Le corollaire de l’échec de l’initiative technocratique visant à liquéfier l’économie surendettée pourrait bien être la récession.
Par Alastair Crooke – Le 10 janvier 2021 – Source Strategic Culture
Il y a trois ans, j’ai dit à un professeur américain de l’U.S. Army War College à Washington, à propos de la campagne pour le retour aux États-Unis des emplois cols bleus perdus au profit de l’Asie, que ces emplois ne reviendraient jamais. Ils étaient partis pour de bon.
Il a rétorqué que c’était précisément le cas mais que je ne comprenais pas l’essentiel. L’Amérique ne s’attendait pas ou ne voulait pas que la majorité de ces emplois manufacturiers banals reviennent. Ils devraient rester en Asie. Les élites, a-t-il dit, ne veulent que se placer aux sommets de la technologie. Elles veulent la propriété intellectuelle, les protocoles, les mesures, le cadre réglementaire qui permettraient à l’Amérique de se démarquer et de se développer au cours des deux prochaines décennies d’évolution technologique mondiale.
Cependant, le véritable dilemme, selon lui, était le suivant : « Que faire des 20 % de main-d’œuvre américaine qui ne seraient plus nécessaires, qui ne seraient plus indispensables au fonctionnement d’une économie américaine dirigée par la technologie ? »
En fait, ce que ce professeur m’a dit n’est qu’une facette d’un dilemme économique fondamental. À partir des années soixante-dix et quatre-vingt, les entreprises américaines se sont employées à délocaliser leurs coûts de main-d’œuvre en Asie. Il s’agissait en partie de réduire les coûts et d’augmenter la rentabilité (ce qui s’est produit), mais cela représentait également quelque chose de plus profond.
Depuis le début, les États-Unis ont été un empire expansionniste qui n’a cessé d’assimiler de nouvelles terres, de nouveaux peuples et leurs ressources humaines et matérielles. La marche en avant, l’expansion militaire, commerciale et culturelle continue sont devenues le moteur de Wall Street et de sa politique étrangère. Car, sans cette expansion incessante, les liens civiques de l’unité américaine sont remis en question. Une Amérique qui n’est pas en mouvement n’est pas l’Amérique. Cela constitue l’essence même de la leitkultur 1 américaine.
Pourtant, cela n’a fait que renforcer le dilemme souligné par mon ami. L’expansion s’est accompagnée d’un déluge de crédits de Wall Street dans le monde entier. Le fardeau de la dette a explosé, et est devenu très lourd, en équilibre instable sur une tête d’épingle de garantie sous-jacente authentique.
Ce n’est qu’aujourd’hui – pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale – que l’axe Russie-Chine a remis en question cette impulsion stratégique expansionniste américaine. Ils ont fait savoir qu’ils en avaient « assez ».
Pourtant, il y a toujours eu un autre aspect à cette dynamique de transition structurelle occidentale. Ses fondements, comme l’a suggéré le professeur, ne reposent plus sur le travail socialement nécessaire consistant à fabriquer des produits banals tels que les voitures, les téléphones ou le dentifrice. Mais le cœur du système réside désormais dans les spéculations sur des actifs financiers tels que les actions, les obligations, les contrats à terme et surtout les produits dérivés, dont la valeur est titrisée indéfiniment. Dans ce contexte, les 20 % (ou plus vraisemblablement les 40 %) de la main-d’œuvre disponible deviennent tout simplement superflus dans cette économie hautement complexe, hyper-financiarisée et en réseau.
Voici donc le deuxième dilemme : alors que le rétrécissement structurel de l’économie basée sur le travail gonfle le secteur financier, la volatilité complexe de ce dernier ne peut être contenue que par une logique de dopage monétaire perpétuel (injections perpétuelles de liquidités), justifiée par des urgences mondiales nécessitant des stimuli toujours plus importants.
Comment faire face à ce dilemme ? Eh bien, il n’y a pas de retour en arrière possible. Ce n’est pas une option.
Dans ce contexte, le régime pandémique devient le symptôme d’un monde si éloigné de toute autosuffisance économique réelle – suffisante pour soutenir sa main-d’œuvre existante – que le dilemme ne peut être résolu (du point de vue des élites) qu’en facilitant l’atténuation continue de l’ancienne économie, tandis que les actifs financiers doivent être réapprovisionnés par des ajouts réguliers de liquidités.
Comment le gérer ? Avec l’abolition progressive du rôle traditionnel de la main-d’œuvre dans la production des marchandises (soit par l’automatisation, soit par la délocalisation), les entreprises ont utilisé l’idéologie woke pour se réinventer. Elles ne produisent plus seulement des « choses », mais des produits sociaux. Elles sont des parties prenantes de la société qui « fabriquent » des résultats socialement souhaitables : diversité, inclusion sociale, égalité entre les sexes et gouvernance climatiquement responsable. Cette transition a déjà produit une corne d’abondance de nouvelles liquidités ESG circulant dans des artères économiques calcifiées.
