélevés par des « volontaires » rémunérés par l’organisation de propagande des Casques blancs. La continuité de la « chaîne de possession » des échantillons n’est pas garantie.

D’après le rapport :

« Le matin du 5 février 2018, la Mission d’établissement des faits de l’OIAC (FFM) a pris connaissance d’allégations concernant l’utilisation d’un produit chimique toxique comme arme à Saraqib, dans le gouvernorat d’Idlib. La FFM a évalué la crédibilité des allégations sur la base d’informations recueillies auprès de sources ouvertes et d’informations reçues de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG).

1.2 La FFM a interrogé divers témoins, notamment des blessés, des agents de santé et des premiers intervenants. L’équipe a également reçu des échantillons environnementaux qui avaient été prélevés sur les lieux de l’incident. »

Du matériel provenant de sources ouvertes d’origine inconnue, des ouï-dire de témoins fournis par des ONG qui affirment qu’une partie de leur propre personnel a été affectée par l’incident, et des échantillons environnementaux d’une provenance douteuse sont tout ce que l’OIAC avait. Le fait qu’une enquête ou un rapport se base sur des éléments aussi peu sûrs est déjà préoccupant en soi.

Le récit des événements décrits par  le rapport, sous la dictée des soi-disant « témoins », est invraisemblable :

« 5.9 Vers 21 heures, huit hommes réfugiés dans un sous-sol du quartier est d’Al Talil, dans la ville de Saraqib, ont entendu un guetteur annoncer à la radio qu’un hélicoptère était entré dans l’espace aérien de Saraqib par le sud-est. Vers 21 h 15, des témoins ont rapporté avoir entendu un hélicoptère survoler la ville et le bruit de deux ‘barils’ tombant et frappant quelque chose à proximité. Ils ont également indiqué qu’ils n’avaient pas entendu d’explosion.

5.10 Selon les déclarations des témoins, deux cylindres (ou ‘barils’ selon la plupart des témoins) sont tombés dans un champ ouvert entouré de constructions à environ 200 mètres au sud-ouest de la Banque agricole dans la partie orientale de Saraqib (voir la photo 3 ci-dessous), et de 50 à 100 mètres au sud-ouest du sous-sol mentionné au paragraphe 5.9 ci-dessus.

5.11 Les deux points d’impact se trouvaient dans ce champ ouvert d’une dimension d’environ 200 x 200 mètres, situé dans une cuvette de 3 à 4 mètres de profondeur par rapport à la zone urbanisée environnante. Les lieux de l’impact, tels qu’indiqués par les témoins, sont illustrés à la figure 3 ci-dessous. »

 

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J’ai souligné en gras les points du texte ci-dessus qui me font douter de l’histoire :

·         Aucun rapport ne fait état d’attaques aériennes ou de l’armée syrienne à Saraqib au cours des dernières années. La ville est aux mains des « rebelles » depuis fin 2012/début 2013. Les lignes de front sont éloignées et n’ont pas bougé depuis un bon moment. Saraqib est hors de portée de l’artillerie. Il n’y avait et il n’y a aucune raison pour que quiconque à Saraqeb se réfugie « dans un sous-sol » ni qu’il y ait un « guetteur » dans la région.

·         La veille de l’incident, les « rebelles » d’Idleb ont abattu un avion de chasse russe. L’armée syrienne prendrait-elle le risque d’envoyer un hélicoptère et son équipage survoler un territoire hostile pour larguer deux cylindres contenant un gaz militairement inefficace dans un champ ouvert loin de la ligne de front et de toute position militaire ? Pour quoi faire ? Les radars de défense aérienne russes contrôlent l’espace aérien au-dessus de la Syrie. De quel autre endroit un hélicoptère aurait-il pu venir ?

·         De nombreux lecteurs de MoA reconnaîtront le son distinctif d’un largage de barils (vidéo). Mais pourrait-on vraiment entendre des bouteilles de gaz tomber depuis un sous-sol situé à 50 à 100 mètres de distance ?

·         Les bouteilles de chlore qui ont soi-disant été larguées ont atterri dans une cuvette. Le chlore est plus lourd que l’air et reste au sol. Le chlore a-t-il pu s’élever à 3 à 4 mètres de hauteur pour ensuite s’infiltrer dans une maison pour ensuite s’enfoncer dans un sous-sol ? Comment ? La description est incompatible avec les expérimentations militaires américaines documentées (vidéo) dans lesquelles une grande quantité de chlore libéré dans une cuvette ne monte pas à plus de 60 centimètres du sol.

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·         Le chlore, comme dans les produits pour les toilettes, a une forte odeur même à très faible concentration. Il n’a d’effet sur la santé qu’à des concentrations assez élevées. Il suffit de s’éloigner d’un jet de chlore et d’aller dans un endroit plus élevé pour être en sécurité.

