Par Moon of Alabama – Le 13 mai 2025
Le 2 avril, le président Donald Trump a déclaré le « Jour de la libération« , annonçant une nouvelle stratégie à base de droits de douane visant à corriger les déséquilibres commerciaux et à protéger les travailleurs et les industries des États-Unis.
Il s’agissait d’un mauvais médicament pour une maladie mal diagnostiquée. Les problèmes économiques internes des États-Unis sont dus à des incitations légales à la spéculation financière et à des freins à la production de biens dont les gens ont besoin. Les taxes douanières ne résoudront pas ce problème.
Les taxes introduites par Trump ne tiennent pas compte des réalités économiques. L’ensemble du concept économique sous-jacent est basé sur une théorie bizarre proposée par des conseillers. Il était évident que toute la stratégie de Trump mise en œuvre par le biais des droits de douane échouerait.
La Chine et d’autres pays ont riposté aux taxes douanières américains en en introduisant eux-mêmes. Les marchés ont réagi de manière appropriée. La valeur du dollar américain, des marchés boursiers américains et des bons du Trésor américain a baissé.
Le 9 avril, Trump a été contraint de faire marche arrière. Il a suspendu les droits de douane pour la plupart des pays pendant 90 jours, mais a augmenté les droits de douane pour la Chine.
La Chine a réagi de la même manière.
Trois jours plus tard, Trump annonçait un nouveau recul. Les smartphones et les ordinateurs ont été exclus des droits de douane précédemment introduits.
Les spéculateurs ont sans doute apprécié l’incertitude que les tactiques commerciales irresponsables de Trump ont introduite sur les marchés financiers. Mais pour les marchés de biens réels, l’incertitude est un venin qui bloque toutes les activités. Il est rapidement devenu évident que les droits de douane allaient poser d’énormes problèmes à l’économie américaine.
Trump a tenté de faire pression sur la Chine pour qu’elle accepte les conditions américaines dans le cadre d’un nouvel accord commercial. Mais la Chine a rejeté toute discussion tant que les droits de douane ne seraient pas rétablis à leur niveau antérieur.
Cette concession a été faite. Lors des pourparlers du week-end à Genève, les États-Unis ont à nouveau reculé.
Les rédacteurs du Wall Street Journal n’hésitent pas à faire des commentaires :
Il est rare qu’une politique économique soit répudiée avec autant de force et de rapidité que les droits de douane du président Trump pour le jour de la libération, et ce de la propre main de Trump. En témoigne l’accord conclu lundi matin pour réduire ses droits de douane punitifs sur la Chine – son deuxième recul majeur en moins d’une semaine. C’est une victoire pour la réalité économique et pour la prospérité américaine.
Il s’agit plutôt d’une victoire partielle pour la réalité. L’administration a accepté de supprimer la plupart des droits de douane de 145 % que Trump avait imposés sur les produits chinois, depuis le 2 avril. Ce qui reste, c’est son nouveau tarif de base global de 10 %, plus le prélèvement séparé de 20 % prétendument lié au rôle de la Chine dans le commerce du fentanyl, soit un taux total de 30 %. En échange, Pékin réduira ses droits de rétorsion de 125 % à 10 %. L’accord est valable pour une période de 90 jours à compter de la date d’entrée en vigueur, alors que les négociations se poursuivent.
Et c’est là, je crois, que réside encore le gros problème.
Les rédacteurs concluent :
Les droits de douane de 30 % restent exceptionnellement élevés pour un partenaire commercial majeur, mais le délai de 90 jours épargne aux deux parties ce qui semblait être une rupture économique imminente. Les consommateurs américains étaient confrontés à des pénuries généralisées, tandis que la Chine craignait une hausse du chômage.
Pour l’instant, ces symptômes continueront à se faire sentir.
Ce ne sont pas seulement les droits de douane très élevés de 30 % (pour des produits dont les marges bénéficiaires sont très faibles) qui empêcheront les usines chinoises de reprendre leur production et les détaillants américains de réapprovisionner leurs rayons.
Le poison qui paralyse encore tout est l’incertitude et l’insécurité qui accompagnent la limite de 90 jours de l’accord et l’absence de perspective sur ce qui pourrait suivre. Qui passera des commandes pour des articles de rentrée scolaire, par exemple, si l’on ne sait pas quel prix il faudra payer pour les obtenir ?
Paul Krugman est d’accord :
Les droits de douane prohibitifs ont été suspendus, pas annulés. Personne ne sait ce qui se passera dans 90 jours. Je soutiens depuis longtemps que l’incertitude créée par les droits de douane arbitraires et changeants de Trump est au moins aussi importante que le niveau de ces droits de douane. Or, on peut dire que le niveau d’incertitude a plutôt augmenté que diminué.
Ce recul n’est probablement pas intervenu assez tôt pour éviter les prix élevés et les rayons vides. Même si les expéditions de Shanghai à Los Angeles – qui s’étaient pratiquement arrêtées – reprenaient demain, elles n’arriveraient pas à temps pour éviter l’épuisement des stocks actuels.
Je suppose que c’est une bonne nouvelle que Trump ait freiné avant de tomber complètement dans le précipice. Mais si vous pensez que la rationalité est revenue dans le processus politique, que les jours de gouvernement par caprices ignorants sont maintenant derrière nous, vous serez cruellement déçus.
Je suis d’accord avec ce point de vue.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.