Les discussions entre les États-Unis et la Chine laissent présager un conflit qui va durer


Par Moon of Alabama – Le 26 juillet 2021

Les États-Unis jouent un double jeu dans leur approche de la Chine. Ils utilisent tous les moyens pour tirer profit de la Chine là où ils le peuvent, tout en la limitant dans les domaines où ils ne peuvent plus la concurrencer. Les Chinois rejettent cette attitude. Les États-Unis, disent-ils, ne devraient pas considérer la Chine comme un ennemi. Ils devraient cesser de lui faire la leçon, l’accepter comme un égal et coopérer avec elle dans tous les domaines.

Mais les États-Unis ne sont pas disposés à le faire. Leur complexe média-militaro-industriel est déjà prêt pour une guerre froide avec la Chine. Il va en tirer des milliers de milliards de dollars. De son côté, la Chine est prête à répondre durement, si elle y est obligée.

Aujourd’hui, la secrétaire d’État américaine adjointe, Wendy Sherman, s’est entretenue avec le vice-ministre chinois des affaires étrangères, Xie Feng, et a également rencontré le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi. Cette dernière rencontre, qui devait être l’événement principal pour les États-Unis, a déjà donné lieu à une dispute. Wang Yi n’a pas le rang de Sherman et son principal interlocuteur, ont insisté les Chinois, devrait être une personne de son niveau :

Le département d'État a souligné que Mme Sherman aura des communications de "haut niveau", mais une déclaration du ministère chinois des Affaires étrangères a souligné que Mme Sherman "s'entretiendra" avec Xie et qu'ensuite, Wang, le ministre des Affaires étrangères "la rencontrera".

Samedi, deux “hauts fonctionnaires de l’administration américaine” ont donné un aperçu de ces entretiens :

Comme l'a dit le secrétaire Blinken, la relation des États-Unis avec la Chine sera collaborative là où elle peut l'être, compétitive là où elle doit l'être et conflictuelle là où elle doit l'être. Et nous nous attendons à ce que toutes les dimensions de cette relation soient sur la table des discussions lors des réunions avec Wendy [Sherman]. ...

À Tianjin, [Sherman] fera comprendre que, si nous sommes favorables à une concurrence acharnée et soutenue avec la Chine, tout le monde doit jouer selon les mêmes règles et au même niveau - sur un terrain de jeu égal.

Elle soulignera que nous ne voulons pas que cette concurrence acharnée et soutenue dégénère en conflit. C'est pourquoi les États-Unis veulent s'assurer qu'il y a des garde-fous et des paramètres en place pour gérer la relation de manière responsable.

Le second fonctionnaire a ajouté :

Permettez-moi également de replacer cette réunion dans le contexte de l'effort de l'administration en matière de politique chinoise. Depuis l'entrée en fonction du président Biden, nous avons mis l'accent sur le renforcement de notre propre compétitivité face à la Chine par le biais de nombreuses mesures que nous avons prises au niveau national, en investissant dans notre pays. Nous avons également rallié nos alliés et nos partenaires, notamment pour promouvoir une vision positive de l'ordre international fondé sur des règles. Et nous avons confronté la Chine lorsqu'elle a agi contre nos intérêts et nos valeurs, tout en travaillant à coopérer avec elle dans des domaines tels que le changement climatique et la non-prolifération.

Nous savons que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons avec nos alliés. Nous savons que cela nous rend plus efficaces lorsque nous traitons avec Pékin. Nous ne cherchons pas à créer une coalition anti-Chine dans notre travail avec nos alliés et partenaires, mais plutôt à travailler ensemble de manière multilatérale pour faire respecter l'ordre international fondé sur des règles. ...

Avec toutes ces actions en cours, nous abordons cet engagement dans une position de force et de solidarité. ...

Même si nous rencontrons nos homologues chinois, nous continuerons également à demander des comptes à la Chine. Ces éléments ne s'excluent pas mutuellement, et il doit être clair que nous n'avons pas peur de dire qu’il en coûtera à la Chine si son comportement sape les normes internationales.

Comme Peter Lee l’a commenté avec son humour habituel :

chinahand @chinahand - 16:43 UTC – 24 Jul 2021

"Nous allons continuer à vous botter le cul. Mais ne nous rendez pas la pareille, d'accord ?" Notre destin maintenant que des Machiavels de pacotille, pardon, des jeunes talents, dirigent le show des affaires internationales.

Les mots que nous avons souligné en gras n’ont pas été bien accueillis en Chine. Dimanche, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a, dans une interview, critiqué l’exceptionnalisme américain :

"Les États-Unis veulent toujours exercer une pression sur les autres pays en vertu de leur propre force, pensant qu'ils sont supérieurs aux autres", a déclaré samedi le ministre des Affaires étrangères Wang Yi.

"Cependant, je voudrais dire clairement à la partie américaine qu'il n'y a jamais eu de pays dans ce monde qui soit supérieur aux autres, et qu'il ne devrait pas y en avoir, et la Chine n'acceptera aucun pays qui prétend être supérieur aux autres".

