Préambule de François Roddier Dans ce nouvel article, Gail Tverberg nous explique pourquoi un prix bas du pétrole n’est pas forcément une bonne chose. Le lecteur averti pouvait s’en douter vu l’effet de la consommation du pétrole sur le réchauffement climatique. Gail ne va pas jusque là. Elle se contente de nous montrer comment la simple combinaison des flux et des stocks de pétrole, jointe à des rendements décroissants, suffit à rendre impossible tout équilibre entre l’offre et la demande, un exemple à méditer pour les économistes. Ce phénomène ne surprend pas les physiciens. Comme je l’ai déjà indiqué dans ce blog, il est un parfait exemple du processus dit de criticalité auto-organisée mis en évidence par le physicien danois Per Bak et ses collaborateurs. Le lecteur intéressé pourra trouver plus de détails dans le livre de Per Bak, How Nature Works, traduit en français sous le titre Quand la nature s’organise (Flammarion, 1999). Je me contente ici de reproduire ci-dessous une illustration de ce livre. Le dessin est de Ricard Solé, lui-même auteur d’un livre sur les transitions de phase (Phase transition, Princeton, 2011). En physique, les transitions de phase décrivent les changements d’état de la matière. Ricard Solé propose des exemples de ce processus en biologie et termine son livre en montrant comment il conduit à l’effondrement des sociétés humaines. Le lecteur trouvera aussi une explication de ce processus dans mon propre blog http://www.francois-roddier.fr/?p=179
Par Gail Tverberg – Le 19 janvier 2016 – Source ourfiniteworld
Pourquoi le pétrole à moins de 30$ le baril est-il un problème majeur ?
On lit souvent que des prix du pétrole bas – par exemple 30 dollars par baril – vont stimuler l’économie, et que celle-ci va bientôt repartir. Quels problèmes y a-t-il avec cette affirmation? Ils sont nombreux, à mon avis:
1. Les producteurs de pétrole ne peuvent pas vraiment produire du pétrole à 30 $ le baril.
Quelques rares pays peuvent extraire le pétrole à ce prix. La figure 1 donne une estimation des coûts d’extraction techniques pour différents pays. Même sur cette base, il n’y a pas beaucoup de pays qui extraient le pétrole pour moins de 30$ le baril, seulement l’Arabie saoudite, l’Iran, et l’Irak. Nous n’aurions pas beaucoup de pétrole brut si ces seuls pays en produisaient.
2. Les producteurs de pétrole ont vraiment besoin que les prix soient plus élevés que les coûts d’extraction techniques indiqués dans la figure 1, ce qui rend la situation encore pire.
L’huile ne peut être extraite que dans un système plus large. Les entreprises doivent payer des impôts. Ceux-ci peuvent être très élevés. L’inclusion de ces coûts a toujours porté les coûts totaux pour de nombreux pays de l’OPEP à plus de 100 $ le baril.
Les compagnies pétrolières indépendantes, dans les pays hors OPEP, ont aussi des coûts autres que les coûts d’extraction techniques, comme des impôts et des dividendes aux actionnaires. Si les entreprises ne veulent pas emprunter une énorme quantité d’argent, elles ont aussi besoin de prix plus élevés que le simple coût d’extraction technique. Si elles ont besoin d’emprunter, les frais d’intérêt doivent aussi être pris en compte.
3. Lorsque les prix du pétrole deviennent très faibles, les producteurs n’arrêtent pas la production.
Il y a des retards inhérents au système de production de pétrole. Il faut plusieurs années pour mettre en place un nouveau projet d’extraction pétrolière. Si les entreprises ont travaillé sur un projet, elles ne vont généralement pas s’arrêter simplement parce que les prix se trouvent être faibles. Une des raisons de la poursuite d’un projet est la dette, qui doit être remboursée avec intérêt, que le projet continue ou non.
Aussi, une fois qu’un puits de pétrole est foré, il peut continuer à produire pendant plusieurs années. Les coûts permanents après le forage initial sont en général très bas. Les puits précédemment forés sont le plus souvent exploités, quel que soit le prix de vente actuel du pétrole. En théorie, ces puits peuvent être arrêtés et redémarrés, mais les coûts ont tendance à décourager cette action.