Et la pandémie, bien sûr, justifie la stimulation monétaire, tandis que l’urgence de « santé » climatique qui suivra est préparée afin de légitimer une nouvelle expansion de la dette, pour l’avenir.
L’analyste financier Mauro Bottarelli a résumé la logique de tout cela comme suit : « Un état d’urgence sanitaire semi-permanent est préférable à un krach massif du marché qui transformerait le souvenir de 2008 en une promenade dans un parc. »
Le professeur de théorie critique et d’italien à l’Université de Cardiff, Fabio Vighi, a lui aussi noté l’« Incurabilité » de ce qu’il appelle « le Covid long du banquier central » – que l’injection d’un stimulus monétaire aussi énorme que celui que nous avons vu n’a été possible qu’en éteignant le moteur de Main Street 2, car une telle cascade de liquidités (6 000 milliards de dollars) ne pouvait pas être autorisée à se déverser bon gré mal gré dans l’économie de Main Street (selon les banquiers centraux), car cela aurait provoqué un tsunami inflationniste à la manière de la République de Weimar. Au contraire, son objectif principal a été de gonfler davantage le monde virtuel d’instruments financiers toujours plus complexes.
Inévitablement, cependant, couplé à des goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, le flot de liquidités a provoqué une hausse de l’inflation à Main Street, et a donc imposé de nouveaux dommages sur le terrain. L’objectif consistant à gérer l’atténuation de l’activité manufacturière d’une part (le confinement des petites entreprises), tandis que les liquidités circulaient librement vers la sphère financiarisée (pour retarder un krach boursier) a échoué. L’inflation s’accélère, les taux d’intérêt vont augmenter, ce qui entraînera des conséquences sociales et politiques négatives : la colère plutôt que la conformité.
Au cœur de la situation difficile de ceux qui dirigent le système, il y a le fait que, s’ils devaient perdre le contrôle de la création de liquidités – que ce soit en raison de la hausse des taux d’intérêt ou d’une dissidence politique croissante – la récession qui s’ensuivrait détruirait l’ensemble du tissu socio-économique.
Et toute récession grave aurait probablement des répercussions sur les dirigeants politiques occidentaux également.
Ils ont donc choisi, au lieu de cela, de sacrifier le cadre démocratique, afin de mettre en place un régime monétaire ancré dans le culte de la science et de la technologie, de la propagande médiatique et des récits catastrophistes, comme moyen de progresser vers une prise de pouvoir technocratique « aristocratique » sur le peuple. (Oui, dans certains « cercles », on considère ça comme une nouvelle aristocratie de l’argent).
De nouveau le professeur Vighi :
Les conséquences du capitalisme d’urgence sont résolument biopolitiques. Elles concernent l’administration d’un surplus humain qui devient superflu pour un modèle reproductif largement automatisé, hautement financiarisé et implosif. C’est pourquoi le Virus, le Vaccin et le Passeport Covid sont la Sainte Trinité de l’ingénierie sociale.
Les « passeports Virus » sont destinés à former les multitudes à l’utilisation de portefeuilles électroniques contrôlant l’accès aux services publics et aux moyens de subsistance personnels. Les masses dépossédées et licenciées, ainsi que celles qui ne se conforment pas aux règles, seront les premières à être disciplinées par des systèmes numériques de gestion de la pauvreté directement supervisés par le capital monopolistique. Le plan consiste à transformer le comportement humain en jeton numérique et à le placer dans les registres de blockchain gérés par des algorithmes. Et la propagation de la peur mondiale est le bâton idéologique parfait pour nous mener vers ce résultat.
Le point de vue du professeur Vighi est clair. La campagne de vaccination et le système du passeport vert ne sont pas des disciplines de santé autonomes. Ils n’ont rien à voir avec « la Science » et ne sont pas censés avoir un sens. Ils sont primordialement liés au dilemme économique des élites et servent également d’outil politique permettant à une nouvelle dispensation monétaire de supplanter la démocratie. Le président Macron a dit tout haut ce qui était inexprimé lorsqu’il a déclaré : « Quant aux non-vaccinés, j’ai vraiment envie de les emmerder. Et nous allons continuer à le faire, jusqu’au bout. C’est la stratégie ».
De même, le Premier ministre italien Draghi a multiplié les attaques contre les non-vaccinés, rendant les vaccins obligatoires pour les plus de 50 ans et imposant des restrictions importantes aux plus de 12 ans. Une fois encore, bien que le mantra soit de « suivre la science », ces mesures n’ont aucun sens : le variant Omicron infecte principalement les personnes doublement vaccinées, et non les personnes non vaccinées. Ce fait n’est jamais admis. Les deux dirigeants sont désespérés : ils doivent « liquéfier » leurs économies, et vite.
En effet, le Dr Malone, chef de file américain et père des vaccins à ARNm, a écrit à propos de ceux qui soulignent ces incohérences et ces illogismes – deux mois seulement avant la suspension de son compte Twitter – dans un message Twitter plutôt prophétique :
« Je vais parler franchement », a-t-il écrit.