Les autres explications de  « témoins », consignées dans le rapport, et la description des symptômes présumés des victimes par le « personnel médical » n’ont pas davantage de sens.

Les « Casques blancs » pilotés par le Royaume-Uni (et appelés à tort « Défense civile syrienne » dans le rapport de l’OIAC) ont pris des photos de deux bouteilles de gaz jaunes endommagées posées dans un champ et ont fourni divers échantillons à l’OIAC. L’OIAC a remis les échantillons à deux de ses laboratoires certifiés pour analyse.

Daniel Schulz, un chercher postdoctoral allemand spécialisé en biologie cellulaire, souligne plusieurs problèmes dans les analyses chimiques du rapport de l’OIAC :

Daniel Schulz @daniesch – 11:30 UTC – 16 mai 2018

Curieusement, l’un des laboratoires désignés a trouvé beaucoup de produits de dégradation « Sarin » alors que l’autre non. Tableau 4

De plus, et c’est curieux aussi, le rapport affirme catégoriquement qu’aucune explosion n’a été entendue par des « témoins ». Comment expliquer alors le fait de trouver du TNT dans les échantillons fournis ? Tableau 4

De plus, rappelez-vous vos notions de chimie. Au cas où Cl2 réagirait à l’humidité du sol, il y aurait une augmentation d’ions chlorure de Cl–. Mais d’où vient l’excès de K+ ? C’est presque comme si quelqu’un avait versé du KCl sur le sol, non ? Tableau 6

Une autre incohérence surprenante est que la teneur en Cl- dans les lingettes de l’intérieur des cylindres (rouge) ne correspond pas à la contamination du sol (vert). Tableau 5

 

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Le rapport de l’OIAC ne répond à aucune des questions soulevées ci-dessus. À la place, il conclut :

7.4 Le FFM a déterminé que le chlore, libéré des bouteilles par impact mécanique, a probablement été utilisé comme arme chimique le 4 février 2018 dans le quartier Al Talil de Saraqib.

(…)

7.5 La FFM a également noté la présence de produits chimiques qui ne peuvent être expliqués ni par leur présence naturelle dans l’environnement, ni par leur relation au chlore. De plus, certains des signes et symptômes médicaux signalés étaient différents de ceux qu’on pourrait attendre d’une exposition au chlore pur. Il n’y avait pas suffisamment d’informations et de preuves pour permettre à la FFM de tirer d’autres conclusions sur ces produits chimiques à ce stade.

Ce dernier paragraphe est dévastateur. Comment l’OIAC peut-elle dire que le chlore a été « probablement » utilisé comme arme chimique alors qu’elle n’a aucune explication, aucune, pour les incohérences des rapports des « témoins » et des échantillons qui lui ont été fournis ?

La crédibilité de l’OIAC a déjà été entamée par son enquête sur l’incident de Khan Sheikhoun. Selon le rapport sur cette affaire, la moitié des « victimes » de l’incident sont arrivées dans les hôpitaux AVANT que l’incident présumé ne se produise. Le rapport a noté cette anomalie, mais ne l’a pas expliqué.

Les deux rapports de l’OIAC, Saraqib et Khan Sheikhoun, prétendent fournir des preuves scientifiques claires. Si on lit les rapports et pas seulement les résumés, on constate qu’ils sont tous les deux pleins d’incohérences et d’invraisemblances. Les questions importantes soulevées dans les rapports eux-mêmes ne reçoivent pas de réponse. Les contradictions dans les délais et les preuves documentées ne sont pas résolues. Aucune explication n’est donnée pour expliquer pourquoi quelqu’un aurait pu ordonner une attaque militaire sur des cibles sans aucune valeur militaire. Les conclusions des deux rapports suggèrent un degré de certitude qui n’est pas du tout justifié.

Depuis 2011, le gouvernement turc du futur sultan Erdogan apporte un soutien de toutes sortes aux « rebelles syriens » radicaux qui attaquent l’État syrien. La Turquie occupe actuellement le nord-ouest de la Syrie et compte au moins douze points d’observation dans le gouvernorat d’Idleb. Le gouvernement turc continue d’être hostile au gouvernement syrien du président Assad.

Le fait que l’OIAC qui prétend être neutre soit dirigée par un diplomate de carrière turc alors qu’elle enquête sur un incident chimique présumé en Syrie est déjà très problématique. Il est tout à fait scandaleux que ses rapports sur des incidents aussi graves se basent sur des ouï-dire, des preuves douteuses et des sources ouvertes non vérifiées, et laissent entendre, en conclusion, que le gouvernement syrien est coupable, tout en ignorant de graves anomalies.

Il est grand temps de rappeler cette organisation à son devoir de neutralité et de rigueur scientifique.

Traduction : Dominique Muselet

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