Les exportateurs de pétrole continueront à forer de nouveaux puits parce que leurs gouvernements ont grand besoin de recettes fiscales provenant des ventes du pétrole pour financer des programmes gouvernementaux. Ces pays ont tendance à avoir de faibles coûts d’extraction; presque toute la différence entre le prix de marché du pétrole et le prix nécessaire pour faire fonctionner la société pétrolière finit par être payée en impôts. Il y a ainsi une incitation à augmenter la production pour aider à générer des recettes fiscales supplémentaires lorsque les prix baissent. C’est le problème de l’Arabie saoudite et de nombreux autres pays de l’OPEP.
Très souvent, les compagnies pétrolières achèteront des contrats dérivés qui les protègent de l’impact d’une baisse des prix de marché pour un laps de temps spécifié (généralement un an ou deux). Ces entreprises auront tendance à ignorer les baisses de prix tant que ces contrats sont en place.
Il y a aussi la question du maintien de l’effectif. En un sens, le plus grand des atouts d’une entreprise sont ses employés. Une fois que ces employés sont partis, il sera difficile d’en embaucher et d’en former de nouveaux. Donc, les employés sont maintenus en place aussi longtemps que possible.
Les États-Unis ne cessent d’accroître leur fraction de biocarburant obligatoire, quel que soit le prix du pétrole. Personne ne songe à réaliser que dans la situation de sur-approvisionnement actuel, cette fraction renforce la pression des prix bas.
Un frein sur le système devrait être le poids financier induit par le bas prix du pétrole, mais l’effet de ce freinage n’intervient pas nécessairement rapidement. Les exportateurs de pétrole ont souvent des fonds souverains qu’ils peuvent exploiter pour compenser les faibles recettes fiscales. En raison de la disponibilité de ces fonds, certains exportateurs peuvent continuer à financer les services gouvernementaux pendant deux ans ou plus, même avec des prix très bas du pétrole.
Les défauts de paiement affectant les prêts aux compagnies pétrolières devraient aussi servir de frein au système. Nous savons que pendant la Grande Récession, les régulateurs ont autorisé l’extension des prêts immobiliers commerciaux, même lorsque les valeurs immobilières ont chuté, gardant ainsi le problème caché. Il y a une tentation pour les organismes de réglementation de permettre une clémence similaire concernant les prêts aux compagnies pétrolières. Dans ce cas, l’effet de freinage du système est réduit, ce qui permet au problème du défaut de s’étendre et devenir très grave, au point où il ne peut plus être caché.
4. La demande de pétrole n’augmente pas très rapidement après une baisse des prix à partir d’un niveau élevé.
Les gens pensent souvent que le passage d’un prix bas à un prix élevé est l’opposé de passer d’un prix élevé à un prix bas, en termes d’effet sur l’économie. Ce n’est pas vraiment le cas.
4a. Lorsque les prix du pétrole vont d’un faible prix à un prix élevé, cela signifie généralement que la production a été insuffisante, comparée à la production qui aurait pu être obtenue au bas prix précédent. Le prix doit atteindre un niveau plus élevé afin d’encourager la production supplémentaire.
La raison pour laquelle le coût de la production de pétrole a tendance à augmenter est que le pétrole le moins cher à extraire est retiré en premier. Les producteurs de pétrole doivent donc continuer à fournir une production qui est, pour une raison ou une autre, de plus en plus chère : emplacement plus difficile à atteindre, technologie plus avancée ou nécessitant des étapes supplémentaires qui requièrent du travail humain et plus de ressources physiques. L’efficacité croissante peut quelque peu atténuer cette tendance mais, depuis 1999 environ, la tendance générale du coût de la production de pétrole a été fortement à la hausse.
La hausse du prix du pétrole a un impact négatif sur son accessibilité. Le schéma habituel est que, après une hausse du prix du pétrole, les économies des pays importateurs de pétrole entrent en récession. Cela se produit parce que les salaires des travailleurs n’augmentent pas en même temps que les prix du pétrole. Les travailleurs constatent qu’ils ne peuvent plus acheter autant d’articles discrétionnaires qu’auparavant et doivent réduire leur nombre. Ces réductions dans les achats créent des problèmes pour les entreprises, parce que celles-ci ont généralement des coûts fixes élevés, y compris des prêts hypothécaires et autres paiements de dette. Si elles veulent continuer à fonctionner, elles sont forcées de réduire leurs coûts d’une façon ou d’une autre. La diminution des coûts peut se faire de nombreuses façons, comme des réductions de salaire des travailleurs, des licenciements, une automatisation ou une externalisation de la production dans des endroits moins chers.
