L’effroyable posture


Par Stratdiplo − Le 1er  mai 2018 − Source stratediplo

Effroyable posture : le plus significatif serait que ce titre parodique n’éveille aucune résonance dans les cellules grises mémorielles à haute volatilité des cerveaux hexagonalement formatés.

Jeudi 26 avril, dix-sept habitants de Douma (Syrie) sont venus faire leurs dépositions au siège de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, à La Haye, puis ont été présentés en conférence de presse ouverte à toutes les questions. Ce groupe de témoins comprenait notamment les figurants involontaires du vidéogramme des faux Casques Blancs ayant servi de prétexte au bombardement de la Syrie par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ainsi que les médecins de l’hôpital de Douma où avait été tourné ce vidéogramme mensonger.

Évidemment les représentants des trois pays ayant illégalement (aux yeux du droit international et de la Charte de l’ONU) bombardé la Syrie quelques heures avant le début de l’enquête de l’OIAC se sont obstensiblement retirés jeudi du siège de l’OIAC. Le représentant des États-Unis est cependant resté un peu plus longtemps dans le couloir pour intimer personnellement à tout représentant d’un pays libre de faire demi-tour et de ne pas entrer dans la salle, tentative d’intimidation improvisée et maladroite (les représentants de plusieurs dizaines de pays membres lui ont d’ailleurs désobéi) qui sera radicalement transcendée comme on le verra prochainement. Il avait auparavant fait le tour de ses alliés pour leur interdire d’assister à l’audience des dépositions, que le représentant de la France, l’ambassadeur aux Pays-Bas Philippe Lalliot, a qualifiée de révoltante.

La presse dictée, qui avait consacré ses gros titres des 8 avril et suivants aux accusations d’attaque chimique et mis en première page ou diffusé en boucle les photos et le court-métrage montrant de prétendues victimes d’attaque chimique à l’hôpital de Douma, refuse de donner la parole voire simplement d’écouter ces prétendues victimes. Après avoir diffusé très largement et lourdement ces images auprès de son lectorat, sans le moindre contrôle d’authenticité ou même d’identité (des réalisateurs comme des prétendues victimes), cette presse interdit unanimement à son lectorat de connaître la vérité à ce sujet. D’abord elle n’est pas allée spontanément sur place à la source des prétendues informations (pourtant très graves et ayant servi de prétexte à une guerre) qu’elle a diffusées, puis elle a volontairement ignoré les invitations et appels des autorités locales, ainsi que des journalistes des pays libres (ou journalistes indépendants des pays sous contrôle) et des témoins eux-mêmes une fois que ces journalistes leur ont donné la possibilité de s’exprimer, et enfin elle refuse de diffuser les rectificatifs alors que les intéressés ont été identifiés, ont fait l’effort de demander un visa pour les Pays-Bas et sont authentifiés et présentés par une organisation internationale, à son siège, en Europe.

On ne va pas étudier ici les multiples codes de déontologie et surtout les nombreux codes civils mais il est pratiquement certain que tous les moyens de presse écrite, radiophonique ou télévisée qui ont diffusé les images de personnes (sans leur autorisation) présentes à l’hôpital de Douma le 7 ou le 8 avril 2018 et refusent de diffuser leurs déclarations violent la loi de leur pays, tant en matière de presse qu’en matière de respect de la vie privée et de prohibition de la calomnie. Il y a des pays où l’efficacité et l’impartialité de la presse sont philosophiquement considérées comme des composantes indispensables du système démocratique, et il y a des pays où la liberté de la presse est conditionnée à sa sincérité, comme en France où une certaine liberté d’information sous stricte condition de véracité (article 27 de la loi du 29 juillet 1889) a été rétablie avant même le rétablissement par exemple des libertés d’enseignement puis d’association, en l’occurrence moins d’un siècle après la Révolution. Et il y a eu, et il semble qu’il y ait de nouveau, des pays où la presse publique ou privée n’est autorisée qu’à diffuser l’information dictée ou certifiée par une agence gouvernementale. Ce fut notoirement le cas sous les régimes marxistes, comme le national-socialisme et le bolchévisme. Sous certains régimes la dictée des agences de presse nationale va, au-delà de la désinformation politique, jusqu’à la diffamation personnelle.

Il faut rappeler ici que la législation de la plupart des pays civilisés interdit d’une part d’utiliser l’image d’une personne privée sans son accord, et d’autre part de lui attribuer des propos ou des comportements sans lui permettre de répondre. Même en Syrie une personne dont un journal a diffusé une photographie avec une légende fallacieuse, par exemple en la présentant comme victime d’une attaque chimique, dispose d’un droit de réponse obligeant ledit journal à publier cette réponse sur le même média et de la même manière (en première page si la mention initiale était en première page) afin de donner aux déclarations de l’intéressé la même audience qu’aux déclarations sur l’intéressé.

