Le sommet qui changera le G20


Par He Yafei – Le 11 mai 2016 – Chine Info.

Le 24 mars 2016, le ministre du Commerce Gao Hucheng, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi et le gouverneur de la Banque populaire de Chine Zhou Xiaochuan répondent aux questions des journalistes sur le G20 qui aura lieu à Hangzhou.

Hangzhou, ville hôte du Sommet du G20 de 2016, accueillera de nombreux poids lourds venant de plusieurs pays du monde. Actuellement, le monde entier se focalise sur la Chine, espérant qu’elle jouera son rôle irremplaçable pour promouvoir la croissance mondiale et la réforme du système de gouvernance économique mondiale.

Un grand espoir placé dans la Chine

Lors du sommet en 2014 tenu à Brisbane en Australie, le G20 a choisi la Chine au lieu du Japon comme pays hôte pour le sommet de 2016, comptant sur elle pour en prendre la tête et coordonner l’économie et la politique financière des principales puissances économiques mondiales, afin de relancer la croissance. Par ailleurs, de grands espoirs pèsent sur la Chine, dont tous espèrent qu’elle jouera un rôle moteur pour la transformation et la réforme du G20. Celui-ci, d’un mécanisme de réponse aux crises, doit devenir un outil de gouvernance économique mondiale et de lutte contre les difficultés économiques globales. Enfin, le G20 espère également que la Chine parviendra à réformer le système monétaire international de façon à éviter une nouvelle crise financière.

En dressant le bilan de l’action du G20 pendant l’année 2015, on constate que la gouvernance économique mondiale a déjà connu des changements considérables. La représentation des pays émergents et en voie de développement, notamment de la Chine, s’est accrue par rapport à ce qu’elle était dans les mécanismes traditionnels. Ces pays ont désormais voix au chapitre dans le nouveau mécanisme international.

Le système de gouvernance économique mondiale suppose une série de mécanismes et d’arrangements internationaux entre les organisations internationales multilatérales et des règles internationales, parmi lesquels on compte des mécanismes internationaux traditionnels que sont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais aussi de nouveaux mécanismes de consultation et de coordination multilatérale que sont le G20, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et la Banque de développement des BRICS.

Le 30 novembre 2015, le conseil exécutif du FMI a approuvé le RMB comme monnaie de réserve internationale comprise dans le panier des droits de tirage spéciaux (DTS), ce qui renforce la diversité, la représentativité et l’attrait des DTS. En décembre 2015, l’approbation par le Congrès américain de la réforme du FMI relative aux quotes-parts des devises de réserve prouve bien que la réforme du FMI stimulera celle des institutions financières internationales. D’autre part, les membres de l’OMC ont promis pour la première fois d’annuler leurs subventions à l’exportation de produits agricoles et sont parvenus à plusieurs accords multilatéraux en matière du financement des exportations du coton, de l’aide alimentaire internationale, une décision importante pour l’accroissement des revenus des paysans dans les pays en voie de développement. Dans la même période, la Chine est entrée au capital de la Banque européenne de reconstruction et de développement, ouvrant de nouvelles possibilités et des appuis supplémentaires à la mise en œuvre des nouvelles Routes de la Soie, ainsi que de projets de coopération financière entre la Chine et l’Europe.

Mais ces réformes ne sont que les premiers pas d’une longue marche. Pour s’adapter à une situation économique mondiale changeante et surmonter les difficultés économiques internationales, il faut refonder le système de gouvernance économique mondiale en approfondissant les réformes avec un élan neuf.

Pour la Chine, il sera crucial de profiter de cette place de choix au sein de la gouvernance mondiale, pour renforcer ses consultations avec d’autres pays, résoudre les problèmes complexes que traverse l’économie et promouvoir un développement durable. Dans le même temps, en tant que pays en voie de développement à l’économie émergente, la Chine doit faire des efforts pour favoriser la transformation et la réforme du système de gouvernance mondiale, en particulier dans les principales organisations économiques internationales, pour donner davantage de poids aux pays émergents dans les affaires internationales et défendre les intérêts fondamentaux des pays en voie de développement, ce qui contribue en même temps à la démocratisation des relations internationales et à un ordre économique international plus juste, plus équitable et plus raisonnable.

