Où éclatera la prochaine crise économique mondiale ?

Préambule

L'année 2016 commence à peine et les pertes des différentes places boursières à travers le monde sont colossales : près de $8 000 Milliards au cours des trois premières semaines de janvier, selon les calculs de Bank of America Merrill Lynch. Le gouvernement américain a assujetti les banques d'investissement à la drogue du crédit bon marché. Et maintenant que le stimulus monétaire de la Fed a pris fin, tout le monde en paie les conséquences. Lors du récent sommet de Davos, il a été souligné que l'incertitude règne parmi les grandes entreprises : personne ne sait où la prochaine crise éclatera.

Le Saker Francophone

Par Ariel Noyola Rodríguez – Le 25 janvier 2016 – Source Russia Today

 

Un frisson financier a fait sombrer le Club de Davos dans le pessimisme. Plus de 2 000 chefs d’entreprises et dirigeants politiques réunis en Suisse (du 20 au 23 janvier) ne savent plus comment convaincre les gens que l’économie mondiale est sous contrôle. À peine quelques jours après la clôture de la XLVIe  édition du Forum économique mondial, les investisseurs ont paniqué : au cours des trois premières semaines de janvier les différentes bourses des valeurs ont totalisé $7.8  trillions de pertes, selon les estimations de Bank of America Merrill Lynch.

Pour la banque d’affaires d’origine américaine, ce mois de janvier restera comme le plus dramatique pour la finance depuis la Grande Dépression de 1929. Les circuits financiers internationaux sont de plus en plus vulnérables. Et l’effondrement de la confiance des entreprises semble irréversible. PricewaterhouseCoopers (PwC) a récemment publié les résultats d’un sondage qui reflète les vues de 1 409 dirigeants d’entreprises de 83 pays sur les perspectives économiques : 66% des participants estiment que leur organisation fait face à de plus grandes menaces aujourd’hui qu’il y a trois ans et seulement 27% pensent que la croissance mondiale va s’améliorer.

L’incertitude est telle que lors du sommet de Davos, il n’y avait pas de consensus parmi les entreprises géantes sur le lieu où la prochaine crise éclaterait. Pourtant, les médias occidentaux ne se lassent pas d’accuser le ralentissement en Chine comme la principale cause de la crise dans l’économie mondiale. En fait, le spéculateur George Soros – qui a attaqué la livre sterling dans les années 1990 – a soutenu à Davos qu’un atterrissage brutal de l’économie chinoise est «inévitable» ; c’était sans aucun doute une déclaration exagérée. À mon avis, il y a une campagne de propagande dirigée contre Pékin pour tenter de cacher les contradictions économiques et sociales graves qui persistent dans les pays industrialisés (États-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Japon, etc.).

Malgré le triomphalisme de la présidente de la Réserve fédérale (Fed), Janet Yellen, au cours des dernières semaines, l’économie américaine a de nouveau montré des signes de faiblesse. Le secteur manufacturier a connu en décembre dernier son second mois de contraction, le niveau le plus bas des six dernières années. En outre, l’effondrement des prix des matières premières a soutenu l’appréciation du dollar et il devient de ce fait plus difficile pour le gouvernement américain de contrer la menace de déflation (baisse des prix). L’horizon aujourd’hui est plus sombre après que le prix de référence international du pétrole est tombé en dessous de $30 le baril. Pire encore, le Fonds monétaire international (FMI) a diminué ses nouvelles perspectives de croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial pour cette année de 3,6% à 3,4%.

La vérité est que les politiques de crédit bon marché promues par les banques centrales dans les pays industrialisés après l’effondrement de Lehman Brothers en 2008 ont causé d’énormes distorsions sur les marchés du crédit et maintenant tout le monde doit payer l’addition. Selon les calculs du fonds d’investissement Elliot Management (dirigé par Paul Singer), les banques centrales des grandes puissances ont injecté dans l’économie mondiale environ $15 trillions (mille milliards) depuis la crise de 2008 en achetant des obligations souveraines et des actifs hypothécaires. Malheureusement, cette stratégie n’ouvre pas la voie à une reprise régulière, mais au contraire, augmente la fragilité financière.

La zone euro n’arrive toujours pas à se sortir des taux de croissance économique faibles. La crise a frappé non seulement des pays comme l’Espagne et la Grèce ; le cœur même de l’Europe a été impliqué dans de graves difficultés : la menace de la déflation plane sur l’Allemagne, après avoir appris que les prix à la consommation ont progressé de seulement 0,3% en moyenne en 2015, le niveau le plus faible depuis la récession de 2009 lorsque le PIB allemand s’est contracté de 5% ; et le président français François Hollande, a annoncé à nouveau l’état d’urgence économique face au niveau élevé du chômage et à la faiblesse des investissements.

Cela a vraiment inquiété le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, qui a été forcé d’envisager un élargissement des mesures de relance pour mars prochain. Il en va de même pour la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, qui avaient pourtant déjà mis en place un taux d’intérêt de référence minimum et lancé des programmes agressifs d’injection de liquidités. Ces deux pays ne sont pas encore parvenus à sortir leurs économies  de l’ornière ni à augmenter significativement l’inflation, qui reste loin de l’objectif officiel de 2%.

Avec tout cela, l’écrasante domination du dollar sur le marché mondial des capitaux attribue aux États-Unis un rôle décisif dans la détermination de la politique monétaire des autres pays. Nul doute que la Fed a eu tort de relever le taux d’intérêt des fonds fédéraux décembre dernier. Il n’y avait tout simplement pas suffisamment de preuves pour conclure que la reprise de l’économie américaine était solide et soutenue. Maintenant que la situation a empiré il est presque certain que lors de ses prochaines réunions, le Federal Open Market Committee (FOMC) de la Fed n’augmentera pas le coût du crédit, il est même susceptible de réduire le taux intérêt de référence.

Cependant, le gros problème est que personne ne sait vraiment comment vont réagir les marchés financiers au moindre mouvement de la Fed. Les chutes successives de Wall Street vont-elle déclencher une récession à l’échelle mondiale ? L’hégémonie du dollar sera-t-elle finalement mortellement atteinte face à la vente massive des bons du Trésor des États-Unis ? Dans quelle mesure la Chine et les pays émergents résisteront-ils ? La crise à venir est une énigme pour tout le monde … [La seule certitude est qu’elle approche, vite ! NdT]

Ariel Noyola Rodríguez est économiste, il a fait ses études supérieures à l’Université nationale autonome du Mexique. Contact: noyolara@gmail.com. Twitter:@noyola_ariel.

Traduit et édité par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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