"Si les États-Unis n'ont toujours pas appris à s'entendre avec d'autres pays sur un pied d'égalité, alors il est de notre responsabilité, avec la communauté internationale, de donner aux États-Unis une bonne leçon sur le sujet."

Aujourd’hui, après l’entretien entre Sherman et Xie, le ministère des affaires étrangères a publié une série de bribes de réponses fortes du vice-ministre des affaires étrangères Xie Feng :

J’aime particulièrement celui sur “l’ordre international fondé sur des règles” :

Le 26 juillet, lors de ses entretiens avec la secrétaire d'État adjointe américaine Wendy Sherman, le vice-ministre des Affaires étrangères Xie Feng a fait le commentaire suivant : "le soi-disant "ordre international fondé sur des règles" américain est un effort des États-Unis et de quelques autres pays occidentaux pour présenter leurs propres règles comme étant des règles internationales et les imposer aux autres pays. Les États-Unis ont abandonné le droit et l'ordre international universellement reconnu et ont endommagé le système international qu'ils avaient pourtant contribué à mettre en place. Et ils tentent de le remplacer par un soi-disant "ordre international fondé sur des règles". C’est une tactique consistant à changer les règles pour se faciliter la vie et la rendre difficile aux autres, et d'introduire "la loi de la jungle" où la force a raison et où les grands tyrannisent les petits".

Le South China Morning Post résume l’affaire ainsi :

La Chine a, pour la première fois, donné aux États-Unis une liste de lignes rouges à ne pas franchir et de mesures qu'ils doivent prendre pour restaurer de bonnes relations, en particulier la levée des sanctions et l'abandon de leur demande d'extradition de la responsable financière de Huawei, Meng Wanzhou.

Le vice-ministre chinois des affaires étrangères, Xie Feng, a déclaré lundi matin à la secrétaire d'État américaine adjointe, Wendy Sherman, que les relations entre les États-Unis et la Chine étaient dans une "impasse" et risquaient d'avoir de "graves conséquences", selon un communiqué du ministère chinois des affaires étrangères.

"La raison fondamentale est que certaines personnes aux Etats-Unis traitent la Chine comme un 'ennemi imaginaire'", a déclaré Xie.

Après la réunion, Xie a déclaré que la Chine avait remis deux listes aux États-Unis - l'une contenant les mesures correctives que Washington doit prendre à l'égard de la Chine, et l'autre une série de préoccupations clés de Pékin. ...

Xie a déclaré que la partie chinoise a également "exprimé son fort mécontentement à l'égard des remarques et actions erronées des Etats-Unis" en ce qui concerne les enquêtes sur les origines de la Covid-19, Taiwan, le Xinjiang, Hong Kong et la mer de Chine méridionale.

"Nous exhortons les États-Unis à ne pas sous-estimer la forte détermination, la ferme volonté et la forte capacité des 1,4 milliard de Chinois à sauvegarder leur souveraineté nationale, leur sécurité et les intérêts du développement", a déclaré l'agence de presse étatique Xinhua, citée par l'intéressé.

Dans son résumé des entretiens, Associated Press souligne la différence fondamentale entre les deux approches :

Les entretiens en tête-à-tête de haut niveau entre les diplomates américains et chinois, lundi, ont mis en évidence des différences marquées entre les parties, même si le ton est apparu un peu moins conflictuel que lors de leur dernière rencontre. ...

Xie a déclaré que la Chine souhaitait rechercher un terrain d'entente tout en mettant de côté les différences, soulignant ainsi une division dans l'approche fondamentale de leurs relations. L'administration Biden a déclaré qu'elle coopérerait dans des domaines tels que le climat, mais qu'elle confronterait la Chine dans d'autres, comme les droits de l'homme, décrivant la relation comme étant à la fois une collaboration, une compétition et une confrontation.

Comme les États-Unis rejettent pour l’instant l’offre chinoise d’enterrer la hache de guerre, la Chine devra se montrer dur. Elle ne sera pas coopérative dans les domaines où les États-Unis souhaitent qu’elle le soit (Iran, Corée du Nord, etc.). Elle se montrera également hostile dans les domaines où les États-Unis ont peu de moyens de riposter (exportations de terres rares, recertification du Boeing 737MAX).

Les États-Unis espèrent qu’ils pourront trouver des “alliés” et les pousser à affronter la Chine. Mais l’Europe a déjà rejeté cette idée. Pour d’autres, en particulier en Asie, les États-Unis ressemblent à une puissance en déclin parce qu’ils sont une puissance en déclin et que les intérêts économiques de la plupart des nations favorisent désormais la Chine. Dans ces circonstances, je ne vois pas comment les États-Unis pourraient gagner une guerre froide qui s’éternise.

Combien de temps faudra-t-il encore pour que les États-Unis le reconnaissent et abandonnent leur illusion de suprématie ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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