Après le président aux tweets, voici la future présidente aux selfies
Par James Howard Kunstler − Le 20 septembre 2019 − Source kunstler.com
Contrairement à la candidate démocrate à la présidentielle de 2016, Elizabeth Warren n’éprouve pas le mépris, la répugnance et l’horreur suscitées par la tâche qui consiste à se mêler à la populace. Au lieu de cela, elle est devenue célèbre pour la mise en scène de longues sessions, après les discours de campagne, afin de poser pour des selfies avec ses fans. Vous remarquerez que les demandes de selfies viennent toutes des femmes. C’est réconfortant que toutes s’y mettent. C’est au centre de la stratégie de la sénatrice Warren pour remporter les prochaines élections : capturer le vote des femmes et devenir la présidente de toutes les femmes des États-Unis.
C’est une stratégie judicieuse de transformer les élections en un concours de genre, mais les élections elles-mêmes se sont déjà tournées vers cette prémisse stupide plus souvent qu’à leur tour. Paradoxalement, le pesant président Trump, avec sa bedaine proéminente, son mystifiant esbroufe, son vocabulaire de classe de quatrième, et son approche délicate de la romance – du style « attrape-les-femmes-par-la chatte » – a obtenu 53% des voix des femmes la dernière fois. C’est peut-être plus le reflet du dégoût titanesque de son adversaire [Hillary Clinton] que des charmes de M. Trump. Mais cela ne fait que souligner le pari de Mme Warren : tout ce qu’elle a à faire, c’est de ramener une généreuse majorité de femmes américaines à ses côtés.
Elle est, à bien des égards, un parangon de son sexe. Elle a tiré le meilleur parti de son look de citoyenne de l’Oklahoma, nourrie au maïs. À 69 ans, elle gambade avec entrain pendant les campagnes électorales, la silhouette bien gainée, en vestes Nina McLemore de couleur pierres précieuse, au col relevé, comme si elle était la professeure de yoga des États-Unis, un complément attrayant à sa carrière précédente en tant que professeur de droit à Harvard. Elle marque des points question sentiments et valeurs de partage, qualités que la plupart des hommes ne peuvent que caricaturer. Se prétendre Cherokee était un moyen, pardonnable pour elle, de partager des identités utiles pour l’avancement de sa carrière. Et elle affiche une pointe de colère palpable face à toutes les escroqueries et injustices dans la vie américaine d’aujourd’hui, en particulier celles engendrées à Wall Street par le patriarcat financier – alors ! qui peut argumenter contre ça ? Si elle a un mari – et elle en a un, Bruce H. Mann, professeur de droit à Harvard – il pourrait tout aussi bien vivre dans une grotte.
Le grand truc de Mme Warren, à ce stade de la campagne, est l’assurance-maladie pour tous, des soins de santé nationalisés avec un payeur unique. L’attrait est évident : d’une part, d’autres pays civilisés parviennent à le fournir à leurs citoyens. Et malgré les affirmations contradictoires selon lesquelles « les gens aiment leur assurance maladie », le monde n’a probablement jamais vu un racket aussi impitoyable et odieux que le système actuel aux États-Unis. Demandez aux couillons, contraints d’emmener leurs enfants à la salle d’urgence, qui se retrouvent coincés avec des factures de 6000$ pour quelques points de suture. Mme Warren propose un nouveau système qui transformerait la médecine en quelque chose de plus semblable à un Centre auto, style Speedy ou Norauto, mais avec des médecins – si vous pouviez trouver des médecins prêts à signer, ce dont je doute. Et bien sûr, parce qu’elle suscite de tels sentiments profonds de sympathie maternelle, Mme Warren a également levé la main avec enthousiasme pour soutenir la gratuité des soins de santé pour les immigrants clandestins, en complément de la politique de frontières ouverte des démocrates.
Mme Warren pourrait remporter la nomination et même les élections uniquement sur cet ensemble de qualités, en particulier si l’économie bascule dans le fossé à cause du Golem d’or de la Grandeur – MAGA – , fossé où l’économie semble se diriger, au moment où j’écris, si vous regardez les ventes lamentables de voitures et les statistiques sur le commerce mondial en chute libre. Il reste un peu plus d’un an avant les élections pour que cette scène empire. En l’occurrence, si elle est élue, la présidente Warren se trouverait engluée dans une deuxième crise économique bien plus grave que celle des années 1930.
Je doute qu’elle puisse se débrouiller comme Franklin D. Roosevelt à l’époque. L’Amérique avait alors beaucoup de tout sauf d’argent liquide. Beaucoup de pétrole, de minerais, d’usines et de travailleurs bien organisés. Maintenant, nous avons officiellement une dette de 22 000 milliards de dollars. Le pétrole restant coûte tellement cher à arracher du sol qu’il met les compagnies pétrolières en faillite. Les minerais sont épuisés. Les usines sont en ruine. Et la force de travail a dégénéré en divers groupes exigeant quelque chose pour rien. La suite des événements sera moins une dépression qu’une longue urgence de contraction permanente, et même les charmes enjoués de mamie Warren pourraient ne pas suffire à préserver la paix civile dans ces conditions.
Le tableau que je dessine est certes sévère, mais ce qui me préoccupe tout autant, c’est la perspective d’une guerre civile entre les sexes. Les choses vont déjà assez mal, comme en témoigne cette semaine la récente campagne du New York Times visant à abattre le juge Kavanaugh dans le reportage incroyablement mensonger de Robin Pogrebin et Kate Kelly. La classe éduquée des femmes américaines gagne une réputation de malhonnêteté et de méchanceté tout aussi grave que le patriarcat contre lequel elle s’investit. Et croyez-le ou non, les hommes sont toujours là, et même certains héroïques, ils ne supporteront pas ce non-sens éternellement.
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Traduit par jj, relu par San pour le Saker Francophone