Pour les employeurs comme pour les employés, l’impact de ces changements rapides est souvent ressenti comme un croc-en-jambe. C’est très désagréable et déconcertant.
4b. Lorsque les prix chutent, la situation dans laquelle on se trouve n’est pas l’opposée de 4a. Les employeurs trouvent que, grâce au prix inférieur du pétrole, leurs coûts sont un peu plus bas. Très souvent, ils vont essayer de garder une partie de ces économies sous forme de profits plus élevés. Lorsque les prix du pétrole baissent, les gouvernements peuvent décider de relever leur taux d’imposition sur les produits pétroliers, parce que les consommateurs seront moins sensibles à un tel changement que dans d’autres cas. Les entreprises n’ont aucune motivation à abandonner les techniques de réduction des coûts qu’elles ont adoptées, telles que l’automatisation ou la sous-traitance à un endroit moins cher.
Peu d’entreprises vont construire de nouvelles usines avec l’espoir que le bas prix du pétrole durera longtemps, car elles savent que les bas prix ne sont que temporaires. Elles savent que si les prix du pétrole ne remontent pas dans un laps de temps assez court (quelques mois ou années), la quantité de pétrole disponible est susceptible de chuter rapidement. Si l’on veut qu’il reste encore une quantité de pétrole suffisante à l’avenir, les prix du pétrole doivent être assez élevés pour couvrir le coût réel de la production. Ainsi, les prix bas actuels sont au plus un répit temporaire – quelque chose comme l’œil d’un ouragan.
Puisque l’impact des bas prix est seulement temporaire, les entreprises n’adopteront que les changements qui peuvent avoir lieu rapidement et peuvent être facilement inversés. Un restaurant ou un bar peut ajouter quelques serveurs et serveuses. Une entreprise de vente de voitures peut ajouter un peu plus de vendeurs, car les ventes de voitures sont meilleures. Une usine de fabrication de voitures peut programmer plusieurs postes de travailleurs, de manière à maintenir très élevé le nombre de voitures produites. Les compagnies d’aviation peuvent ajouter plus de vols, si elles peuvent le faire sans avoir à acheter d’autres avions.
En raison de ces problèmes, les emplois qui sont ajoutés à l’économie sont probablement surtout dans le secteur des services. On peut s’attendre à ce que la tendance à l’externalisation vers des pays à bas coûts et l’automatisation se poursuivent. Les citoyens bénéficieront un peu des faibles prix du pétrole, mais pas beaucoup tant que les gouvernements et les entreprises sont en première ligne pour prendre leur part des économies. Le bénéfice pour les citoyens sera bien inférieur à ce qu’il aurait été si toutes les personnes licenciées lors de la dernière récession avaient retrouvé leur emploi.
5. La forte baisse des prix du pétrole au cours des 18 derniers mois a peu à voir avec le coût de production.
Les prix récents du pétrole représentent plutôt une tentative du marché pour trouver un équilibre entre l’offre et la demande. Puisque l’approvisionnement ne descend pas rapidement en réponse à la baisse des prix, et la demande ne monte pas rapidement en réponse à la baisse des prix, les prix peuvent descendre très bas, loin en dessous du coût de production.
Comme indiqué dans la section 4, les prix élevés du pétrole ont tendance à être récessionnistes. Le principal moyen de compensation des forces de récession est l’augmentation directe ou indirecte de la dette avec des taux d’intérêt bas. Grâce à cette dette en augmentation, plus de maisons et d’usines peuvent être construites, et plus de voitures peuvent être achetées. L’économie peut être contrainte d’agir plus normalement parce que les faibles taux d’intérêt et la dette additionnelle contrecarrent, en un certain sens, l’impact négatif des prix élevés du pétrole.
Les prix du pétrole ont chuté très bas en 2008, comme résultat des effets récessionnistes qui ont lieu lorsque les prix du pétrole sont élevés. C’est seulement grâce à la puissante stimulation liée à la dette que les prix du pétrole ont été ramenés progressivement à plus de 100 $ le baril. Cette stimulation incluait le déficit budgétaire des États-Unis, l’assouplissement quantitatif (QE), qui a commencé en décembre 2008, et une augmentation considérable de la dette par les Chinois.