« Les médecins qui s’expriment sont activement pourchassés via les conseils médicaux et la presse. Ils essaient de nous délégitimer et de nous abattre, un par un. »
Il a terminé en prévenant qu’il ne s’agit « pas d’une théorie du complot » mais « d’un fait ». Il nous a exhorté à « nous réveiller ».
Comme l’a noté le Telegraph, les scientifiques britanniques membres d’un comité qui a encouragé l’utilisation de la peur pour contrôler le comportement des gens pendant la pandémie de Covid ont admis que leur travail était « contraire à l’éthique » et « totalitaire ». Les scientifiques ont averti en mars 2021 que les ministres britanniques devaient augmenter « le niveau perçu de menace personnelle » du Covid-19, car « un nombre important de personnes ne se sentent toujours pas suffisamment menacées personnellement ». Gavin Morgan, un psychologue de l’équipe, a déclaré : « Il est clair que l’utilisation de la peur comme moyen de contrôle n’est pas éthique. L’utilisation de la peur a des relents de totalitarisme ».
Un autre membre du SPI-B a déclaré : « On pourrait appeler cela de la psychologie du « contrôle de l’esprit ». C’est ce que nous faisons… Nous essayons clairement de le faire de manière positive, mais cela a été utilisé de manière néfaste dans le passé ». Un autre collègue a mis en garde contre le fait que « les gens utilisent la pandémie pour s’emparer du pouvoir et faire passer des choses qui ne se produiraient pas autrement… Nous devons faire très attention à l’autoritarisme qui s’insinue ».
Le problème est cependant plus profond qu’un peu de « psychologie du nudge« . En 2019, la BBC a créé la Trusted News Initiative (TNI), un partenariat qui inclut désormais de nombreux médias grand public. La TNI a été ostensiblement conçue pour contrer l’influence narrative étrangère en période électorale, mais elle s’est développée pour harmoniser tous les éléments du message et éliminer les déviations dans le vaste domaine des médias et des plateformes technologiques.
Ces « points de discussion » harmonisés sont plus puissants (et insidieux) que n’importe quelle idéologie, car ils ne fonctionnent pas comme un système de croyances ou une éthique mais plutôt comme une « science » objective. Vous ne pouvez pas discuter avec, ou vous opposer à, la Science (avec un « S » majuscule). La Science n’a pas d’opposants politiques. Ceux qui la remettent en question sont étiquetés « théoriciens du complot », « anti-vax », « négationnistes du Covid », « extrémistes », etc. Ainsi, le récit pathologisé de la Nouvelle Normalité pathologise également ses opposants politiques : il les prive de toute légitimité politique. L’objectif est évidemment de les contraindre à se conformer. Macron l’a dit clairement.
La séparation de la population sur la base du statut vaccinal est un événement historique. Si la résistance est étouffée, une carte d’identité numérique obligatoire pourra être introduite pour enregistrer la « justesse » de notre comportement et réglementer l’accès à la société. Le Covid aura été le cheval de Troie idéal pour cette percée. Un système mondial d’identification numérique basé sur la technologie blockchain est prévu depuis longtemps par l’Alliance ID2020, soutenue par des géants comme Accenture, Microsoft, la Fondation Rockefeller, MasterCard, IBM, Facebook et l’omniprésente GAVI de Bill Gates. À partir de là, la transition vers le contrôle monétaire devrait se faire relativement en douceur. Les CBDC permettraient aux banquiers centraux non seulement de suivre chaque transaction, mais surtout de bloquer l’accès aux liquidités, pour toute raison jugée légitime.
Le talon d’Achille de tout cela, cependant, est la preuve d’une véritable résistance populaire à la suppression par les plateformes technologiques de toute opinion dissidente (quelle que soit la qualité de sa source), au refus de permettre aux gens de choisir en toute connaissance de cause leur traitement médical, et aux restrictions arbitraires pouvant entraîner la perte des moyens de subsistance imposées par décret et étayées par des lois d’urgence, limitant la protestation populaire.
Mais de manière plus significative et paradoxale, le variant Omicron peut couper les jambes des dirigeants politiques qui ont l’intention de redoubler d’efforts. Il est tout à fait possible que ce variant léger (à peine létal), mais hautement contagieux, se révèle être le « vaccin » de la nature, nous donnant une large protection immunitaire – ostensiblement meilleure que celle offerte par les « vaccins » de la Science !
Nous observons déjà que les États européens sont confus et en désaccord les uns avec les autres – adoptant des lignes politiques diamétralement opposées : certains mettent fin aux restrictions, d’autres en décrètent de plus en plus. D’autres pays, comme Israël, réduisent les restrictions et s’orientent vers une politique d’immunité collective.
Bien sûr, le corollaire de l’échec de l’initiative technocratique visant à liquéfier l’économie surendettée pourrait bien être la récession. C’est malheureusement la conséquence logique de cette situation.
Alastair Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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