Négocier à partir d’une position d’insignifiance


Par Dmitry Orlov − Le 20 Décembre 2024 − Source Club Orlov

Voici 0,05 % des cadavres de soldats ukrainiens et de l’OTAN qui jonchent actuellement la région de Koursk.

Alors que la date de la seconde investiture de Trump approche, certains chroniqueurs consacrent de plus en plus de temps au sujet des négociations de paix que Trump entamera avec Poutine pour mettre fin au conflit en Ukraine. Tous partent du principe que Trump peut obtenir de précieuses concessions de la part de Poutine. Le NYT a admis pour la première fois que le patient (l’Ukraine) est mort et commence à sentir, et qu’il est temps pour eux de commencer à planifier la phase d’après-guerre du conflit. Voici un aperçu des offres que ces chroniqueurs considèrent comme possibles.

Les experts ne voient que quatre versions de l’accord à signer, qui doit garantir la sécurité de l’Ukraine d’une manière ou d’une autre (pour s’assurer que l’« agression russe » reste sous contrôle).

  1. La Russie conserve les anciens territoires ukrainiens qu’elle a libérés jusqu’à présent, tandis que le reste de l’Ukraine adhère à l’OTAN. Mais il n’y a pas de consensus au sein de l’OTAN sur l’adhésion de l’Ukraine et, surtout, Trump s’y oppose. Et tout cela n’est pas pertinent puisque la position russe depuis 1991 est que l’Ukraine doit être militairement neutre et n’être membre d’aucun bloc militaire ou d’aucune alliance. Rayons d’emblée ce point de la liste : quiconque utilise les mots « Ukraine » et « OTAN » dans la même phrase vous fait perdre votre temps.
  2. La Russie conserve les territoires anciennement ukrainiens qu’elle a libérés jusqu’à présent, tandis que le reste de l’Ukraine doit être patrouillé par un consortium de forces de maintien de la paix européennes. Cela semble raisonnable à première vue, puisque Trump n’enverra certainement pas de forces américaines pour faire ce sale boulot, sauf que… la position russe depuis 1991 est que l’Ukraine doit être militairement neutre et n’être membre d’aucun bloc militaire ou d’aucune alliance. Et la présence de troupes étrangères sur le sol ukrainien ne le qualifie pas de neutre ; par conséquent, ces forces seront envoyées à Dieu ou Allah ou autre dès leur arrivée et, par conséquent, les envoyer en Ukraine n’est certainement pas un pas en avant vers la paix. Rayez également celle-ci de la liste : quiconque suggère le déploiement de forces de maintien de la paix européennes en Ukraine vous fait perdre votre temps.
  3. Même chose, sauf que les forces européennes de maintien de la paix seraient placées sous le commandement de l’OTAN. Peu importe sous quel commandement ces Européens seraient placés ; ils finiraient toujours par mourir, alors rayez également cette proposition de la liste.
  4. La « neutralité armée » : La Russie conserve le territoire qu’elle contrôle actuellement, tandis que l’Ukraine peut déployer ses muscles militaires sans être soumise à aucune restriction quant à la taille de son armée ou au nombre et au type d’armes conventionnelles dont elle dispose. Les pontes du NYT pensent qu’il s’agit du plan le plus réalisable, même s’il n’est pas aussi avantageux pour l’Ukraine (puisqu’il faudrait qu’elle fasse quelque chose, comme bander ses muscles). Sauf que le mémorandum d’Istanbul – le dernier accord négocié entre l’Ukraine et la Russie en 2022, que l’Ukraine a ensuite refusé de signer – précisait le type et le nombre exacts de troupes et d’armes que l’Ukraine serait autorisée à conserver dans sa forme finale neutre, démilitarisée et dénazifiée. Et c’est à ce mémorandum, mis à jour pour refléter les nouveaux faits sur le terrain, que les Russes seraient prêts à revenir si les négociations devaient reprendre.

Comme vous le voyez, les États-Unis, l’OTAN et l’Europe n’ont rien en main. Il semble très probable que les négociations actuelles, qui constituent une étape du processus de deuil, soient liées au fait que Trump a fait ses adieux à l’Ukraine et qu’il souhaite sortir les États-Unis du conflit par procuration contre la Russie que son prédécesseur a déclenché, et le faire le plus rapidement et le plus économiquement possible, sans accepter la moindre responsabilité et certainement sans offrir la moindre garantie de sécurité à l’Ukraine. Tout ce qu’il reste à obtenir, c’est d’amener la partie russe à faire une concession – n’importe quelle concession, même symbolique et sans conséquence – pour que l’abandon de l’Ukraine ne ressemble pas à une défaite pure et simple. Cela semble être un plan, sauf que…

Note du Saker Francophone

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Dmitry Orlov

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Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.

Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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