Les prix des marchandises ont tendance à être très volatils, car nous en utilisons de grandes quantités et que les possibilités de stockage sont limitées. L’offre et la demande doivent s’équilibrer presque exactement sinon les prix pointent vers le haut ou le bas. Nous sommes maintenant de retour à une situation hors équilibre, semblable à celle où nous étions à la fin de 2008. Nos options pour régler la situation sont cette fois plus limitées. Les taux d’intérêt sont déjà très bas, et la plupart des gouvernements sentent qu’ils ont le maximum de dettes qu’ils peuvent gérer de façon sûre.
6. Un facteur contribuant au faible prix du pétrole d’aujourd’hui est une baisse dans les efforts de relance de 2008.
Comme indiqué dans la section 4, les prix élevés du pétrole ont une tendance récessionniste. Comme indiqué dans la section 5, cette tendance peut, au moins dans une certaine mesure, être compensée par une relance sous la forme d’une augmentation de la dette et de taux d’intérêts plus bas. Malheureusement, cette relance a eu tendance à avoir des conséquences néfastes. Elle a encouragé la sur-construction de maisons et d’usines en Chine. Elle a encouragé une hausse spéculative du prix des actifs. Elle a encouragé les investissements dans des entreprises de rentabilité douteuse, y compris de nombreux investissements dans le pétrole de schiste aux États-Unis.
En raison de ces problèmes, le montant de la relance est réduit. Les États-Unis ont mis fin à leur programme d’assouplissement quantitatif et réduisent leur déficit budgétaire. Ils ont même commencé à relever les taux d’intérêt en décembre 2015. La Chine aussi réduit la quantité de nouvelles dettes supplémentaires.
Malheureusement, sans le niveau élevé de relance du passé, il est difficile pour l’économie mondiale de croître assez rapidement pour maintenir tous les produits, y compris le pétrole, à des prix élevés. C’est un facteur essentiel contribuant aux prix bas actuels.
7. Le danger avec les prix très bas du pétrole est que nous allons perdre les produits énergétiques dont notre économie dépend.
Il y a un bon nombre de manières différentes de gaspiller la production pétrolière si les prix du pétrole restent bas pendant une période prolongée.
Dans les pays exportateurs de pétrole, il peut y avoir des révolutions et des troubles politiques conduisant à une perte de production de pétrole.
Dans presque tous les pays, il peut y avoir une forte réduction de la production, car les compagnies pétrolières ne peuvent pas financer d’emprunt pour payer davantage de services. Dans certains cas, les entreprises peuvent faire faillite, et les nouveaux propriétaires peuvent choisir de ne pas extraire le pétrole à bas prix.
Il peut y avoir aussi des problèmes financiers globaux conduisant indirectement à une production de pétrole beaucoup plus basse. Par exemple, si les banques ne peuvent plus satisfaire les services de paie, ou garantir les paiements pour des envois internationaux. Ces problèmes affecteraient toutes les compagnies pétrolières, et pas seulement celles en difficulté financière.
Le pétrole n’est pas le seul à avoir des problèmes. Le charbon et le gaz naturel sont également sujets à des prix bas. Ils pourraient subir des perturbations indirectes en raison de la faiblesse persistante des prix.
8. L’économie ne peut pas se passer d’un approvisionnement suffisant en pétrole et autres produits issus de combustibles fossiles.
Nous lisons souvent des articles dans la presse qui semblent suggérer que l’économie pourrait se passer de combustibles fossiles. Par exemple, on donne l’impression que les énergies renouvelables sont juste au coin de la rue, et que leur existence permettra d’éliminer la nécessité des combustibles fossiles. Malheureusement, en ce moment, nous sommes loin d’être capables de nous passer de combustibles fossiles.
La nourriture est cultivée et transportée à l’aide de produits pétroliers. Les routes sont faites et maintenues avec du pétrole et d’autres produits pétroliers. Le pétrole est notre seul produit à très haute source d’énergie.
L’expérience d’une très longue période montre un lien étroit entre l’utilisation de l’énergie et la croissance du PIB (Figure 3). Presque toute la technologie est faite de produits issus de combustibles fossiles, de sorte que même la croissance de l’énergie, attribuée à des améliorations technologiques, peut être considérée comme due en grande mesure aux combustibles fossiles.
