Par Moon of Alabama – Le 25 novembre 2024
Les rédacteurs du Washington Post vont encore plus loin dans l’immense hypocrisie dont les dirigeants « occidentaux » font généralement preuve à l’égard du reste du monde.
Le Post déclare que la Cour pénale internationale n’est pas le bon endroit pour demander à Israël et à ses dirigeants de rendre compte de ses crimes de guerre.
Opinion – La Cour pénale internationale n’est pas le lieu pour demander des comptes à Israël (archivé) – Washington Post
La CPI est nécessaire pour aider à résoudre les crimes de guerre en Russie, au Soudan, au Myanmar. Mais cibler Israël rend cette tâche plus difficile.
L’argument avancé dans l’article n’est pas pertinent et n’a rien à voir avec l’arrêt de la Cour :
Israël n’est pas membre de la CPI et les mandats d’arrêt n’auront qu’un effet pratique limité, si ce n’est d’empêcher MM. Netanyahu et Gallant de se rendre dans les pays qui se sont engagés à appliquer la condamnation de la CPI.
Les crimes de guerre dont Netanyahu et Gallant sont accusés se déroulent en Palestine, en dehors des frontières reconnues d’Israël. La Palestine est un État adhérant au statut de Rome. La CPI est donc compétente pour juger ce qui se passe sur son territoire. L’aspect (in-)applicable de la décision de la Cour n’est pas un argument contre celle-ci.
Mais ces demandes d’arrestation sapent la crédibilité de la CPI et accréditent les accusations d’hypocrisie et de poursuites sélectives. La CPI met les dirigeants élus d’un pays démocratique doté d’un système judiciaire indépendant dans la même catégorie que les dictateurs et les autocrates qui tuent en toute impunité.
L’accusation et le tribunal préliminaire ont estimé qu’il était fort probable qu’Israël commette des crimes de guerre et un génocide. Ne pas poursuivre ces crimes commis par des citoyens israéliens parce que le pays prétend (!) être démocratique et avoir son propre système judiciaire indépendant serait de l’« hypocrisie et des poursuites sélectives ».
En faisant le contraire, en poursuivant des citoyens israéliens, le tribunal tente d’appliquer la justice de manière égale. Le Post défie la logique en affirmant le contraire.
La rédaction du Post poursuit en se méprenant délibérément sur le statut de Rome qui constitue la base juridique de la Cour.
Israël doit être tenu pour responsable de sa conduite militaire à Gaza. Après la fin du conflit – qui se fait attendre depuis longtemps – il y aura sans aucun doute des commissions d’enquête judiciaires, parlementaires et militaires israéliennes. Les médias israéliens, dynamiques et indépendants, mèneront leurs propres enquêtes.
…
La CPI est censée intervenir lorsque les pays n’ont pas les moyens ou les mécanismes pour enquêter eux-mêmes. Ce n’est pas le cas d’Israël.
L’affirmation mise en exergue est fausse. Israël a déjà utilisé cet argument, en disant que ses propres tribunaux s’occuperaient à un moment ou à un autre du problème, pour essayer d’empêcher ces mandats d’arrêt et obtenir le report du jugement.
L’arrêt de la Cour y fait explicitement référence :
La Chambre a statué sur deux requêtes soumises par Israël le 26 septembre 2024. [Dans la deuxième requête, Israël a demandé à la Chambre d’ordonner à l’Accusation de fournir une nouvelle notification de l’ouverture d’une enquête à ses autorités en vertu de l’article 18 1 du Statut. Israël a également demandé à la Chambre d’interrompre toute procédure devant la Cour dans la situation pertinente, y compris l’examen des demandes de mandats d’arrêt pour M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, soumises par l’Accusation le 20 mai 2024.
La Cour a estimé que la demande israélienne de report, qui constitue en fait une tentative de mettre fin à la procédure, est prématurée :
De plus, la Chambre a considéré qu’en vertu de l’article 19(1) du Statut, les États ne sont pas autorisés à contester la compétence de la Cour en vertu de l’article 19(2) avant l’émission d’un mandat d’arrêt. La contestation d’Israël est donc prématurée. Ceci est sans préjudice de toute contestation future de la compétence de la Cour et/ou de la recevabilité d’une affaire particulière.
Les rédacteurs du Washington Post n’essaient même pas de réfuter l’argument de la Cour. Ils ne le pourraient pas.
Ils admettent cependant qu’Israël, agissant en toute impunité, provoque délibérément une famine :
Israël a également la responsabilité de permettre à l’aide humanitaire d’atteindre les millions de Palestiniens déplacés et souffrant d’une pénurie alimentaire aiguë proche de la famine. Sur ce point, le gouvernement israélien n’a pas été à la hauteur.
…
Une analyse du Post a montré qu’Israël n’a pas respecté les trois principales demandes du gouvernement américain : un afflux massif d’aide humanitaire, et non un simple filet d’eau ; l’accès à Gaza pour les camions commerciaux ; et la fin du siège israélien du nord de la bande de Gaza.
Bien qu’ils reconnaissent la culpabilité d’Israël dans ce crime de guerre, les rédacteurs ignorent sa pertinence pour la Cour.
Au lieu de cela, ils menacent la Cour d’une action présidentielle :
Les mandats d’arrêt inconsidérés contre Israël ne font que donner à M. Trump une nouvelle raison de mettre fin à la coopération américaine avec la Cour, à un moment où celle-ci est nécessaire pour la Russie, le Soudan, le Myanmar et d’autres conflits où des atrocités sont commises en toute impunité et où les victimes n’ont pas d’autre recours.
Le Post, malgré son hostilité à Trump, semble se réjouir de toute action qu’il pourrait entreprendre contre la Cour.
Signaler d’autres affaires qui pourraient mériter (ou non) l’attention de la Cour n’est pas un argument, mais du détournement d’attention en bonne et due forme.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Note du Saker Francophone
Il y a encore pire dans l’ignominie :
« Le sénateur républicain Lindsey Graham menace de sanctionner les alliés des États-Unis s’ils appliquent les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la défense Yoav Gallant, comme nombre d’entre eux se sont engagés à le faire.
« À tout allié, au Canada, à la Grande-Bretagne, à l’Allemagne, à la France, si vous essayez d’aider la CPI, nous vous sanctionnerons », a déclaré M. Graham lors d’une interview accordée à Fox News.
« Si vous aidez la CPI, en tant que nation, à appliquer le mandat d’arrêt contre Bibi et Gallant, je vous sanctionnerai », a ajouté M. Graham, qui s’est retourné contre la Cour alors qu’il l’avait soutenue quand elle a décidé d’émettre un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine. »