Les USA s’apprêtent-ils à lâcher leur « allié » pakistanais ?


Par Andrew Korybko – Le 19 janvier 2019 – Source orientalreview.org

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Andy Biggs, membre républicain du Congrès, vient de faire valoir la Résolution 73 du Congrès, qui vise à retirer au Pakistan le statut d’ « allié majeur hors OTAN » du Pakistan, ce qui mettrait fin à la coopération militaire privilégiée du pays avec les USA, qui a déjà été mise à l’épreuve au cours de l’année passée, avec la décision de Trump de suspendre diverses aides au pays, et l’a dénoncée comme n’œuvrant pas suffisamment à combattre le terrorisme. Biggs veut que toute reconnaissance renouvelée du Pakistan à son statut d’« allié majeur hors OTAN » soit conditionnée par l’apport de preuves par Trump au Congrès que le pays combat le dénommé « réseau Haqqani » qui obsède les USA depuis des années. Ce procédé suggère que cette tentative pourrait être reliée avec le traitement de bouc émissaire que subit de nouveau le Pakistan, accusé du dernier revers en date du processus de paix embryonnaire USA-Taliban.

Un camion de l’OTAN traversant la frontière pakistanais

En outre, cette démarche est en soi hautement symbolique : elle intervient plus de deux ans après que les USA ait désigné l’Inde, grand rival de la Chine, comme leur tout premier « partenaire majeur de Défense », après avoir entamé un partenariat militaro-stratégique avec New Delhi visant tacitement à « contenir » la Chine. Il est très probable que les USA caressent l’idée de remplacer le Pakistan par l’Inde, cette dernière devenant par là-même leur nouvel « allié majeur hors OTAN ». Cela pousserait le Pakistan dans les bras des rivaux étasuniens que constituent la Russie et l’Inde, chose qui pourrait porter à de sérieuses conséquences en Afghanistan si Islamabad refuse de continuer à servir d’intermédiaire dans les pourparlers entre Washington et les Talibans, par exemple. Mais somme toute, la proposition de retirer au Pakistan son statut d’« allié majeur hors OTAN » est prédictible : les USA n’ont jamais traité le Pakistan comme un « allié ».

Qu’importe l’ardeur que le Pakistan aura mis à assister les USA dans leur guerre contre la terreur, ni les dizaines de milliers de morts pakistanais dans la lutte menée par l’armée de ce pays sur son propre sol, dans une version intérieure du même conflit, les USA n’ont eu de cesse que de traiter le Pakistan comme un « partenaire mineur » et de le critiquer en l’appelant à « en faire davantage ». Ces deux dernières années, le Pakistan a finalement décidé de répondre « ça suffit », et s’est mis à poursuivre ses propres objectifs de politique étrangère, visant à établir un « équilibrage » entre les grandes puissances mondiales, au lieu de s’en tenir à son ancienne dépendance stratégique envers l’une seule d’entre elles comme les USA : la situation régionale et mondiale s’en trouve révolutionnée, de par l’importance géostratégique du méga-projet du CPEC [le Couloir économique Chine-Pakistan, qui fait partie des infrastructures des Nouvelles routes de la soie chinoises, NdT].

Pour désireux que certains puissent l’être dans les administrations permanentes des renseignements, de l’armée et de la diplomatie (encore appelées « État profond » étasuniennes de « punir » le Pakistan de ses choix en lui retirant symboliquement son statut d’« allié majeur hors OTAN », d’autres comprennent également que de nombreux pakistanais seraient heureux de voir le simulacre d’« alliance » entre leur pays et les USA prendre fin, et ont bien conscience que leur pays pourrait rendre la suite des opérations très compliquée en Afghanistan pour les USA. Pour cette raison, il n’est pas certain que l’on voit cette Résolution 73 adoptée. Quoi qu’il en soit, un signal très fort a été émis en direction d’Islamabad : certains éléments à Washington cultivent des intentions très hostiles envers le Pakistan, sans considération aucune pour les sacrifices consentis par le pays au nom de leur guerre contre la terreur.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 18 janvier 2019.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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