Par Doug Casey − Le 14 juin 2019 − Source Casey Research
J’aimerais aborder certains aspects de la Grande Dépression dans cet article. Ce que j’ai à vous dire ici, c’est que l’inévitable est devenu réalité en 2008. Au cours des dernières années, nous avons eu un intermède financé par des milliards de nouvelles liquidités.
Cependant, l’horloge économique sur le mur donne la même heure qu’en 2007, et les Cavaliers noirs, ceux de vos pires cauchemars financiers, sont sur le point de fracasser les portes et de mettre fin à la fête. Et cette fois-ci, ce ne sont pas des poneys qu’ils chevaucheront, mais des destriers caparaçonnés.
Pour vous rafraîchir la mémoire, laissez-moi vous rappeler ce qu’est une dépression.
La meilleure définition généraliste est : une période où le niveau de vie de la plupart des gens diminue de façon significative. Selon cette définition, la Grande dépression a commencé en 2008, bien que certains historiens disent qu’elle a en fait commencé en 1971, lorsque les salaires réels se sont mis à baisser.
C’est aussi une période où les distorsions et les mauvaises allocations de capitaux sont détruites, et où le cycle économique, qui est guidé exclusivement par la dépréciation des devises, c’est-à-dire l’inflation, atteint des sommets. Cela entraîne un taux de chômage élevé, des faillites d’entreprises, des chantiers inachevés, des défauts de paiement d’obligations, des effondrements boursiers, etc.
Opportunément, pour les bénéficiaires du statu quo et les membres de ce qu’on appelle l’État profond, les milliards de nouvelles liquidités ont retardé la destruction. Mais ils ont aussi garanti qu’elle reviendrait à une échelle beaucoup plus grande.
L’État profond est un réseau extrêmement puissant qui contrôle presque tout ce qui vous entoure. Vous n’en entendrez pas parler dans les journaux car il contrôle les journaux. Les politiciens n’en parlent pas en public : ce serait comme si un mafieux débattait de meurtre et de vol aux informations du 20 heures. On pourrait dire que l’État profond est caché, mais il est en fait caché à la vue de tous.
L’État profond est la source de toutes les choses négatives qui se passent en ce moment. Pour survivre aux temps difficiles qui arrivent, il est essentiel que vous sachiez de quoi il s’agit.
L’État
Alors, quelle est la cause des problèmes économiques ? À l’exception des événements naturels comme les incendies, les inondations et les tremblements de terre, ils sont tous causés directement et indirectement par l’État, par ses guerres, ses impôts, ses règlements et son inflation.
D’accord, je sais que c’est une simplification excessive, que la nature humaine est vraiment viciée, et que l’institution de l’État n’est qu’une dramatisation massive des aberrations psychologiques et des démons qui sont en nous tous. Mais comme nous n’avons pas le temps de descendre jusqu’au fond du terrier, parlons simplement des causes immédiates plutôt que des causes ultimes de la Grande dépression. À ce stade, je veux parler de la nature de l’État, en général, puis de ce qu’on appelle l’État profond, en particulier.
Une chose importante à retenir, et j’insiste là-dessus parce que je m’attends à ce qu’elle ricoche sur les esprits programmés de la plupart des gens, c’est que l’idée de l’État est en elle-même empoisonnée, maléfique et intrinsèquement destructrice. Mais, comme tant de mauvaises idées, les gens en sont venus à supposer qu’elle fait partie du cosmos, alors qu’elle constitue vraiment une monstrueuse escroquerie. C’est une fraude, comme la croyance que vous pouvez invoquer le droit à la liberté d’expression en raison du Premier amendement, ou le droit d’être armé en raison du Deuxième amendement. Eh bien en fait, non. La Constitution des États-Unis n’est qu’un document arbitraire… sans compter le fait qu’elle n’est plus que lettre morte. Vous avez le droit de vous exprimer librement et d’être armé parce que ce sont des éléments nécessaires pour être libre, et non sur la foi d’un document politique.