Mais certains médias vont même plus loin et calomnient carrément les dix-sept témoins de Douma. Jeudi 26 lors de la conférence de presse le ton a été donné dès la première question, posée en l’occurrence par une journaliste britannique leur demandant combien ils avaient été payés pour venir, affirmant ainsi explicitement qu’ils avaient été payés et les accusant implicitement de prévarication, mensonge et imposture, insinuation particulièrement indélicate envers des gens présentés deux semaines plus tôt comme des victimes d’un crime de guerre suffisamment grave pour motiver un crime contre l’humanité (le crime contre la paix). Ensuite les rares médias qui ont mentionné la venue de ces Syriens à La Haye ont mis en doute leur identité (copiant le communiqué mensonger de Reuters disant qu’ils n’étaient pas identifiés), pourtant vérifiée tant par le consulat néerlandais qui leur accordé le visa que par la police d’immigration à l’aéroport de La Haye et le service de sécurité du siège de l’OIAC, et en singulier contraste avec l’anonymat total de la vidéo et des photos que les mêmes médias avaient diffusées sans en chercher la moindre identification, authentification ou confirmation. Les rares médias ayant rapporté le point de presse ont mentionné que les représentants russe et syrien à l’OIAC avaient présenté des Syriens non identifiés comme de prétendus résidents de Douma, mais se sont bien gardés de diffuser la moindre image, en particulier du garçonnet Hassan Diab aisément reconnaissable puisqu’il avait été malgré lui le personnage principal du court-métrage de propagande des faux Casques Blancs très largement diffusé dans le monde entier, et se sont gardés également de mentionner les qualités et fonctions aisément vérifiables des médecins de l’hôpital. Variant comme d’habitude légèrement leurs phrases, les médias ont néanmoins textuellement repris dans toutes les langues les deux expressions communiquées par les trois agences de presse des pays agresseurs de la Syrie, à savoir « mascarade honteuse » et « mascarade obscène ».

En l’occurrence il est évident que les trois agences qui dictent l’information au monde ne pouvaient être objectives puisque l’Agence France Presse est l’agence officielle française, que Reuters est l’agence britannique et American Press l’agence étasunienne, relevant donc respectivement des trois pays de l’OTAN qui ont bombardé la Syrie le 14 avril quelques heures avant l’arrivée des enquêteurs de l’OIAC (qui à ce jour n’ont pas trouvé de traces d’une attaque chimique, comme le savaient les décideurs des bombardements), et dont les représentants ont tenté d’empêcher l’audition de ces témoins à l’OIAC le 26 avril. Mais le monopole de ces agences dépendantes de gouvernements fractores pacis qui viennent de se rendre coupables de la plus grave violation du droit international (le crime d’agression) leur permet d’imposer leurs mensonges flagrants bien au-delà de la sphère occidentale, jusqu’aux presses notamment japonaise, australienne et néozélandaise qui désinforment ainsi leur lectorat selon la dictée des trois agences de presse de l’OTAN.

Pourtant la presse du monde autrefois libre sait à quoi s’en tenir au sujet des supports de propagande des faux Casques Blancs depuis au moins le 30 septembre 2015, lorsqu’ils sont devenus célèbres en présentant de fausses photographies de prétendues victimes de bombardements russes la veille de l’intervention russe en Syrie, et que l’adjoint Farhan Haq du porte-parole du secrétaire général de l’ONU a été obligé de corriger les déclarations faites à la presse par son chef Stéphane Dujarric de la Rivière quelques heures plus tôt, en disant que celui-ci s’était rendu compte ensuite qu’il avait été intoxiqué par plusieurs sources non confirmables dont les Casques Blancs, que Farhan Haq a d’ailleurs nommés White Helmets avant de vérifier s’il s’agissait bien de l’organisation humanitaire gouvernementale argentine reconnue par l’ONU, sous ce nom, dans une vingtaine de résolutions depuis la 49/139 de 1994.

Certains médias ont accompagné leur mention succincte et injurieuse de la déposition ou de la conférence de presse des habitants de Douma d’un avertissement explicite disant « fake news », cette expression anglaise à laquelle le président français entend faire dédier (par le parlement) une loi institutionnalisant un contrôle accru de l’information, et plus précisément l’interdiction de supports de presse indépendants des trois agences de l’OTAN. À la promotion gouvernementale du discours mensonger on va ajouter la suppression de toute version alternative.

Après avoir fait croire au public « occidental » que le gouvernement syrien avait utilisé des armes chimiques à Douma (et le gouvernement russe une arme chimique à Salisbury), on déploie des montagnes d’énergie et de perfidie pour l’empêcher de connaître la vérité. De toute évidence on entraîne tous les rouages de l’information dictée en vue du jour où on aura décidé de faire croire au public « occidental » que la Russie a largué une bombe nucléaire sur l’aéroport de Lougansk (comme l’a déclaré le 19 septembre 2014 le régime issu du coup d’État ukrainien), voire sur Minsk, Riga ou Varsovie.

Cette effroyable posture d’une conspiration médiatico-gouvernementale contre le droit à l’information et à la vérité devient extrêmement dangereuse pour la paix.

Stratdiplo

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