Alors que les énergies renouvelables ont été ajoutées, elles ne représentent encore qu’une part infime de la consommation d’énergie dans le monde.
Ainsi, nous sommes loin du point où l’économie mondiale pourrait continuer à fonctionner sans un approvisionnement suffisant en pétrole, charbon et gaz naturel.
9. Beaucoup de gens croient que les prix du pétrole vont rebondir à nouveau, et que tout ira bien. Cela semble peu probable.
Le coût croissant de l’extraction du pétrole que nous avons subi dans les 15 dernières années représente une forme de rendements décroissants. Une fois que le coût de fabrication des produits liés à l’énergie devient élevé, une économie est définitivement handicapée. Des prix plus élevés que ceux maintenus dans la période 2011-2014 sont vraiment nécessaires si l’on veut pouvoir poursuivre et développer l’extraction. Malheureusement, ces prix élevés ont tendance à provoquer une récession. Les prix élevés poussent la demande vers le bas. Lorsque la demande devient trop faible, les prix tombent alors très bas.
Il y a plusieurs façons d’améliorer la demande de produits, et d’augmenter à nouveau les prix. Ce sont (a) une croissance des salaires des travailleurs non spécialisés (b) une augmentation de la proportion de la population ayant des emplois, et (c) une augmentation du montant de la dette. Aucun de ces indicateurs ne va dans la bonne direction.
Joseph Tainter, dans L’effondrement des sociétés complexes, souligne que, une fois que les rendements décroissent, la réponse est «plus de complexité» pour résoudre les problèmes. Les programmes gouvernementaux deviennent plus importants, et les taxes souvent plus élevées. La formation des travailleurs d’élite augmente. Les entreprises grossissent. Cette complexité accrue fait que les gains économiques sont canalisés vers des secteurs de l’économie autres que les salaires des travailleurs non spécialisés. Parce qu’il y a beaucoup de travailleurs non spécialisés, leur manque de pouvoir d’achat affecte négativement la demande de biens qui utilisent des matières premières, comme les maisons, les voitures, et motos 1
Une autre force qui tend à maintenir la demande faible est une plus petite part de travailleurs parmi la population active. De nombreux facteurs contribuent à cela : les jeunes sont scolarisés plus longtemps. Un nombre croissant de travailleurs, nés après la Seconde Guerre mondiale, ont maintenant atteint l’âge de la retraite. Le retard des salaires rend de plus en plus difficile aux jeunes parents la garde des enfants afin que les deux puissent travailler.
Comme indiqué dans la section 5, la croissance de la dette ne progresse plus aussi rapidement que par le passé. En fait, nous voyons le début d’une hausse des taux d’intérêt.
Lorsque l’on ajoute à ces problèmes le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise et le nouveau pétrole que l’Iran va ajouter à la production mondiale, il est difficile de voir comment le déséquilibre pétrolier pourra être corrigé dans une période de temps raisonnable. Au lieu de cela, le déséquilibre semble susceptible de rester à un niveau élevé, ou risque même d’empirer. Avec le stockage limité, les prix auront tendance à continuer à baisser.
10. La course rapide dans la production de pétrole des États-Unis après 2008 a contribué de façon importante à l’inadéquation entre l’offre et la demande de pétrole qui a eu lieu depuis mi-2014.
Sans la production américaine, la production mondiale de pétrole (au sens large, y compris les biocarburants et les liquides de gaz naturel) est près d’être stationnaire.
Vue isolément, la production de pétrole des États-Unis a augmenté très rapidement. La production totale a augmenté d’environ six millions de barils par jour entre 2008 et 2015.
L’approvisionnement en pétrole des États-Unis a été en mesure d’augmenter très rapidement en partie parce que le QE a permis de faire des emprunts à des taux d’intérêt très bas. En outre, les investisseurs ont trouvé les rendements des investissements si bas qu’ils ont acheté presque tous les investissements de capitaux propres qui semblaient avoir une chance d’acquérir de la valeur à long terme. La combinaison de ces facteurs, ainsi que la conviction que les prix du pétrole vont toujours augmenter parce que les coûts d’extraction ont tendance à croître au fil du temps, ont canalisé de grandes quantités de fonds d’investissement dans le secteur des combustibles liquides.
En conséquence, la production de pétrole des États-Unis (au sens large), a crû rapidement, augmentant de près de 1,0 millions de barils par jour en 2012, 1,2 million de barils par jour en 2013, 1,7 million de barils par jour en 2014. Les chiffres définitifs ne sont pas disponibles, mais il semble que la production de pétrole des États-Unis va encore augmenter de 700 000 barils par jour en 2015. Les 700 000 barils de pétrole supplémentaire ajoutés par les États-Unis en 2015 sont probablement supérieurs à la quantité ajoutée par l’Arabie saoudite ou par l’Irak.
La consommation mondiale de pétrole n’augmente pas rapidement lorsque les prix du pétrole sont élevés. La consommation mondiale de pétrole a augmenté de 871 000 barils par jour en 2012, 1 397 000 de barils par jour en 2013, et 843 000 barils par jour en 2014, selon BP. Ainsi, en 2014, l’augmentation de la production des États-Unis a été environ deux fois supérieure à l’augmentation de la demande mondiale de pétrole. Ce décalage a probablement contribué à l’effondrement des prix du pétrole en 2014.
Étant donné le rôle apparent des États-Unis dans la création de l’inadéquation entre l’offre et la demande de pétrole, il ne devrait pas être trop surprenant que l’Arabie saoudite ne soit pas disposée à essayer de résoudre le problème.
Conclusion
Les choses ne fonctionnent pas comme nous l’avions espéré. Il semble que nous ne soyons pas capable d’équilibrer l’offre et la demande de pétrole. Si les prix sont élevés, les compagnies pétrolières peuvent extraire beaucoup de pétrole, mais les consommateurs ne peuvent pas se permettre d’acheter les produits qui l’utilisent, tels que les maisons et les voitures; si les prix du pétrole sont bas, les compagnies pétrolières essaient toujours d’extraire du pétrole, mais ont rapidement des problèmes financiers.
Pour compliquer le problème, il y a la nécessité permanente de relancer l’économie afin de maintenir les prix du pétrole et autres matières premières suffisamment élevés pour encourager la production. La relance semble prendre la forme d’une dette sans cesse croissante à des taux d’intérêt toujours plus bas. Un tel programme n’est pas soutenable, d’une part parce qu’il conduit à de mauvais investissements et d’autre part parce qu’il crée une bulle de dette susceptible de s’effondrer.
Une relance parait nécessaire en raison du coût aujourd’hui élevé de l’extraction du pétrole. Si le coût de l’extraction était encore très faible, cette relance ne serait pas nécessaire car les produits utilisant du pétrole seraient plus abordables.
Les décideurs pensaient que le pic pétrolier pourrait être résolu simplement en produisant plus de pétrole et plus de substituts au pétrole. Il est de plus en plus clair que le problème est plus compliqué que cela. Il nous faut trouver le moyen de faire fonctionner correctement l’ensemble du système. Nous devons produire exactement la quantité de pétrole que les acheteurs peuvent se permettre d’acheter. Les prix doivent être assez élevés pour les producteurs de pétrole, mais pas trop élevés pour les acheteurs de produits à base de pétrole. Il ne faudrait pas que le montant de la dette échappe à tout contrôle. Il ne semble pas que l’on puisse produire le résultat souhaité, maintenant que les coûts d’extraction du pétrole sont élevés.
Les rigidités (décrites dans les sections 3 et 4) propres au système d’alimentation et à la manière dont les prix du pétrole sont fixés, ont tendance à cacher les problèmes, et à les laisser s’amplifier de plus en plus. C’est la raison pour laquelle nous pourrions soudainement nous retrouver devant un problème financier majeur que peu de gens ont prévu.
Malheureusement, nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation, plutôt qu’à un problème, à laquelle il est fort probable qu’il n’y ait pas de bonne solution. C’est très ennuyeux…
Traduit par C. et F. Roddier, relu par Nadine pour le Saker Francophone
Notes:
- Par exemple, de plus en plus de dividendes et d’intérêts sont payés au bénéfice de l’industrie financière et des élites. Une partie croissante de la production économique va aux travailleurs des postes de supervision ou ayant reçu une formation supérieure. Les autres travailleurs – ceux qui ont des responsabilités plus ordinaires – voient leurs salaires à la traîne de la hausse générale du coût de la vie. En conséquence, ils trouvent qu’il est plus difficile d’acheter des voitures, des maisons, des motos, et autres articles qui utilisent des matières premières. ↩