Même si l’essence de l’État est la coercition, les gens ont appris à l’aimer et à le respecter. La plupart des gens se décrivent l’État dans la douce lumière d’un manuel d’éducation civique de primaire. Ils pensent que cela a quelque chose à voir avec l’élection d’un M. Smith au Sénat pour les représenter. Cet idéal a toujours été une fiction pernicieuse, car il idéalise, neutralise et légitime une institution intrinsèquement maléfique et destructrice, qui est fondée sur la force. Comme Mao l’a dit, « le pouvoir politique est au bout du canon d’un fusil », mais nous avons dépassé ce stade. Nous sommes maintenant passés à celui de l’État profond.
L’État profond
Le concept d’État profond est né en Turquie, ce qui est approprié puisqu’il est l’héritier d’empires byzantin et ottoman totalement corrompus. De la plus pure manière byzantine, l’État profond s’est immiscé dans le tissu de ce qui était autrefois l’Amérique. Ses vrilles s’étendent de Washington à tous les secteurs de la société civile. Comme un cancer qui a métastasé, il ne peut plus être facilement éradiqué.
J’ai souvent plaisanté en disant qu’il n’y avait pas de maux à Washington que 10 mégatonnes ne puissent guérir. Mais je ne dis plus cela. En partie parce que c’est trop dangereux, mais surtout parce que c’est maintenant faux. Ce qu’il faut maintenant, c’est 10 mégatonnes sur la capitale, et quatre autres frappes dans un rayon de 20 kilomètres.
À bien des égards, Washington prend modèle sur une autre ville et son État profond, la Rome antique. Voici comment un libre-penseur victorien, Winwood Reade, la décrit avec précision dans The Martyrdom of man :
Rome a vécu sur son capital jusqu’à ce que la ruine l’ait déshabillée. L’industrie est la seule vraie source de richesse, or il n’y avait pas d’industrie à Rome. Le jour, la route d’Ostie était bondée de charrettes et de mulets, transportant vers la grande ville les soies et les épices d’Orient, le marbre d’Asie Mineure, le bois de l’Atlas, le grain de l’Afrique et de l’Égypte ; et au retour les chariots ne transportaient rien d’autre que des chargements d’excréments. C’était leur seule cargaison de retour.
L’État profond contrôle l’essence politique et économique des États-Unis. On gagne beaucoup à observer qu’il n’y a pas vraiment de différence entre les ailes gauche et droite du Parti démopublicain. Il est bien connu par quiconque ayant du sens (c’est-à-dire, par tout le monde sauf l’électeur moyen) que bien que les Républicains disent qu’ils croient en la liberté économique (mais ne le montrent pas), ils ne croient certainement pas dans la liberté sociale. Et les Démocrates disent qu’ils croient en la liberté sociale (mais ne le montrent pas), mais ils ne croient certainement pas dans la liberté économique.
Qui fait partie de l’État profond ?
L’État profond américain est une structure réelle, mais informelle, qui a vu le jour non seulement pour tirer profit de l’État, mais pour le contrôler.
L’État profond a sa vie propre, comme le gouvernement lui-même. Il est composé d’employés de haut niveau d’une douzaine d’agences prétoriennes, comme le FBI, la CIA et la NSA… et des généraux, des amiraux et autres dirigeants militaires… et des membres du Congrès et des sénateurs inamovibles… et des directeurs d’organismes de régulation importants.
Mais l’État profond dépasse de loin le cadre du Gouvernement. Il comprend les dirigeants des grandes sociétés, tous fortement impliqués dans les processus de vente à l’état et qui le permettent. Cela comprend sans aucun doute la Silicon Valley, encore que ces types aient au moins le sens de l’humour, comme en témoigne leur devise « Don’t be evil ». Il comprend également tous les dirigeants de la Fed, ainsi que les directeurs de toutes les grandes banques, courtiers et assureurs. Ajoutez les présidents et de nombreux professeurs des meilleures universités, qui agissent comme centres de recrutement de l’État profond… et bien sûr, les figures majeures des médias… et de nombreux permanents du Bohemian Club et du Council on Foreign Relations. Ils incarnent le statu quo maintenu par le pouvoir, l’argent et la propagande.