Enjeux et défis

Le Sommet du G20 qui se tiendra à Hangzhou constitue une chance pour la Chine d’amener le groupe à affronter les défis afin d’augmenter son influence, éliminer les divergences internes et rétablir son dynamisme après la crise de 2008, mais c’est aussi une épreuve redoutable.

En tant que mécanisme de coordination et de dialogue des politiques macroéconomiques, le G20 joue un rôle de plus en plus important.

Il est un support indispensable à la gouvernance mondiale. La globalisation suppose l’intégration économique du monde qui se forme en communauté d’intérêts. Face à la crise financière et économique de 2008, le G20 avait fait valoir son rôle prépondérant dans la gouvernance mondiale, en remplaçant le G8+5 en 2009. Le G20 est le mécanisme le plus élevé de dialogue d’égal à égal entre dirigeants des pays développés et en voie de développement.

Par ailleurs, la croissance mondiale a besoin d’une coordination politique du G20 sur le plan macroéconomique. En tant que deuxième puissance économique mondiale et dépositaire de la présidence tournante du G20, la Chine mettra en valeur son rôle de promoteur de la reprise économique mondiale et améliorera la gouvernance économique mondiale. Selon l’évaluation récente publiée par le FMI, ce sont les pays émergents, dont la Chine, qui restent les moteurs de l’économie mondiale. Conclusion : en dépit des difficultés, la Chine organisera le Sommet du G20 et coordonnera les politiques macroéconomiques du monde, en répondant aux aspirations de tous.

Actuellement, le G20 représente un forum idéal pour améliorer et rénover le système de gouvernance mondiale et transformer le système international. Cependant, les pays occidentaux entretiennent des doutes sur la montée en puissance des pays émergents, craignant qu’ils ne renversent le système international existant. C’est pourquoi ils souhaitent préserver le système international et ses principes actuels, afin de brider l’influence des pays émergents et réaliser une transformation progressive de la gouvernance mondiale. Les pays occidentaux sont prêts à renoncer à certains de leurs droits, à condition que les pays émergents se développent au sein du cadre actuel. Ces pays émergents, qui ont de leur côté bénéficié de la globalisation et du système réglementaire actuel, ne souhaitent pas partir de zéro, mais plutôt accéder graduellement au droit d’en redéfinir les règles. Le G20 est un organisme de coopération capable de satisfaire aux besoins de toutes les parties.

Cependant, des facteurs historiques et sa nature propre soumettent le G20 à une série de défis cruciaux.

Il y a tout d’abord le problème de sa légalité qui s’est posé dès sa fondation. La part de chacun de ses membres au PIB mondial et leur représentation au sein de la communauté internationale doivent faire l’objet d’une formulation institutionnelle et doivent suivre la jurisprudence des Nations Unies et d’autres organisations internationales.

Ensuite, un autre problème du G20 est son manque d’efficacité dans la prise des décisions et leur exécution. Le plus souvent, les discussions entre membres du G20 s’enlisent et n’aboutissent à rien, et il est fréquent que des décisions prises restent sans suite.

Son rôle informel et le caractère fragmentaire du système de gouvernance économique mondiale, empêchent le G20 de prendre et d’appliquer des mesures capables de résoudre les problèmes financiers et économiques globaux ou d’améliorer la gouvernance mondiale.

Son rôle informel est la cause du manque de force exécutoire de ses décisions. Autrefois, le G7 appliquait ses mesures par l’intermédiaire du système né de Bretton Woods, et c’est pourquoi il pouvait jouer un certain rôle dans le système international. Toutefois, il n’existe pas de relation de subordination officielle, ni de mécanisme d’indexation entre le G20 et les organisations internationales comme le FMI. Les différends et les contradictions internes constituent également un obstacle à l’efficacité du G20. États-Unis, Europe et Japon tentent d’influencer et de dominer l’ordre du jour du G20 au travers du G7. De fait, on compte trois groupes distincts au sein du G20 : le G7, le BRICS et le MITKA (Mexique, Indonésie, Turquie, Corée du Sud et Australie), d’où la complexité et la difficulté qu’il éprouve à coordonner ses travaux.

Enfin, les jeux géopolitiques des grandes puissances grèvent la coordination et les possibilités d’accord au sein du G20, rendant plus difficile la prise de décision. La plupart des grandes puissances font partie du G20, et c’est à la fois un avantage et une difficulté. Ces dernières années, l’exacerbation des rivalités géopolitiques entre plusieurs puissances, comme la crise ukrainienne, le conflit syrien ou la stratégie du pivot vers l’Asie, a toutes sortes de conséquences sur la coordination au sein du G20, alors que seule l’unité permet l’efficacité de l’institution.

Le Sommet de Hangzhou rassemble le monde entier

Le Sommet du G20 à Hangzhou polarise l’attention publique. Pour que ce sommet historique assure la continuité et le développement, il devra allier étroitement la conjoncture économique du monde et la situation de la gouvernance économique mondiale, stimuler la croissance mondiale par l’innovation, promouvoir la réforme de la gouvernance économique mondiale et attacher une grande importance au développement.

Premièrement, la relance de la croissance mondiale est un sujet qui préoccupe tous les pays. Le nouveau concept de développement innovateur, coordonné, durable, ouvert et partagé, lancé par la Chine dans son XIIIe plan quinquennal, l’expérience réussie de sa transformation économique dans la nouvelle normalité, inspirent le G20 et d’autres pays et ils pourraient être inscrits à l’ordre du jour de ce sommet.

La croissance économique requiert une coordination des politiques macroéconomiques, qui à son tour dépend d’une coopération stratégique entre tous les pays. C’est pourquoi l’initiative des nouvelles Routes de la Soie met l’accent sur la convergence stratégique du développement. Selon les projections du FMI, la mise en œuvre de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie contribuera pour 30 % à 40 % à la croissance mondiale. Par ailleurs, le G20 doit renforcer sa communication et sa coordination en matière de développement axé sur l’innovation, afin de trouver un nouveau mode de développement mondial.

Deuxièmement, la réforme de la gouvernance économique mondiale doit s’appuyer sur une transformation en bon ordre du G20. Ce sommet doit être l’occasion de discuter le plus avant possible de cette nécessité de transformation ainsi que de son calendrier, afin de renforcer sa planification et sa faisabilité et résoudre les problèmes de manque d’efficacité du G20.

Ces cinq prochaines années, les points suivants pourraient être privilégiés :

– Déterminer les sujets prioritaires de délibération du Sommet du G20 en résolvant les principaux problèmes, notamment ceux portant sur la construction d’infrastructures, l’énergie et la sécurité de l’offre de produits de consommation courante comme l’agro-alimentaire. Simultanément, il faut prendre en considération le financement des mesures contre le changement climatique. Une fois décidés, ces sujets doivent être poussés au maximum en vue d’obtenir des résultats tangibles.

– Établir le plus vite possible un secrétariat du G20, afin d’améliorer sa capacité à lancer des recherches, à présenter des sujets de discussion, à fixer des politiques et à exécuter des décisions. Actuellement, malgré son système de troïka, le G20 manque d’un secrétariat et fonctionne sous la forme de conseils des ministres et de sommets informels, avec un système de présidence tournante. Pour renforcer son rôle dans la gouvernance économique mondiale, il doit se constituer en organisme permanent. C’est pourquoi sur le long terme, le G20 devra se doter d’un secrétariat permanent.

– Promouvoir la réforme du système monétaire international, entraînée par la réforme du FMI. Une grande importance devrait être attachée à la diversité des monnaies de réserve internationales et à l’affirmation du rôle des DTS pour établir un nouveau système monétaire multipolaire.

– Faire du G20 une organisation légale, par la mise en place d’une relation avec les Nations Unies par des actes juridiques, la transformation du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC et du Conseil de stabilité financière en des organes exécutifs du G20. Améliorer la gouvernance du G20, dans le cadre de la réforme des Nations Unies et la définition de sa place juridique dans la gouvernance mondiale.

Troisièmement, renforcer la communication et la coordination entre les grandes puissances et les principaux groupes de pays, notamment avec les États-Unis, pour assurer une réussite totale du Sommet de Hangzhou. La coordination entre la Chine et les États-Unis est l’un des facteurs centraux qui permettra au G20 de prendre des décisions et de les mettre en œuvre. Cela s’est confirmé lors de la crise financière de 2008-2009. Il ne s’agit pas d’établir un G2, mais de coordonner les actions de ces deux grandes puissances, une condition indispensable à la réussite du G20.

Grâce à la coopération étroite de tous les pays membres du G20, le Sommet du G20 à Hangzhou sera un succès.

He Yafei est ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ancien directeur adjoint du Bureau des affaires des Chinois d’outre-mer relevant du Conseil des affaires d’État.

 

 

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