Par Moon of Alabama – Le 26 août 2022
Les négociations indirectes entre les États-Unis et l’Iran concernant la réintégration des États-Unis dans l’accord nucléaire progressent lentement et pourraient ne pas aboutir de sitôt.
Le gouvernement israélien, qui est en pleine campagne électorale, tente toujours de faire échouer tout nouvel accord :
Le ministre israélien de la défense, Benny Gantz, se rendra aux États-Unis plus tard dans la semaine pour une série de réunions avec des responsables afin de discuter des derniers développements.
Le Premier ministre israélien Yair Lapid a exhorté mercredi M. Biden et les puissances occidentales à annuler l’accord avec l’Iran, affirmant que les négociateurs laissent Téhéran manipuler les discussions.
“Les pays occidentaux tracent une ligne rouge, les Iraniens l’ignorent, et la ligne rouge se déplace“, a déclaré Lapid lors d’une conférence de presse à Jérusalem.
Israël a avancé de nombreux arguments contre l’accord. La plupart d’entre eux ont été réfutés depuis longtemps. Il faut donc une nouvelle accroche pour trouver quelque chose qui puisse empêcher un nouvel accord.
L’atmosphère actuelle de propagande anti-russe permet de transformer les prétendues menaces de l’Iran et de la Russie en un nouveau récit. (Le fait que la Russie ait récemment pris une position forte contre Israël peut également avoir quelque chose à voir avec cela).
Nous obtenons ainsi des articles fantaisistes comme celui-ci de Poltico.eu
La Russie considère l’Iran comme un moyen de contourner les sanctions pour ses ventes de pétrole.
Un accord nucléaire avec Téhéran donnerait à Poutine un plan B parfaitement synchronisé pour écouler le pétrole sur les marchés mondiaux.
Selon des diplomates occidentaux, la Russie envisage d’utiliser l’Iran comme porte dérobée pour contourner les sanctions internationales concernant l’Ukraine si l’accord nucléaire conclu entre Téhéran et les puissances mondiales entre à nouveau en vigueur.
En juillet, Moscou a envoyé à Téhéran des équipes de responsables commerciaux et financiers ainsi que des dirigeants de Gazprom et d’autres entreprises, à la suite de la rencontre du président russe Vladimir Poutine avec les dirigeants iraniens, afin de jeter les bases d’une coopération plus étroite entre les deux pays.
Ces dernières semaines, l’Iran a également envoyé à Moscou deux délégations officielles axées sur l’énergie et les finances. Parmi les hauts responsables présents figuraient Ali Saleh Abadi, directeur de la banque centrale iranienne, Ali Fekri, vice-ministre de l’économie, et Mohammad Reza Pour Ebrahimi, président de la commission économique de l’assemblée législative iranienne. Les Iraniens ont passé plusieurs jours à rencontrer leurs homologues et des dirigeants du secteur privé, selon les diplomates.
Le principal attrait de l’Iran est qu’il offre une voie de secours pour vendre le pétrole brut russe sanctionné – la principale source de devises fortes du Kremlin. …
Cette voie de secours dépend du renouvellement ou non de l’accord atomique, en vertu duquel l’Iran limiterait ses activités nucléaires en échange d’un allègement des sanctions.
Les commentateurs avertis n’ont pas été impressionnés par cette histoire :
Gregg Carlstrom @glcarlstrom – 13:18 UTC – Aug 24, 2022
Ce titre très frappant est construit sur un feu de paille d’affirmations infondées, d’embellissements et d’omissions.
Les faits sont les suivants :
- Oui, la Russie et l’Iran ont convenu de nouveaux projets de développement énergétique en Iran.
- Oui, la Russie et l’Iran ont accepté de renouveler un ancien accord d’échange de pétrole. Dans le cadre de cet accord plus large, le brut russe transitera par la mer Caspienne vers le nord de l’Iran, tandis que l’Iran vendra le pétrole de ses gisements du sud pour le payer.
- Non, la Russie n’a pas besoin de vendre du pétrole via l’Iran.
- Non, tout ce qui précède n’a rien à voir avec l’accord nucléaire.
Malgré les sanctions suicidaires de l’Europe à l’encontre de l’énergie russe, ses exportations de pétrole se portent en fait très bien :
Selon l’Agence internationale de l’énergie, les exportations de pétrole de la Russie ont repassé la barre des 20 milliards de dollars en juin, malgré la baisse des expéditions à l’étranger due à la remontée des prix de l’énergie.
Il s’agit d’une augmentation de 700 millions de dollars par rapport au mois précédent, même si les exportations quotidiennes de pétrole brut et de produits pétroliers de la Russie ont diminué de 250 000 barils pour atteindre 7,4 millions de barils, soit le niveau le plus bas depuis août, estime l’AIE dans son rapport mensuel publié mercredi.
20 milliards de dollars en juin, c’est 60 milliards de dollars en un trimestre. A titre de comparaison :
Les exportations de pétrole en Russie ont augmenté à 32,3 milliards de dollars US au quatrième trimestre de 2021, contre 29,1 milliards de dollars US au troisième trimestre de 2021. source : Banque centrale de Russie
La Russie gagne actuellement plus d’argent grâce aux ventes de pétrole que jamais auparavant.
Le reste de l’article de Politico est tout aussi absurde que le début de l’article :
La finance est un autre domaine de coopération. Lors de la rencontre de Poutine avec le guide suprême iranien Khamenei en juillet, les deux hommes ont discuté des moyens de briser l’emprise du dollar sur le commerce mondial. Les banques des deux pays ont été interdites de SWIFT, un système dominé par les États-Unis et utilisé pour faciliter le commerce international, et leurs économies ont beaucoup de mal à effectuer des transactions transfrontalières.
Si la fin de la domination du dollar a été jusqu’à présent un effort largement chimérique, l’Iran est désireux d’aider la Russie à trouver des moyens d’accélérer la “dédollarisation“, ont déclaré les diplomates occidentaux.
La Russie s’est déjà dédollarisée. Les accords qu’elle conclut avec la Chine, l’Inde, l’Iran et d’autres pays sont tous libellés en devises bilatérales ou une devise autre que le dollar.
Les “diplomates occidentaux“, très probablement des Israéliens, ne font qu’inventer des choses pour créer un nouvel argument contre l’accord nucléaire. Comme d’habitude, ils essaient activement de propager le thème.
Il n’est donc pas étonnant de trouver une répétition des mêmes affirmations stupides, le lendemain, dans les pages du Washington Post où David Ignatius a amplifié le récit :
Méfiez-vous de l’alliance émergente entre la Russie et l’Iran
Méfiez-vous de l’alliance émergente Téhéran-Moscou : La Russie a commencé à utiliser des drones de fabrication iranienne dans la guerre en Ukraine et l’Iran a proposé de partager ses réseaux financiers pour aider la Russie à échapper aux sanctions, selon des responsables du renseignement occidental.
Pour la Russie, qui s’efforce de maintenir son élan en Ukraine après six mois de conflit brutal, la nouvelle assistance iranienne pourrait changer la donne, préviennent les responsables du renseignement. “Il ne s’agit pas d’une simple alliance tactique“, a expliqué un responsable. La Chine et l’Inde refusant de vendre des armes à la Russie, l’Iran pourrait devenir un pipeline essentiel pour les armes et l’argent. …
L’aide financière iranienne à la Russie serait encore plus facile si les sanctions contre Téhéran sont levées dans le cadre d’un renouvellement de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, ont prévenu les responsables du renseignement.
Aucun drone de fabrication iranienne n’a été vu sur le théâtre ukrainien et s’il est possible qu’ils arrivent un jour ou l’autre, il est peu probable que ce soit de sitôt. La Russie vend des armes à l’Inde et à la Chine et n’a pas besoin de leur en acheter.
La Russie n’a certainement pas besoin de l’aide financière de l’Iran. C’est un pays riche et il existe de nombreux autres États, au premier rang desquels la Turquie, membre de l’OTAN, qui sont disposés à effectuer des transferts avec la Russie. En fait, seuls 37 États ont sanctionné la Russie et même ceux-là, dont les États-Unis, continuent de conclure des accords avec elle.
Le fait qu’Ignatius utilise le terme “responsables du renseignement occidentaux” pour décrire ses sources est révélateur. S’il s’agissait de sources américaines, il aurait probablement utilisé l’expression “responsables du renseignement américain“. C’est un autre indice qu’Israël est derrière cette histoire.
L’ensemble du récit n’a guère de sens. Il n’a en outre absolument rien à voir avec un éventuel retour des États-Unis dans l’accord nucléaire avec l’Iran. Le fait que cet argument absurde soit avancé maintenant révèle que certains responsables israéliens paniquent.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.