Mis tous ensemble, je suppose que ces personnes sont environ un millier. Vous pourriez peut-être comparer la structure de l’État profond avec une énorme meute de chiens. Les gens que je viens de décrire sont les chiens dominants.
Cependant il y a des centaines de milliers d’autres qui ne sont pas au point focal, mais qui dépendent directement d’eux, ont une influence considérable, et soutiennent l’État profond parce qu’il les soutient. Cela inclut un grand nombre de riches, en particulier ceux qui ont bâti leur réussite grâce à leurs relations avec l’État… les 1,5 million de personnes qui ont des autorisations top secret (c’est un chiffre choquant, mais exact)… plus les principaux acteurs du crime organisé, en particulier le trafic de drogues, qui seraient peu à exister sans l’État. Plus les cadres intermédiaires dans la police et l’armée, les sociétés et les organisations non gouvernementales.
Ils sont ce qu’on pourrait appeler les chiens courants.
Au-delà, il y a des millions et des millions de personnes qui dépendent du fait que les choses resteront comme elles sont. Comme les 50 % et plus d’Américains qui reçoivent des prestations nettes de l’État… et les 60 millions inscrits à la Sécurité sociale… et les 66 millions inscrits à Medicaid… et les 50 millions de bénéficiaires de coupons alimentaires… et les nombreux millions de bénéficiaires de milliers d’autres programmes… et les 23 millions de fonctionnaires et la plupart de leurs familles. En fait, incluons les millions de Joe et de Jane moyens qui arrivent à peine à joindre les deux bouts.
On pourrait appeler ce niveau de personnes qui représentent la grande majorité de la population les chiens fouettés. Ils aiment et craignent en même temps leur maître, ils feront ce qu’il leur dit, ils se retourneront sur le dos et se pisseront dessus s’ils sont confrontés à un chien dominant ou à un chien courant qui les voit dépasser leurs bornes. Ces trois types de chiens constituent la grande majorité de la population américaine. J’espère que vous n’en faites pas partie. Quant à moi, dans ce contexte je me considère comme un Loup solitaire et j’espère que vous l’êtes aussi. Cependant, les chiens sont des ennemis des loups, et ont malheureusement tendance à les chasser.
L’État profond est destructeur, mais il est confortable pour les gens qui en vivent. Et, comme tout organisme vivant, son objectif prioritaire est : survivre ! Il survit en modelant cette fiction qu’il est à la fois bon et nécessaire. Cependant, c’est un parasite qui promeut la notion ridicule que tout le monde peut vivre aux dépens de la société.
Est-ce un complot, dirigé par un homme qui caresse un chat blanc ? Je ne crois pas. Je trouve qu’il est déjà assez difficile qu’un groupe d’amis s’entende sur le film à voir, alors un groupe de mécréants avides de pouvoir et de diriger la vie de tout le monde… Mais, d’autre part, les chiens dominants se connaissent tous, sont allés dans les mêmes écoles, appartiennent aux mêmes cercles, se fréquentent, et, le plus important, ont des intérêts, des valeurs, et des philosophies communs.
L’État profond américain ne sort pas des limites du périphérique de Washington. Il importe la richesse américaine sous forme de recettes fiscales. Une grande partie de cette richesse est consommée là par des bouches inutiles. Et puis, il exporte des choses qui le renforcent, dont les guerres, la monnaie fiduciaire, et les politiques destructrices. Cela ne peut pas durer, simplement parce que rien n’ayant une quelconque valeur ne sort de la ville.
Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone